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L'IMAGINAIRE AU POUVOIR LES EXPOSITIONS LES JOURNALISTES! Marseille Provence 2013 OEUVRES MAJEURES Vidéos

Deux Tadornes au Week-end d’ouverture de Marseille Provence 2013.

Au lendemain du week-end d’ouverture de Marseille Provence 2013, le journal de 7h30 de France Inter fait le bilan. Après une semaine de grève, l’envoyé spécial de la station semble bien bien mal diposé pour oser faire un tel bilan (à écouter, en bas de cet article).  Notre réponse à ce reportage baclé…

Nous débutons ce week-end d’ouverture par l’exposition «Ici, ailleurs » à la Friche Belle de Mai. Ce choix n’a rien du hasard. C’est un lieu brut où tout se reconstruit, à l’image d’une ville en chantier, en métamorphose. À peine entré, notre regard sur l’art est partout: les murs investis par les grapheurs, le bleu de l’escalier, l’ouverture des fenêtres sur le dehors, les œuvres plastiques sur la terrasse…Nous désirons découvrir autrement la ville et nous reviennent ces habitants d’Istanbul, emmenés par la plasticienne Sophie Calle, qui voyaient la mer pour la première fois. Nous  avons peut-être le même regard qu’eux…

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Il y a foule, celle des grands jours. Nous semblons tous assoiffés d’art comme si nous étions privés depuis trop longtemps de ces rassemblements qui font l’âme d’une ville. Nous sommes excités d’être là : nous avons tant attendu!

«Ici, ailleurs» est un chemin qui, d’étage en étage, nous conduit  sur une terrasse, espace de reliance entre la mer et l’art. L’exposition nous immerge dans la pensée méditerranéenne, celle qui autorise tous les liens pour appréhender autrement le monde. Elle est composée d’archipels où nous accostons. À l’entrée, les aquarelles sur papier d’Etel Adnan, de Bouland al-Haidari et d’Issam Mahfouz accueillentdes poèmes arabes qui, telles des partitions de musique, invitent à relier tous les arts…

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Les boules de verre soufflées de Mona Hatoum séduisent les enfants qui osent les toucher. Le rouge de ces cœurs palpitants et légers  déborde des cages d’où ils refusent d’être enfermés. La case de la norme est refoulée, tel un appel du large,  à l’image de l’exceptionnelle vidéo d’Ange Leccia  («Traversée»). Du bateau qui relie le continent à la Corse, nous longeons les côtes pour entrer dans les terres brûlées de la Syrie, pour écouter la profondeur de la voie démocratique des chanteurs corses…Cette traversée nous trouble tandis qu’apparaissent des images de femme – madones, conférant à ce voyage un caractère quasi spirituel : la méditerranée se rêve, se défend, se prie,…

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Elle est une pensée qui accouche, à l’image de la «Virgo Mater» de Javier Pérez, l’une des œuvres les plus fortes de cette exposition. Composée de résine et de boyaux de porc séchés, elle vient vers nous, prête à se dévoiler. L’espoir est là : nos conquêtes laïques, sociales et culturelles ont métamorphosé le religieux. Comment ne pas voir dans ces tissus de porcs, le biologique prêt se fondre dans la culture ? Oui, au mariage pour tous…!

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Oui, à la jeune démocratie tunisienne ! Même si sa force révèle une fragilité qui fait frémir. Le cube de confettis de l’Italienne Lara Favaretto peut à tout moment s’effondrer. Hommage à la Tunisie, cette œuvre côtoie les glaçantes chaises de Jannis Kounellis. Certains visiteurs passent à côté d’elles,  fascinés par le cube. Pourtant, la nuit des longs couteaux menace…

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Le même effroi nous saisit tandis que nous approchons de «la Mer échevelée» d’Annette Messager où un bateau prêt à échouer s’engouffre dans cette étendue menaçante. Des ventilateurs provoquent les vagues, à moins qu’ils n’animent les cœurs essoufflés de Nona Hatoum. Cette œuvre forcément vivante évoque la mort de ceux qui ne sont pas revenus des voyages entre les rives. Bouleversant…

À la sortie, nous voilà penseurs méditerranéens ! Mais il nous faut maintenant partir. Une course commence pour rejoindre le centre-ville et ses clameurs de 19h. Tels des lapins blancs de Lewis Carroll, nous ne cessons de scruter notre montre. Stratégie oblige, nous abandonnons la voiture pour nous engouffrer dans les tunnels du métro pour respirer ensuite sous le ciel noir de l’hiver. L’air frais glisse sous nos joues rosies par l’excitation. Des panneaux roses  parsèment notre trajet. L’humain est partout ! Ponctuellement nous échangeons avec des personnes au gilet rouge qui nous donnent des programmes et des explications ; le public venu d’ici, ailleurs côtoie des gendarmes presque  souriants, habillés comme des Robocops.

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Nous longeons la côte, comme si c’était la première fois, fascinés comme des enfants par ces bâtiments éclairés (La cathédrale de la Major, la Villa Méditerranée, le musée des Civilisations de l’Europe et de la Méditerranée –Mucem-,…). Les grues nous tirent, le paquebot nous embarque, les nouvelles constructions nous invitent et l’espace piétonnier  nous englobe tous dans une même dynamique : un vivre ensemble joyeux.

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Le MUCEM dessiné par l’architecte Rudy Riccioti nous évoque le cube de confettis de Lara Favaretto…À moins qu’il ne soit le cœur battant de Mona Hattoum sous la mer échevelée d’Annette Messager. Il englobe déjà le propos artistique de la Friche ! Sa dentelle de béton prête à fondre se pare de lumières et nous laisse entrevoir qu’il sera l’un des plus beaux musées du monde. La mer est d’art et l’œuvre est mer tandis que les bateaux semblent hésiter entre accostage et traversées. Ange Leccia est du voyage…

Nous poursuivons. L’air est léger et nous décidons d’accoster, dans le Panier, pour y écouter la clameur des minots. Car ici et comme dans de nombreux quartiers, artistes et habitants se sont préparés pendant de longs mois pour que leur clameur fasse disjoncter la ville ! Accoudés à un mur, nous attendons ce que ces enfants ont à nous envoyer comme signal…À 19h, de leur mégaphone de papier roulé en cône symbolisant différents animaux, ils hurlent en suivant les indications de leur chef d’orchestre, Miss Paillette. Mais on aurait pu créer d’autres musicalités nées de l’imaginaire des enfants.  Le black-out de la ville prévu par les organisateurs est amoindri, mais les claquements des feux d’artifice illuminent le ciel de part et d’autre. Les pieds ancrés dans le sol, nous sommes aspirés vers le ciel où les étoiles sont autant de rêves pour le futur.

Sur le port, la foule nous emporte, puis nous fait très vite barrage.  Nous trouvons un havre pour nous  restaurer, chez Annie. Plat unique: la pizza. Le patron est soutenu derrière le zinc de son bar. Le pastis semble avoir eu raison de lui. L’œil brillant, il nous dit oui à tout. Et nous attendons nos boissons….une demi-heure…Puis la faim se fait sentir. L’allégresse de la fête est plus forte et nous engageons de joyeux échanges avec nos voisins, jusqu’à toucher tous les clients  du restaurant. Rassemblés dans cette attente, nous patientons en dynamique…Nous sommes bien à MarseillEU, où on prend le temps…1h30 après, la pizza arrive, arrosée d’applaudissements et de rires.

La griserie du vin nous porte ensuite vers la place du cours d’Étienne d’Orves, où des anges de la compagnie Studios de Cirque nous guettent du haut de leur mat…Ils glissent le long de filins et nous déversent copieusement des plumes blanches. Les Tadornes ont le cou tendu, vers ces aiguilleurs de projets, reliants, fédérateurs… Dans notre Europe en crise, dans la ville phocéenne, le temps se suspend, en levant tous les soucis. Cette place se transforme,  dans un lent processus, en parc immaculé. Les lumières nous éclairent, tout comme la villa Méditerranée. Sommes-nous à Marseille, Istanbul, Rome, ou Lisbonne? Nous voilà immergés dans une Méditerranée universelle. L’ange Bibendum flotte, comme pour nous protéger et absorber nos craintes.

Du sol, du ciel, la profusion des duvets explose, autant que les fusées des feux d’artifice ; autant que nos désirs…Nous sommes recouverts de blanc, tels de jeunes volatiles, près pour les premiers battements d’ailes;  la légèreté nous épouse et pousse nos corps à bouger dans un bal collectif. Au son de la musique, nous ondulons ensemble et dansons sans fin.

Le cap de l’année culturelle est lancé: soyons libres et légers, vers des vols nouveaux ! Marseille, port de tous les voyages. Ici, ailleurs…

Sylvie Lefrere – Pascal Bély – Tadornes.

à partir de 7’15

“Ici, ailleurs”, Exposition inaugurale de la Tour-Panorama et l’année Capitale à la Friche Belle de Mai, du 12 janvier au 31 mars 2013

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ETRE SPECTATEUR LA VIE DU BLOG Marseille Provence 2013 Vidéos

Migration de Tadornes vers Marseille Provence 2013.

Depuis 2008, le projet de la capitale culturelle pour Marseille et son agglomération a nourri ma vision de spectateur et de consultant. Je savais profondément que cet événement était une opportunité pour les services publics de placer l’art au-dessus des cases ; qu’il pouvait être un puissant facteur de décloisonnement, de promotion de valeurs renouvelées, d’innovations transversales. Je savais que je pouvais m’appuyer sur la visée d’une capitale culturelle pour aller à la rencontre d’acteurs pour qui l’art se résumait bien souvent à un divertissement, à une occupation.

Dès 2009, avec l’aide de Julie Kretzschmar, directrice artistique des Bancs Publics à Marseille, je proposais à la ville d’Aubenas, une formation-action pour les travailleurs sociaux afin de les accompagner à mieux articuler travail social et programmation artistique.

Dès 2010, je rencontrais la ville de Fuveau et le Théâtre Massalia à Marseille pour penser une formation autour de l’art et les tout-petits à destination des professionnels de la petite enfance. Certes, Marseille Provence 2013 n’a pas intégré ce public dans sa programmation. Mais qu’importe. La dynamique se déploie. À ce jour, secteur associatif et public co-construisent un projet territorial pour introduire l’art dans les crèches.

En 2011, j’ai également accompagné l’Union Diaconale du Var pour leur projet culturel dans le cadre de MP 2013. Le retrait de Toulon n’a pas entamé la détermination des travailleurs sociaux et de leur direction : il y aura bien une proposition artistique en juin 2013, élaborée par ce réseau.

Dès 2012, j’incitais la Caisse d’Allocations des Bouches du Rhône à intégrer la question culturelle dans son projet global. Aujourd’hui, tout un collectif est mobilisé pour qu’en 2013, l’art relie familles, professionnels et partenaires.

Tout au long de ces quatre années, j’ai promu cet événement, contre vents et marrées. J’ai même osé déposer un projet en 2010 («  Pour des migrations de spectateurs Tadorne sur le territoire et la toile de Marseille Provence 2013»). Il n’a certes pas été retenu. Mais en 2012, Pascal Raoust, chef de projet à  MP13 et Delphine Bazin Cabrillac du Conseil Général me confiaient l’animation de quatre journées de mobilisation des travailleurs sociaux sur les territoires de Salon, Vitrolles, Miramas et Martigues. Tout ce que j’avais élaboré théoriquement et méthodologiquement autour de l’art et du social prenait tout son sens.

Aujourd’hui, samedi 12 janvier 2012, la capitale culturelle démarre. C’est un événement d’importance pour un territoire en panne de projet, qui peine à penser son développement. Je suis prêt pour parcourir les expositions, m’intéresser au cirque, découvrir mon département grâce au GR2013, vivre un instant poétique avec la Transhumance. Je suis donc prêt à être un spectateur Tadorne, celui qui relie, tisse sa toile à partir des différents fils tendus par les artistes. Ce sera ma capitale.

Il fallait pour cela un nouveau site. Je le désirais plus clair, plus dynamique, plus en lien avec les réseaux sociaux (page Facebook du Tadorne et groupe des « Offinités de spectateurs »). Merci à Yann Maitre-Jean, lecteur fidèle du Tadorne et médiateur culturel, d’avoir entendu et élaboré cette architecture. Je lui suis infiniment reconnaissant pour son engagement créatif.

J’imaginais un nouveau logo, plus en phase avec l’idée que je me fais du spectateur Tadorne. Merci à Maxime Doucet d’avoir entendu pour le créer.

Tadorne, oiseau de bon augure…

Pascal Bély – Le Tadorne

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ETRE SPECTATEUR Marseille Provence 2013

Devenir un spectateur émancipé: conclusions et avant-propos.

Ce jeudi 24 février 2011, Bernard Latarjet, directeur de l’Association Marseille Provence 2013 s’apprête à dévoiler le programme, tant attendu. Mais auparavant, pendant plus d’une heure, Jean-Claude Gaudin, Maryse Joissains et Hervé Schiavetti (respectivement maires de Marseille, d’Aix-en-Provence, d’Arles), Michel Vauzelle (Président de la Région PACA), Michel Pezet (conseiller général au département des Bouches-du-Rhône) nous ont présenté leur politique culturelle réduite à l’affichage de leurs trophées. Parce qu’ils se fréquentent depuis longtemps, ces politiques finissent par mettre en scène leur connivence et cet entre soi qui positionne la France comme une vieille démocratie, autocrate et oligarque. Ont-ils seulement une vision de la place de l’art dans la société lorsqu’on sait que le cumul des mandats les éloigne durablement des lieux culturels? À deux ans des festivités de 2013, le gouffre est visible: entre citoyens, chercheurs, éducateurs, politiques et professionnels de la culture, la rencontre ne se fait pas. Les jeux de pouvoir dans lesquels nous sommes enfermés démontrent notre impuissance à penser un monde complexe, où tout est enchevêtré. La présentation du nouveau logo (réduit à une signalétique) confirme cette hypothèse: la communication a pris le pouvoir au détriment du sens d’un projet culturel partagé.

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Au cours de cette conférence de presse, pas un mot sur le public, juste n’attend-on de lui qu’il réponde présent et paye (d’autant plus s’il est touriste). Mais après tout, est-ce si différent du sort qu’on lui réserve dans les établissements culturels? Le philosophe Bernard Stiegler peut bien promouvoir un modèle contributif: nous restons accrochés à une approche descendante où les experts de la culture savent ce qui est bon pour le peuple d’en bas. Ils déploient leurs stratégies de communication massive à coup de plaquettes, de newsletters et de pages Facebook transformées en panneau publicitaire où le débat sur les oeuvres est souvent censuré. Quant au «spectateur émancipé» si cher à Jacques Rancière, force est de constater qu’il n’est manifestement pas intégré dans la plupart des politiques et programmes culturels (les directions de relations avec les publics faisant souvent barrage). J’ai pour ma part, et très modestement, proposé à Marseille Provence 2013 et au Festival d’Avignon, des espaces de co-construction entre spectateurs engagés, professionnels du lien social, du spectacle et artistes pour penser des modèles de relations contributives pour la culture. Les enjeux sont de taille:

– développer des liens qualitatifs pour rendre lisible ce que les logiques quantitatives finissent par masquer,
– réinterroger la fonction symbolique de la culture dans notre société((«quel est notre désir de théâtre?»), pour ne pas s’enfermer dans des dogmes répétés que plus personne n’écoute,
– créer de nouvelles pratiques de médiation ouvertes et partagées pour un développement qualitatif des publics autour d’enjeux sociaux territoriaux.
Ces propositions ont probablement fait écho. Elles feront peut-être leur chemin. C’est à la marge qu’elles émergeront dans des espaces où:
– contribuer est le modèle relationnel qui crée du sens,
– articuler permet de penser global  et efface les schémas tout tracés,
– traverser pour créer du sens plutôt que seulement hiérarchiser,
– mettre en puissance pour s’éloigner des prises de pouvoir.

Pour ma part, je poursuis mon parcours de spectateur engagé et contributeur, en privilégiant les lieux où cet engagement est reconnu, valorisé, promu. Je vais continuer d’introduire inlassablement, la question du lien à l’art dans mes  actions de formateur et de consultant. Pour que la culture ne soit pas réduite à une étagère où l’on poserait des livres, mais où l’on oserait la métamorphoser pour mettre en dialogue les auteurs et créer l’Oeuvre. Par plaisir.

Pascal Bély- Le Tadorne.

Remerciements tout particuliers à :

Michel Kelemenis, créateur de “Klap! Maison pour la danse” à Marseille pour la profondeur de son écoute et ses conseils éclairés.

Philippe Lafeuille, chorégraphe, soutien des premiers jours, qui s’est toujours engagé pour que des spectateurs contributeurs aient une place dans ses projets.

Elsa Gomis, fidèle parmi les fidèles.

Graziella Végis et Nathalie Dalmasso du Théâtre Massalia à Marseille pour leur engagement dans le projet de formation autour de “l’art et les tout-petits”: dès avril 2011, un groupe de professionnels de la petite enfance et du spectacle vont co-construire un projet global d’accueil d’artistes dans les crèches.

Florence Lloret et Michel André de “La Cité, Maison du Théâtre” à Marseille pour m’avoir inclus comme «spectateur complice» et donner l’opportunité de réfléchir à leurs projets.

Marion Bati, directrice des “Éclats chorégraphiques” pour ses conseils éclairés.

Renaud Cojo pour ses encouragements répétés.

Pauline Coppée du Festival Lattitudes Contemporaines à Lille pour son accueil et ses engagements futurs.

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ETRE SPECTATEUR Marseille Provence 2013

Des spectateurs Tadorne pour Marseille Provence 2013

Après cinq années d’écriture sur le Tadorne où j’ai travaillé mon positionnement de spectateur, le projet de Marseille, capitale européenne de la culture en 2013 s’est imposé comme une évidence. Au coeur de la démarche, des oeuvres participatives irrigueront la programmation et le territoire d’Arles à Toulon. Le spectateur sera acteur. Sera-t-il Tadorne?

Dès septembre 2009, la question de déposer un projet émerge. Mais l’intimidation est encore grande. Il faut cheminer. En janvier 2010, la décision est prise: j’ai six mois pour rédiger une proposition. Des rencontres avec des artistes et des professionnels ont été déterminantes (merci à eux) pour clarifier mes intentions et m’encourager. Des amis écoutent, reformulent, soutiennent (merci et encore merci).

Le projet est ici, en ligne. Il s’articule autour d’un triptyque spectateurs Tadorne, le partage des médiateurs et le réseau des blogueurs de la cité radieuse.

Après le dépôt du projet le 30 juin 2010, je poursuis aujourd’hui mes réflexions; je noue des contacts qui me permettent d’amplifier le sens du projet.

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Parce ce que cela n’arrivera qu’une fois dans ma vie. Parce que c’est Marseille. Parce que l’utopie, c’est un désir en mouvement.

Et vous savez à quel point, cher lecteur, la question du mouvement est capitale sur ce blog.

Pascal Bély – Le Tadorne

 

 

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Marseille Provence 2013 OEUVRES MAJEURES Vidéos

Marseille Provence 2013: la danse du ventre de Radhouane El Meddeb.

Nous sommes assis pour l’entourer, pour mieux contenir ce moment précieux offert lors de la clôture du Festival Dansem. Radhouane El Meddeb, danseur et chorégraphe tunisien, nous attend, patiemment, pour cuisiner son couscous. Tout est en place : ingrédients, instruments, plaques électriques, plats et couverts. On pourrait supposer qu’un tel agencement n’est pas le fruit du hasard : serait-il celui que préparait notre mère la veille, pour le petit déjeuner du lendemain? L’ambiance est studieuse, car la cuisine est une affaire sérieuse, au croisement de tant de cultures, d’histoires individuelles et collectives. La danse rencontre donc ce plat légendaire, populaire, complexe dans sa préparation, où le cuisinier, tel un alchimiste de l’amour, fait entrelacer le légume, la viande et le blé ! Le ton de cet article se veut lyrique, mais votre serviteur est né dans le sud-ouest, pays où la cuisine est un art engagé dans le  lien social !

La viande frémit, son corps s’élance. Le bouillon bout, il danse du ventre. La semoule lui file entre les doigts, il ouvre ses bras. Ses rondeurs accueillent la danse qui, jusqu’à preuve du contraire, est une affaire de plis et de bosses, de gras et du double, de liquides et de chairs. Entre deux préparations, il vient vers nous pour jouer avec le temps de cuisson qui s’accélère subitement. Il court autour de la scène comme si sa seule montre était les battements du coeur. Mais l’homme n’est pas dupe : il sait que nous l’envions, car il est vingt heures et que notre ventre est vide. Que regardons-nous, que ressentons-nous alors que les odeurs nous tenaillent ? Notre corps s’emballe tandis qu’il s’assoit tranquillement pour goûter quelques légumes. La faim rencontre notre désir de danse alors qu’il faut lutter contre nos pulsions de spectateur paresseux avide de folklore ! C’est dans ce chaos que s’opère la rencontre : ses mouvements nourrissent parce que je les ressens dans une transmission (de la mère vers le fils ?) qu’il métaphorise en s’avançant vers certains d’entre nous pour offrir une assiette. Le corps du danseur serait-il au croisement de plusieurs « nourritures », de dons transmis ? Mystère.


Alors que nous « bouillons », qu’il construit méticuleusement ses châteaux de semoule pour accueillir le liquide si précieux, il revient pour jeter à terre une nappe, des verres et des assiettes de pique-nique : le désordre avant l’ordre établi ! Interpelle-t-il notre soif de nourriture alors que les occidentaux gaspillent quarante pour cent des aliments qu’ils achètent ? Il y a peut-être dans ce geste brusque, un artiste découragé par la vanité de sa danse : nous en rions, lui aussi, pour conjurer le sort qui voudrait réduire les arts fragiles à des mécaniques divertissantes et abrutissantes.

Il nous invite à table puis disparaît. Alors que les spectateurs, tels des enfants après le théâtre, se jettent sur scène, j’observe puis quitte la salle. On ne touche pas l’objet artistique. J’aurais bien trop peur de trouver ce couscous délicieux et d’oublier que la danse a du goût.

Pascal Bély, le Tadorne.

« Je danse et je vous en donne à bouffer » de Radhouane El Meddeb a été présenté le 11 décembre 2009 au Théâtre de la Minoterie de Marseille dans le cadre du Festival Dansem. A voir les 11 et 12 septembre 2013 à 19h à la Friche Belle de Mai à Marseille dans le cadre du “Cuisines en Friche” puis les 15 et 15 septembre à 11h.