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ETRE SPECTATEUR FESTIVAL D'AVIGNON

Festival d’Avignon : promis, nous recommencerons?

Chaque année, le Festival d’Avignon est une performance, un défi : 33 spectacles vus dans le In, 15 dans le Off, auxquels il faut ajouter l’animation de six rendez-vous avec les spectateurs et les artistes lors des «Offinités du Tadorne» programmée au Village du Off.

Il est encore trop tôt pour écrire le bilan artistique. Mais à quelques heures du départ d’Avignon, quelques images?

Sur la Place des Corps Saints, je n’arrivais plus à quitter Sylvie et Sylvain. Nous venions de vivre un moment exceptionnel avec l’exposition de Sophie Calle, «Rachel, Monique».

Sur la place des Corps Saints, nous improvisions avec Sylvie un meeting de protestation avec des spectateurs du nord de la France contre le spectacle de  Régine Chopinot. Tous ensemble, tous ensemble !

Sur la Place Pie, j’avais envie d’une glace à la fraise. Dans « Bonheur titre provisoire», l’actrice Pauline Méreuze m’avait donné le goût d’y croire encore?

Sur la Place du Palais des Papes, il était 16h. Nous sortions des profondeurs du Palais. Les rats des camps avaient fait le voyage jusqu’à Avignon. Frigorifiés. Exténués. « Sans titre» de Steven Cohen restera pour longtemps une expérience hors du commun.

Sur la Place des Carmes, à la sortie de «Tragédie» d’Olivier Dubois, j’avais envie de danser avec Sylvie tant nos corps électrifiés avaient de l’énergie à revendre.

Sur la place de l’Horloge, nous étions comme des abrutis à chercher quelle direction prendre. Avec Sylvie, nous trouvions que la création de Thomas Ostermeier, «Un ennemi du peuple», ne nous rendait pas intelligent.

Au Palais des  Papes, c’était l’entracte de “La Mouette” d‘Arthur Nauzyciel. Avec Sylvie et Igor, nous n’en revenions pas d’assister à tant de virtuosité tandis que les acteurs mouettes s’échouaient sur la scène.

C’était le lendemain. «Et si on y revenait ?» lançais-je à Sylvie pour plaisanter. On a vu deux fois «Conte d’amour» de Markus Öhrn, parce qu’il le fallait, parce que cette oeuvre était surréaliste dans le paysage théâtral contemporain.

C’était à 18h45. Elle arriva. Julia dansa. Premier frisson du festival.  «Disabled Theater» de Jérôme Bel fut une grande leçon de théâtre.

 Dans le bus de la Manufacture, Bernard, Sylvie et moi-même trouvions que Facebook était une belle toile d’humains. Merci à  Renaud Cojo de nous avoir reliés.

Dans le bus de la Manufacture, Claire me souriait. Nous venions de nous rouler dans les prairies des  plaines fertiles de Belgique où «Baal» du Théâtre Antigone nous avait invités !

À la descente du bus de Montfavet, je découvrais ahuri le vol de ma selle et de ma tige de vélo. Je savais bien qu’il ne fallait pas voir «Le trait» de Nacera Belaza.

 «Sylvie, où êtes-vous ?» restera une phrase culte. Tandis que Sylvie Lefrere partait avec son micro à la rencontre des spectateurs, j’ouvrais les débats sous le chapiteau avec ceux qui étaient présents pour «Les Offinités du Tadorne». Nous avons aimé ces rendez-vous, souvent sans filet, mais en sécurité parce que c’était bienveillant. Je me souviendrais de la complicité des artistes que nous avions invités (Christiane Véricel, Étienne Schwartz, Michel Kelemenis, Renaud Cojo, Gilbert Traina), de la profondeur des regards portés sur les spectacles avec le public (ah, Pascale, je vous aime !), du soutien sans faille de Christophe Galent du Festival Off, de l’engagement des professionnels de la toute petite enfance. On recommencera?Promis.

 «Pas d’accord», «D’accord», «Es-tu sûr de vouloir rester sur Avignon ?», ?Ah, la page Facebook du Tadorne ! Elle a été notre mur des Lamentations, notre mur pour nos graffitis amoureux, notre mur pour nous frapper la tête, notre mur pour nous soutenir, notre mur pour pouvoir le sauter, notre mur contre vos façades, ?Merci à Robin, Marie-Anne, Gilbert, Pascal, Emeric, Jérôme, Martine, Clémence, Johanne, Catherine, Marc, Ludo,Virginie, Hugues, Sébastien, Pascale, Thomas, Nicolas, Robin, Céline, Agnès, Noonak, Mickey, Alain, Philippe, Charles-Eric, Loïc, Bertrand, Christiane, Rita, Marc, Pierre-Johann, Simon, Emeline, Tiago, Sophie, Frederike, Valerie, Clémentine, Nicolas, Marie, Thibaud , Monica, Isabelle, Magali, Karime,…Vous avez été plus de 35000 visiteurs uniques pendant tout le festival! On recommencera?Promis.

Et puis…Laurent, Francis, Sylvain, Bernard, Sylvain, Alexandra. Et vous Sylvie! On a fait une belle équipe de Tadornes. On recommencera? Promis.

Et puis. Il y a tous les lecteurs du Tadorne. Le blog a battu son record d’audience. Près de 25000 visiteurs uniques (contre 11 000 l’an dernier). Vous avez beaucoup consulté l’article de Sylvie sur Sophie Calle, mes coups de gueule à l’égard du théâtre français et contre le spectacle de Régine Chopinot, les critiques des spectacles d’Olivier Dubois et de Markus Öhrn. Nos différentes sélections sur le Off semblent avoir été appréciées.

On recommencera.Promis.

Promis.

Pascal Bély, Le Tadorne.

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FESTIVAL D'AVIGNON THEATRE MODERNE

Avignon Off 2012 : Veuillez accepter, Madame, Monsieur, leur demande d’ajout à votre liste d’amis.

Renaud Cojo est un artiste singulier, différent. A côté mais «dans»… Il nous vient de la région de Bordeaux. De là-bas, mais surtout «d’ici et maintenant», dans un désir d’entrer autrement en relation avec le public. Depuis que nous avons rencontré son travail, nous apprenons à le connaître sur la scène et sur sa page Facebook, espace virtuel où il pose un regard décalé et bienveillant sur son environnement. En 2008, il nous avait agacés avec «Éléphant People», objet hybride mal positionné. En 2009, nous avons gardé une sincère admiration pour l’univers créatif qui se dégageait de «…Et puis j’ai demandé à Christian de jouer l’intro de Ziggy Stardust“.  Pour le Festival Off d’Avignon, il nous revient avec un petit bijou d’inventions autour de la galaxie des réseaux sociaux sur internet («Plus tard, j’ai frémi au léger effet de reverbe sur I feel like a group of one (Suite Empire)». Nous ignorons de quoi était fait son biberon, mais il nous plait de penser qu’il garde de sa toute petite enfance, l’énergie pour créer un univers relationnel au profit du groupe.

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Face à nous,  une scène inclinée de verre recouvre des petites cases d’où regorgent des trésors. Métaphore du net? Romain Finart, artiste en fauteuil, peine à gravir cette pente. Est-il le seul? Qu’importe. Rien n’est insurmontable pour Renaud Cojo. Tel un cambrioleur avec sa ventouse, il ouvre petit à petit ces cases pour en extraire des objets prétextes à des histoires développées plus haut sur l’écran. La force de cette proposition est de nous inscrire en même temps, dans trois espaces. Le premier est vivant à travers trois comédiens sur le plateau (extraordinaires de vivacité). Le second est l’interview vidéo d’une «vieille» connaissance retrouvée grâce à Facebook qui sera recrutée par Renaud Cojo pour jouer sur scène (troublante Louise Rousseau). Le troisième est une série de reportages de recherches dans le cadre de sa création. À ces différentes mises en abyme, il convient d’ajouter une petite caméra qui circule dans les mains des comédiens, telle une webcam imaginaire pour capter ce que le cinéma ne peut pas (ne voudrait pas) filmer! Ainsi outillés, nos trois compères démontrent qu’il est possible d’humaniser les réseaux sociaux sur internet. Qu’il faut le goût de l’autre, un brin d’humour amoureux, la joie de jouer avec la puissance des mots et l’envie de prendre le risque de décaler toute situation! Pendant plus de soixante-quinze minutes, Suite Empire (avatar de Renaud Cojo) parcours un vrai marathon! Tel un bâtisseur, il reconstruit ce que nous abandonnons trop vite, par lassitude, par paresse. Il s’empare de l’internet pour se forger une image dans la relation avec les autres jusqu’à le conduire vers des projets somptueux pour une utopie joyeuse! Son spectacle est une «recette», une “méthode”  offerte aux spectateurs pour ne plus s’enfermer dans une pratique égocentrée de Facebook. Peu à peu, c’est un «empire» relationnel qu’il élève, faisant sacrément concurrence à tous les créatifs qui ne savent plus quel outil technologique inventer pour contourner la complexité de la relation humaine. Il ose même créer une autre toile «identitaire» impliquant un groupe de couturières («qui ne peuvent rien lui refuser») créant un réseau sous la forme d’un patchwork avec une série de T-shirts siglés et colorés achetés lors de ses voyages! Par la magie des fées couturières, le vêtement est une mémoire de l’évolution de nos identités?

Il n’y a aucun temps mort sur le plateau comme s’il y avait urgence à occuper le terrain: point d’agitation, mais une détermination à coudre, à en découdre avec les fils que l’on veut bien se tendre et tisser. Le mouvement nous emporte comme dans un opéra magique où le décor se construit à mesure que l’imaginaire prend le pouvoir pour nous rendre notre puissance évocatrice trop souvent confisquée. Et quand Louise chante «je ne t’aime pas», nous sommes quelques-uns à vouloir actionner «Like» sur l’écran tactile qui nous relie à cet incroyable réseau social!

Sachez que dans notre Festival imaginaire de Tadornes, notre doigt a le pouvoir de faire glisser le bouton «Off» vers le «In» ?

Sylvie Lefrere, Pascal Bély. Tadornes.

«Plus tard, j’ai frémi au léger effet de reverbe sur I feel like a group of one (Suite Empire)» de Renaud Cojo à la Manufacture d’Aviignon jusqu’au 27 juillet 2012, les jours pairs.

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FESTIVAL D'AVIGNON THEATRE FRANCAIS CONTEMPORAIN THEATRE MODERNE

Au Festival Off d’Avignon, Renaud Cojo propose une réjouissance sur la fantaisie. “Forcément” émouvant.

En ces temps de repli sur soi, le Festival Off offre avec « …et puis j’ai demandé à Christian de jouer l’intro de Ziggy Stardust » de Renaud Cojo un espace de rencontre inoubliable dont on aurait tort de se priver.

Ici, le metteur en scène est sur scène pour jouer de et avec lui-même, de son art, de ses obsessions, de son désir d’inventer le théâtre de son époque. Il convoque pour la circonstance Ziggy Stardust, figure mythique incarnée par David Bowie entre février 1972 et juillet 1973. Ce dédoublement de la personnalité, est le point de départ d’une réflexion vivifiante autour de Renaud Cojo et d’amis invités sur scène. L’espace scénique est ouvert à la fantaisie, celle qui relie les hommes, loin de toute hiérarchie inutile. Ici, la diversité a trouvé son langage, incluant le spectateur, tout autant dédoublé !

Renaud Cojo étire le temps, comme un élastique, pour s’affranchir des barrières chronologiques. Avec Internet (dont You tube) et au hasard des rencontres, il est allé chercher où se cachaient les doubles de Ziggy Stardust. L’un d’eux est même sur scène (troublant Eliott Manceau) pour accompagner musicalement ce théâtre où l’image vidéo, la webcam, offrent des angles de vue qui quadruplent notre vision ! Nous voilà ainsi immergés dans ce processus psychique qui conduit l’individu à ouvrir son identité, à  construire sa toile, via internet, pour ne jamais s’isoler.

Dans une vidéo, Renaud Cojo, coiffé et habillé comme Ziggy Stardust, s’inclue dans le processus en filmant, caméra cachée, une séance savoureuse chez un psychanalyste (lui-même très au fait de l’histoire de David Bowie). Loin d’être futile, cet échange est d’une belle profondeur où s’opère la rencontre entre l’art et la psychanalyse. C’est le début d’un maillage à partir du sens qui ne se perdra jamais.

Il accepte d’inclure sur scène Romain Finart, étudiant bordelais, qui souhaitait faire un stage dans sa compagnie « Ouvre le chien » autour du processus de création. Le voilà invité lui aussi à faire un pas de côté : pour appréhender un tel processus, autant le vivre, en se créant soi-même « son » Ziggy Stardust ! Avec son fauteuil roulant, Romain irradie de sa justesse par sa posture d’observateur – acteur, et offre à Renaud Cojo toute la sensibilité qui lui évite de glisser vers la caricature. 

En multipliant les contextes sans jamais perdre le sens (« retrouver Ziggy Stardust avec ce « nous » réunifié »[1] ), en ouvrant la scène à tous les possibles tant qu’ils permettent la « rencontre », Renaud Cojo crée un théâtre qui fait du bien parce qu’il promeut la figure de l’amateur éclairé et participe à l’émancipation du spectateur en lui offrant sur un plateau, la psychanalyse comme  lecture d’une démarche complexe, émouvante et vitale.

Renaud Cojo est peut-être né sur scène, en Avignon. Il nous vient lui aussi de Mars. Accueillons-le, le temps d’une introduction, pour réunir ce que nous aurions dispersé.

Pascal Bély – www.festivalier.net

“…et puis j’ai demandé à Christian de jouer l’intro de Ziggy Stardust” de Renaud cojo à la Manufacture, Festival Off d’Avignon, à 14h10, jusqu’au 28 juillet 2009.


[1] Citation de Renaud Cojo issue du dossier de presse.