Il y a eux, lui, moi. Leurs visions du spectacle, son avis sur la prestation, mon regard sur ce que Jan Fabre nous offrait ce soir là au Théâtre Municipal d'Avignon. On ne se lasse pas de mettre en perspective L'Empereur de la Perte et, comme pour toute pièce, les niveaux de discussions sont pluriels. Certains entreront dans le théâtre pétris d'a priori, d'autres moins disponibles, l'esprit ailleurs, pour d'autres encore c'est une première à Avignon. Et pourtant nous nous accordons tous pour dire que Dirk Roofthooft est L'empereur de la Perte, qu'il transcende l'espace, les mots et son personnage.
Le texte pourra vous laisser sceptique, ou au contraire vous y trouverez un vivier de métaphores?Mais qu'importe au fond puisque Dirk Roofthooft est le mot, le texte, la métaphore. Quand votre oreille se perd au détour d'une phase (là haut, alors que vous êtes perchés sur le 2ème balcon), votre regard hypnotisé suit forcément le comédien dans ses tribulations d'artiste raté en mal de reconnaissance. Le pantin affalé dans un coin de la scène vient nous rappeler que l'époque des faux semblants est bel et bien révolue. Le comédien est-il mort ? Le spectacle ne peut plus désormais se faire sans nous, L'Empereur de la Perte brise la glace en douceur, il fait fi de la presse et de l'ambiance houleuse qui règne cette année à Avignon. Son rôle lui en donne les moyens, en clown il peut se permettre des interactions avec le public. Dirk use a merveille de cette flexibilité et improvise des scènes qui le conduisent par exemple à commenter le départ de l'un dans la salle, ou la surprise d'une autre qui manque de se faire crever un ?il tandis que l'Empereur jongle avec des assiettes. Car il jongle ou tente avec enthousiasme d'autres numéros?
Autant d'échecs qui le font entrer dans des colères noires. Son buste dénudés rougit sous la pression de l'élastique, il frappe son corps avec frénésie. L'Empereur de la Perte souffre et suscite la compassion. Dirk Roofthooft exploite élégamment le filon, nous cédons à l'admiration.
Peggy Corlin – Pascal Bély – Le Tadorne
“L’empereur de la perte” de Jan Fabre au Festival d’Avignon, juillet 2005.