Catégories
BIENNALE DE LA DANSE ET D'ART CONTEMPORAIN DE LYON LES EXPOSITIONS Vidéos

Tu n’as rien vu à la Biennale de Lyon…

La Biennale de Lyon est une collection d’écrins. Ils sont en général de petite taille, très proches d’oeuvres monumentales, comme pour nous ralentir, nous remettre de nos émotions et s’inviter durablement dans notre imaginaire. Quelques écrins qui colonisent pendant longtemps une mémoire pourtant saturée de tant d’oeuvres exceptionnelles.
À la Sucrière, entre l’imposante vidéo de la Sud-Africaine Tracey Rose (assez peu convaincante) et l’impressionnante citadelle de Robert Kusmirowski (le chef d’oeuvre de la Biennale), vous croiserez deux visages peints par Marlene Dumas. Stupéfaction. Sidération. Elle vous regarde et vous plongez dans ses yeux effrayés. Cet effroi a été le vôtre. C’est chair.

dumas-09vanbart-5050

Au Musée d’Art Contemporain, les portraits d’Hannah Van Bart vous invitent à la contemplation. Ces personnages dégagent un mystère qui force mon écoute, mon attention. Leur fragilité est un mouvement. Ce sont mes artistes…Ils me…

chihota-16

Les dessins de Virginia Chihota (“Fruit of the Dark Womb”) chiffonnent. Au-delà de symboliser les souffrances de l’enfance, une de ses poupées pourrait peut-être se rappeler à votre bon  souvenir. Poupée de son…poupée démon.

amont-bijl-01

Est-elle une poupée de cire ? Guillaume Bijl (le même qui nous avait époustouflés lors du Sculpture Projects à Münster où il faisait émerger de terre, le clocher d’une église) nous présente à la Sucrière «The Nun of Bruges». Cette S?ur est cachée sous sa capuche, tête penchée.  Les visiteurs se baissent pour découvrir son visage et partent furtivement. Voyeur, que cherchons-nous ? Sa part de mystère est-elle notre quête de vérité ?

amont-lehulere-12 preview

Les dessins de Kemang Wa Lehulere s’apprivoisent. Papier bulle, morceaux de tissus et toile forment des patchworks fragiles qui dessinent des figures métamorphosées en objet pour des visages déchirés, absents, enfermées dans des contextes où le lien semble rompu. Il y a de la discontinuité, de la perte, des souvenirs enfouis, des fragments impossibles à recoller. Je vais d’un dessin, d’un tableau à l’autre. Kemang Wa Lehulere me perd. Je me souviens.

alexander-schellow-02-60fs.jpg

Elle perd peu à peu la mémoire. Elle a 96 ans et vit dans une clinique pour patients atteints d’Alzheimer. À chacune de ses visites, Alexander Schellow a recomposé dans son atelier tous les mouvements de son visage. Cela donne une vidéo exceptionnelle : des milliers de points bougent et les traits s’animent pour reconstituer la mémoire de leur relation. C’est hypnotique et l’ensemble finit par m’émouvoir : la vieillesse rajeunit les souvenirs et vitalise la communication…

amont-huisman-06

Hiroshima – Fukushima : comment ne pas se souvenir et faire le lien en contemplant la peluche de Michel Huisman blotti avec un boitier nucléaire. Le contraste est saisissant et démontre notre inconsistance face à cette menace. Les visiteurs ne peuvent s’empêcher d’appuyer sur un bouton placé dessous qui envoie une décharge sonore désagréable. L’art peut-il encore nous alerter ?

x160

Plus loin, avec “The secret garden», Michel Huisman nous fragilise et nous renforce. Un petit meuble, un seau, un drap et une invitation à nous y glisser. J’ignore ce que les visiteurs ont perçu de mon corps (un dernier soupir, ma sépulture ?) mais je me souviens encore de ce que j’ai ressenti à la vue de ce petit oiseau mécanique qui me regardait de haut. Un sentiment profond d’humilité.

Humilité aussi à l’écoute de la proposition sonore de Dominique Petitgand, “A la merci (At the mercy)». Une petite fille apprend à un adulte des phrases alambiquées sans queue ni tête. Les prémices sont inversées : le langage technocratique et rationalisant de nos sociétés de service est manipulé dans une relation éducative tout aussi alambiquée ! La drôlerie de l’enregistrement accentue la perte totale de sens d’une rhétorique incapable d’être transmise…

lhopital-69

Alors que je quitte la Biennale, les dessins de Christian Lhopital me rattrapent : ses figures fantomatiques m’enlèvent. Je vole, je plane. Les corps semblent liquéfiés, dél
estés du poids, de la pression du monde du travail et des contraintes politiques et sociales. Christian Lhopital poétise notre enfer sur terre.

Non, décidément, tu n’as rien vu à Lyon.

Je n’en reviens pas…

Pascal Bély, Le Tadorne.

A lire sur la Biennale:

Bloc Notes / Urgent, la Biennale de Lyon perd ses plumes.

La Biennale de Lyon donne le vertige.

Arnaud Laporte de France Culture se moque de La Biennale de Lyon.

Extra-terrestre Biennale de Lyon.

Toutes les oeuvres mentionnées dans cet article sont à voir à la Biennale d’Art Contemporain de Lyon jusqu’au 31 décembre 2011.

Catégories
BIENNALE DE LA DANSE ET D'ART CONTEMPORAIN DE LYON LES EXPOSITIONS

La Biennale de Lyon donne le vertige.

C’est tout à la fois monumental et minimal. Cela surgit, vous serre à la gorge, vous donne le vertige, vous fait pencher la tête et tendre l’oreille, jusqu’à vous coucher à même le sol pour prendre de la hauteur. Décidément,  la Biennale de Lyon est une longue marche où votre corps pense. Le contraire de ce couple qui, dans la vidéo d’Aurélien Froment (“La tectonique des plaques”, présentée à la Sucrière), suit un parcours campagnard fléché par un office du tourisme, tout en adoptant les postures d’un visiteur d’exposition. Nous pourrions oser un rapprochement: «Dis-moi comment tu te promènes, je te dirais quelle exposition tu visites!». Aurélien Froment nous alerterait-il? Les lieux d’art n’auraient-ils pas la flèche un peu facile?! À Lyon, la commissaire argentine de la Biennale, Victoria Noorthoorn, donne peu d’indications, mais elle ouvre les espaces pour que l’équilibre et le déséquilibre créent une pensée en mouvement.

Robert Kusmirowski

J’ai perdu l’équilibre. Au sens propre, comme au figuré. Présentée à la Sucrière, l’oeuvre monumentale de Robert KusmirowskiStronghold») vous accueille au rez-de-chaussée. Inutile de vouloir entrer. Tout est cadenassé. Il faut monter au premier et contempler un cratère encore en activité : une bibliothèque dévastée se consume tandis qu’un poêle crache une fumée qui enveloppe l’ensemble des oeuvres de l’étage. Je vois la «Maison Terre» qui brûle par notre inconscience et nos ignorances. Je ressens la forteresse “Europe” qui ne pense plus son avenir et dénature son patrimoine en l’offrant au marché. Je songe à la Grèce, berceau de l’Humanité, qui va renaître de ses cendres et nous sauver. Je me penche et j’ai le vertige. Il faut stopper cet autodafé encouragé par les politiques ignorants et par une société du spectacle qui barre toute possibilité de créer le chemin en marchant. C’est en imaginant un modèle de civilisation que nous ouvrirons cette forteresse

iphone-septembre-2011-024.JPG  iphone-septembre-2011-023.JPG

 

C’est au Musée d’Art Contemporain que je descends au sous-sol de l’oeuvre de Robert Kusmirowski, là où la citadelle tremble sur ses bases ! L’Argentin Diego Bianchi occupe toute une salle où le sol de plastique noir finit par se répandre jusqu’au plafond, où une énorme pierre se fond dans un fauteuil. Ici, la matière se dématérialise ! Ici, des corps démembrés forment des sculptures qui célèbrent la légèreté. On entre dans l’oeuvre, avec délicatesse, pour se faufiler entre des montages et des démolitions qui dessinent une jungle où rien n’est tracé. Comment, dans un si petit espace, Diego Bianchi réussit-il à créer de l’élasticité, des chemins improbables qui vous conduisent dans des coins et recoins? Là où les restes de notre civilisation participent à l’émergence de nouvelles formes corporelles tandis que les objets sont détournés de leur fonction première pour soutenir le sens. Ce bric-à-brac rend joyeux parce que ce chaos permet la réflexivité: «pour quoi?», «à quoi cela sert-il?» «je vois ceci, mais pourquoi le voir ainsi ?»?. “The ultimate Realities” est une oeuvre complexe qui requiert du temps pour l’apprivoiser et se dégager d’un raisonnement binaire (chaos = bazar !). Pour cela, il nous faut divaguer et créer son espace relationnel. Loin d’être un visiteur passif, Diego Bianchi stimule mes pas et me perd…

pendule.jpg

Si bien que quelques salles plus loin, le temps s’arrête : la pendule de Jorge Macchi calle sur  “10:51″.

lima-05

A quelques kilomètres (à l’Usine T.A.S.E),  je croise les drôles de volatiles de Laura LimaGala Chicken and Gala Coop »), qui semblent m’indiquer qu’il est temps de changer de plumage! 

lhopital-76

Après l’eau de Mélancholia dans l’oeuvre d‘Eduardo Basualdo (voir l’article du 16 septembre), la fumée de Robert Kusmirowski, le plastique de Diego Bianchi, c’est une autre matière qui nous fait trébucher. Pour cela, il faut imaginer le sol d’une salle du Musée couvert de 3000 kilomètres de fil ! Avec «La Bruja 1», le brésilien Cildo Meireles frappe fort. À l’origine, les fils proviennent d’un modeste balai posé dans un coin : impuissant, il ne contient plus rien et génère une matière qui empêche tout balayage. Pour éviter de se prendre les pieds dans le tapis (!), le visiteur est obligé de marcher lentement comme s’il avait des ressorts sous les pieds. Quand le désordre produit le silence, du recueillement…

lhopital-69

Chacun contemple les oeuvres et je m’attarde devant les dessins de Christian Lhopital : tandis que le sol m’emmêle, ses figures fantomatiques m’enlèvent. Je vole, je plane.

Je suis au paradis des artistes.

Pascal Bély, le Tadorne.

Les autres articles sur la Biennale 2011:

Bloc Notes / Urgent, la Biennale de Lyon perd ses plumes.

Tu n’as rien vu à la Biennale de Lyon

Arnaud Laporte de France Culture se moque de La Biennale de Lyon.

Extra-terrestre Biennale de Lyon.

Toutes les oeuvres mentionnées dans cet article sont à voir à la Biennale d’Art Contemporain de Lyon jusqu’au 31 décembre 2011.

Catégories
BIENNALE DE LA DANSE ET D'ART CONTEMPORAIN DE LYON LES JOURNALISTES! PAS CONTENT

Arnaud Laporte de France Culture se moque de La Biennale de Lyon.

Les oeuvres du Sud-Africain Kemang Wa Lehulere me sidèrent. Papier bulle, morceaux de tissus et toile forment des patchworks fragiles qui dessinent des figures métamorphosées en objet pour des visages déchirés, absents, enfermées dans des contextes où le lien semble rompu. Il y a de la discontinuité, de la perte, des souvenirs enfouis, des fragments impossibles à recoller. Je vais d’un dessin, d’un tableau à l’autre. Kemang Wa Lehulere me perd.

Mais brutalement, je suis interrompu. Il y a du bruit à l’entrée de la salle du Musée d’Art Contemporain de Lyon. L’animateur de France Culture, Arnaud Laporte, discute à bâtons rompus. Je devine les voix qui animent sa nouvelle émission («La Dispute», tous les soirs à 21h, où des critiques échangent leur point de vue). Ils parlent fort. J’entends leur analyse sur la Biennale et la manière dont ces «professionnels cultivés» considèrent les artistes. Leur décontraction perturbe ma concentration. La société du spectacle s’invite par effraction. Mais je m’accroche au travail de Kemang Wa Lehulere, qu’ils ne voient pas.

art_40_img.jpg

Dans la même pièce, l’oeuvre de  l’Argentine Luciana Lamothe menace. Les murs supportent cette oeuvre provocante où un enchevêtrement d’architectures soutient un modeste livre. Suivant le point de vue, je perçois  une arme, l’Europe en tour de Pise, un projet industriel en proie au doute. Mais je suis à nouveau interrompu. Une des journalistes de la bande s’approche et écoute son répondeur. Je comprends qu’on lui apprend une mauvaise nouvelle. Elle en joue, sait que nous la regardons. C’est sa petite comédie du pouvoir. Mais je m’accroche (!) à la mise en abyme de Luciana Lamothe, qu’elle ne voit même pas.

Le bruit augmente. Les rires se font plus gras. La critique aussi. Je les interromps, excédé.

«Pourriez-vous s’il vous plaît faire moins de bruit, je n’arrive pas à me concentrer».

Le groupe éclate de rire, me pointe du doigt, comme dans une cour de récréation. S’ils le pouvaient, ils me jetteraient des pierres pour avoir osé l’offense. Arnaud Laporte lance alors : «on n’est pas dans une église ici», puis ils s’éloignent tandis que leurs rires résonnent.

Cet incident métaphorise une société de castes et de classes où chacun s’attribue sa parcelle de pouvoir pour l’imposer aux autres, quel que soit le contexte. Je ressens l’incapacité des journalistes à penser la relation à l’art en dehors d’un lien asymétrique. Ils ne conçoivent pas qu’un bruit perturbe un visiteur, car la question n’est pas là : l’art s’analyse, point barre. Mais internet menace leur pouvoir. Je n’ai pas eu le réflexe de les filmer avec un iPhone. Si tel avait été le cas, nous pourrions porter un regard critique sur les comportements de ces «professionnels» qui nous disent tant sur la manière dont ils communiquent avec une oeuvre. De haut.

x160.jpg

Le soir, j’ai pris en cours de route l’émission consacrée à la Biennale. J’ai entendu les mêmes rires alors qu’ils évoquaient le travail de Michel HuismanThe secret garden»). Un petit meuble, un seau, un drap et une invitation à nous y glisser. J’ignore ce que les visiteurs ont perçu de mon corps (un dernier soupir, ma sépulture ?) mais je me souviens encore de ce que j’ai ressenti à la vue de ce petit oiseau mécanique qui me regardait de haut. Un sentiment profond d’humilité.

En évoquant cette oeuvre, Arnaud Laporte se moque.

J’ai coupé le son.

Pascal Bély, Le Tadorne

Les autres articles sur la Biennale 2011:

Bloc Notes / Urgent, la Biennale de Lyon perd ses plumes.

Tu n’as rien vu à la Biennale de Lyon

Extra-terrestre Biennale de Lyon.

La Biennale de Lyon donne le vertige.

Catégories
BIENNALE DE LA DANSE ET D'ART CONTEMPORAIN DE LYON LE GROUPE EN DANSE OEUVRES MAJEURES Vidéos

A quoi reconnaît-on un chef d’oeuvre ?

A quoi reconnaît-on un chef d’oeuvre? A ce sentiment profond de l’évidence.

Dans “Political Mother” d’Hofesh Shechter, tout coule de source. Après une scène inaugurale de hara-kiri, ce jeune chorégraphe israélien balaye dans son spectacle les différentes étapes de l’aliénation produit par tout système totalitaire : l’abandon initial de certains, la lutte contre la contrainte généralisée de certains autres et la soumission finale. Son leitmotiv est une danse animale, le corps en dedans et tête en avant, la danse de pantins traversés de soubresauts, la danse de marionnettes électrisées.  Une danse qui évite soigneusement le port de tête dégagé et raide qui codifie habituellement la danse contemporaine.

Cela est bien normal car les personnages d’Hofesh Shechter sont victimes. Ils ne maîtrisent pas plus leurs gestes que la force motrice qui les anime. Ils s’agitent dans un monde gouverné par un dictateur hard core proche du général enragé mis en scène par Guy Cassier dans “ Mefisto for ever“. Pour Hofesh Shechter nous avançons dans une brume nimbée d’apocalypse, dans un univers de contrainte où nous ne sommes plus maîtres de rien : plus libres de nos mouvements, ni de nos singularités, ni même de nos envies.

Pour faire ce constat, l’outil d’Hofesh Shechter est simple : la même danse est reprise dans l’ouverture tribale  rythmée par le solo de batteries “End of de world”, dans une danse folklorique et dans la comédie musicale de clôture. Ou plutôt, dans la soumission ultime que représente ce dernier ballet car pour Hofesh Shechter le monde n’est finalement qu’un vaste théâtre kitsch au décor doucereux.

Ce final fait sourire et effraye dans le même temps : comme la jolie risette du bébé Cadum qui vue sous un certain angle n’est qu’un rictus glaçant.

BebeCadum.jpg

Si Hofesh Shechter porte la rage et l’énergie sourde de Wim Vandekeybus  qui l’a formé, il a ôté toute sophistication au geste dansé pour créer une danse mue par un mouvement qu’on ne choisit pas. Avec un propos proche de celui du photographe Martin Parr ou de Jérôme Bel dans “The Show must go on”,  Hofesh Shechter nous montre que dans un univers affreusement brutal, conçu pour conditionner les êtres afin de leur ôter toute humanité, le système établi en a recréé un autre de toutes pièces : celui de  la Walt Disney Compagny et de la danse folklorique figée de “Riverdance”.

riverdance-copie-1.jpg

C’est d’ailleurs une évidence pour Hofesh Schecter  alors qu’un néon apparaît en fond de scène: « Where there is pressure there is folkdance ».  Hannah Arendt ne dit pas autre chose dans “la crise de la culture” : « La société de masse, ne veut pas la culture, mais les loisirs ».

Galvanisé et éreinté à la fois, on sort donc de “Political Mother” avec la certitude d’avoir vu un chef d’oeuvre. A quoi le sait-on ? A ce même sentiment d’évidence qui celui qui nous traverse quand on tombe amoureux. On se re-connaît.

Et avec “Potical Mother” ça fait froid dans le dos.

Elsa Gomis – www.festivalier.net

Political Mother d’Hofesh Shechter a été présenté à Paris au Théâtre de la Ville du 21 au 25 septembre 2010, pour les autres dates : http://www.politicalmother.co.uk/

 

Catégories
BIENNALE DE LA DANSE ET D'ART CONTEMPORAIN DE LYON DANSE CULTE OEUVRES MAJEURES Vidéos

Une “salve” d’oeillets par Pina Bausch à la Biennale de la Danse de Lyon.

Elle a disparu le 30 juin 2009. Au Festival d’Avignon, il y a eu cet hommage, ce moment fragile autour d’un parterre d’?illets imaginé par Raimund Hoghe, son ancien dramaturge. Le 13 octobre 2010, sortira en salle, « les rêves dansants » d’Anne Linsel et Rainer Hoffmann, beau documentaire (voir vidéo) qui retrace l’aventure d’un groupe d’adolescents sélectionnés pour interpréter « Kontakthof », l’une de ses oeuvres mythiques.

Mais cela ne suffit pas à voir au-delà, à s’imaginer l’avenir de la danse contemporaine sans Pina Bausch. Et pourtant…Il y a eu les chocs de la programmation du Festival d’Avignon autour du corps l’été dernier. Deux mois plus tard, la Biennale de la Danse de Lyon poursuit l’Oeuvre. En programmant au cours d’un week-end «Nelken» de Pina Bausch, «Salves» de Maguy Marin (article du Tadorne  ici), «fondly do we Hope?Fervently do we pray» de Bill T.Jones, tout s’éclaire.

A commencer par l’extraordinaire vision de l’art chorégraphique portée par Maguy Marin. « Salves » aura probablement le même destin que « May B », l’une de ses oeuvres majeures, créée en 1981. Là où Pina Bausch théâtralisait la danse, Maguy Marin chorégraphie le théâtre. C’est une victoire du corps et un tournant : la danse n’a peut-être plus besoin de questionner en permanence son esthétique. Elle se doit d’habiter un propos et d’y intégrer son histoire. Mais surtout, la « danse théâtre » repose sur la sensibilité du spectateur, qu’elle provoque, électrise, pour «décontaminer» notre regard. Dit autrement, Maguy Marin repolitise à partir d’un art qu’elle « traumatise » pour sortir enfin de la « pensée molle ».

Rien de tel avec Bill T.Jones. En répondant à une commande pour célébrer le 200ème anniversaire de la naissance d’Abraham Lincoln, la danse n’est ici que prétexte pour embaumer l’histoire. On cérémonise là où l’on aurait apprécié un propos engagé.  Bill T.Jones propose une danse officielle (qui n’a rien à envier à l’art nord-coréen), sans dynamique, alourdie par une mise en scène conventionnelle (ah, le rideau que l’on ouvre et que l’on ferme !). A ce jour, il n’y pas de doute, la danse «contemporaine» est belle et bien en Europe.

C’est un parterre d’oeillets qui accueille.

« Nelken » de Pina Bausch et ses vingt et un danseurs accueillent le spectateur et son désir de danse. Ce soir, à l’Opéra de Lyon, tous les rêves de danse sont permis, même avec le petit doigt.
C’est un parterre d’oeillets, entretenu par Pina Pausch, depuis longtemps “piétiné” (dans le bon  sens chorégraphique du terme!) par tant d’artistes inspirés par son oeuvre! Tout au long de ces deux heures prodigieuses, je n’ai cessé d’imaginer en chacun des danseurs, un chorégraphe. A savoir, tous ceux qui m’accompagnent dans mon parcours de spectateur à m’éloigner de l’illusion du mouvement bavard  pour me recentrer sur le sens.
C’est un parterre d’oeillets, celui de notre scène chorégraphique, délicatement protégée par Dominique Mercy (il dirige aujourd’hui le TanzTheater Wuppertal Pina Bausch; voir la vidéo). Il est ce soir, notre frère de danse.
C’est un parterre d’oeillets, pour que chaque spectateur puisse faire sa révolution, sa réévolution et s’interposer dès que le désir est maltraité par le Pouvoir.
C’est un parterre d’oeillets pour s’y perdre, pour substituer à notre animalité, une robe de soirée, parce que de dessous, on y voit l’origine du monde.
pina.jpg

C’est un parterre d’oeillets, où tous les corps vieux et jeunes forment le jardin des délices, mais aussi le camp de ceux qui n’en sont pas revenu.

C’est un parterre d’oeillets piétiné par notre toute-puissance de spectateur avide de spectaculaire et dont il ne faut pas grand-chose, des petits gestes avec la main, pour apaiser ses pulsions mortifères.
C’est un parterre d’oeillets assiégé par la barbarie, où l’on se jette seul d’une passerelle tandis que le collectif  poursuit sa danse, coûte que coûte. Parce que, le corps dansant…finalement.
C’est un parterre d’oeillets pour s’y allonger, puiser la force de se relever pour être « femme debout !», « homme debout ! »…
C’est un parterre d’oeillets pour y créer l’assemblée constituante. Celle des spectateurs dansants, rêvant d’une société fraternelle, protégée par les artistes vigiles.
C’est un parterre d’oeillets pour que la danse célébre le fragile et donne la force d’accueillir les «salves» de Maguy, tous les corps tordus de folie, d’amour de Raimund et Pippo…

C’est un parterre d’oeillets où se cache la poésie de mes chorégraphes « chéris »…

Pascal Bély – Le Tadorne

"Nelken" de Pina Bausch du 15 au 20 septembre 2010 / "Salves de Maguy Marin du 13 au 19 septembre 2010/ « fondly do we Hope?Fervently do we pray » de Bill T.Jones du 18 au 22 septembre 2010 dans le cadre de la Biennale de la Danse de Lyon.
Crédit photo: Ursula Kaufmann
Catégories
BIENNALE DE LA DANSE ET D'ART CONTEMPORAIN DE LYON Vidéos

A la biennale de danse de Lyon : en faire toute une histoire?

En juin dernier au festival « Montpellier Danse », William Forsythe proposait aux spectateurs une expérience chorégraphique particulièrement stimulante. Invité à entrer dans un château fort gonflable, le public a dansé et ressenti les possibilités que lui offrait un espace entièrement dédié aux mouvements, au désir d’interagir avec son voisin. La danse pour communiquer. Ce fut un moment jubilatoire (un article ici). Il me revient encore un propos de William Forsythe: «la démocratisation de la danse à l’intérieur d’un théâtre me semble quasi impossible».

 La Biennale de Lyon a son défilé, grand rassemblement populaire autour de la danse, vecteur du plaisir partagé et ode à la diversité. Dans le même esprit, elle propose de découvrir au Musée d’Art Contemporain les dessins de la chorégraphe Trisha Brown et quelques ?uvres chorégraphiques (« Early Works »). La présence des danseurs dans ce lieu d‘exposition crée un lien particulier à la danse: ce que je vois importe autant que le comment je le vois. Alors qu’ils jouent avec la matière (ici des longs bâtons en bois, là un mur percé de trous, plus loin des vêtements multicolores enfilés à des cordes tenues par des tubes métalliques), j’accueille la fragilité, j’entends le froissement, je ressens la suspension des corps. Je m’éloigne d’un désir de performance qui serait hors de moi pour m’approcher de ce qui me fait “danse” et m’inscrit dans un rapport déverticalisé à la création. Ce sentiment se prolonge alors que nous sommes emmenés au Parc de la Tête d’Or. Quand deux danseurs s’attachent à des cordes enroulées en spirale autour des troncs d’arbre pour descendre progressivement (« spiral »), j’ai un haut-le-c?ur jubilatoire comme s’ils marchaient à l’horizontale pour m’enrôler. Lorsque plus tard, quatre danseuses interprètent sur leur radeau une chorégraphie sur le dos (« Raft Piece »), la peinture jaillit de l’eau et je vis un moment d’une intense poésie. Loin d’être seulement un hommage à Trisha Brown, ce parcours de deux heures donne du souffle pour penser l’avenir d’une danse démocratique.

En fin d’après midi, le retour au théâtre est brutal. « Tres Pontos? » du jeune chorégraphe Brésilien Alex Neoral est une succession de trois pièces (« Pathways », « Interpret », « Um a um ») pour quatre, cinq, sept danseurs accompagnés pour les deux dernières par des musiciens (piano et violoncelle). La technique est certes irréprochable, mais l’ensemble est d’un romantisme daté, d’un classicisme ennuyeux. Si la danse se veut «contemporaine», le rapport au public est immergé dans le formol. « Tres Pontos » me positionne tel un charmant qui chercherait sa cavalière. Mais faute d’être surpris et étonné, je me contente d’attendre patiemment la fin du bal, au bras d’une vieille dame un peu triste qu’il faut raccompagner par galanterie?

g_BDL10diverres02.jpg
Plus tard dans la soirée, la chorégraphe française Catherine Diverrès plonge le public dans l’expectative. «Encor», pièce pour cinq danseurs, est une tentative courageuse pour rendre hommage à la danse, mais qui se perd dans des tics de représentation (succession rapide de tableaux, bande sonore confuse, ..) et un propos compliqué à force de références. Ce spectacle postule que nous n’avons pas tous la même histoire de danse. Soit. Mais comment s’en parler? Pourquoi cela ne résonne-t-il pas? Serions-nous si différents? Pourquoi de tels marqueurs historiques (le tutu, les perruques, le corps jeté, le collectif en sang) s’ils ne procurent aucun frisson sur la peau du spectateur ? Je peux accepter qu’il n’y ait aucun chemin tracé, mais encore faut-il que je ressente une toile d’où je tirerais des fils. « Encor » accumule ce que je ne veux plus : une poésie qui me prend de haut, où le chorégraphe-plasticien propose deux ?uvres en une sans que je puisse les relier. Cette danse sur la création d’une danse m’a littéralement noyé.
Étrange journée où le souvenir d’un château fort poursuit son ?uvre, celle de mon histoire de danse, qui  m’éloigne peu à peu des chorégraphies sans histoires?
Pascal Bély – www.festivalier.net
« Early Works » de Trisha Brown au Mac de Lyon les 10, 11 et 12 septembre 2010.
« Tres pontos » d’Alex Neoral au Théâtre de la Croix Rousse du 11 au 14 septembre 2010.
« Encor » de Catherine Diverrès au Tobogan de Décines les 10 et 11 septembre 2010.
Crédit photo: Christian Ganet.
Catégories
BIENNALE DE LA DANSE ET D'ART CONTEMPORAIN DE LYON LE GROUPE EN DANSE OEUVRES MAJEURES Vidéos

À la Biennale de Lyon, spectateur (r)échauffé par Hofesh Shechter.

 C’est mon premier rendez-vous avec la Biennale de la Danse de Lyon. J’ai le trac pour cette rencontre inédite avec le chorégraphe Israëlien Hofesh Shechter. À 20h30, il présentera «Political Mother». Mais à 19h, je suis inscrit à un «échauffement du spectateur» animé par Anne Décoret-Ahia, anthropologue de la danse et coach. En s’inspirant du propos et du langage d’Hofesh Shechter, elle propose différents jeux d’étirements, d’occupation de l’espace, de rencontre avec l’autre et d’écoute du corps. Elle souhaite un travail sur «la résonance» avec l’oeuvre de ce chorégraphe. Ainsi, pendant une heure, je suis en interaction corporelle avec de parfaits inconnus qui semblent familiers  avec ce type d’exercice.

Aucun processus de socialisation n’est travaillé: pas de présentation (ni de l’intervenante, ni des spectateurs) et l’on nous met dans les bras de quelqu’un sans que nous contestions la brutalité du processus! Je me fonds dans le groupe anonyme à l’image de tant de salariés qui doivent fusionner et faire corps avec l’entreprise lors de séminaires pour produire des normes managériales efficaces. Je reconnaîtrais sur scène quelques mouvements expérimentés au cours de “l’échauffement”. Mais «la résonance» a des ressorts psychologiques qui ne peuvent se réduire à  une «expérience» en atelier qui mobilise nos capacités d’apprentissage et de mémorisation. À 20h, plus qu’échauffé, je suis épuisé et je m’interroge : entre le temps de la scène et le contexte du spectateur, quel espace médian peut-on créer pour libérer une parole autour de la danse et la métamorphoser en acte créatif ? Comment articuler parole singulière et structure sociale normalisatrice? Je ne me doute pas encore que ce seront des sujets abordés par Hofesh Schechter…

La salle de l’Auditorium est enfumée comme après un séisme. «Political Mother» est un «spectacle» de danse au coeur de la société du divertissement : pour dénoncer les processus d’embrigadement et d’asservissement du pouvoir, Hofesh Shechter crée une forme spectaculaire (dix danseurs, quatre bassistes à l’étage, quatre batteurs en bas) où il articule danse groupale, musiques rock, militaire et classique. Spectateur «conditionné», je dois accueillir cette oeuvre qui utilise les ressorts du grand spectacle (et donc du pouvoir sur les masses), ceux-là mêmes qui nous empêchent de nous émanciper des formes abrutissantes, de nous recentrer sur le sens.

Ce sont donc les faiblesses de «Political Mother» qui permettent de s’affranchir du «spectaculaire» : un langage chorégraphique plutôt minimaliste, mais sensible (succession de gestes incantatoires dansés sur la pointe des pieds pris dans le tourbillon de l’enrôlement groupal), des danseurs qui «théâtralisent» leur danse au lieu de la «performer», une mise en scène qui crée le vertige du pouvoir tout en humanisant ce qui par le bas le fragilise. Hofesh Shechter danse l’embrigadement sur scène, mais se garde bien de nous enrôler, tout juste mobilise-t-il notre imaginaire chorégraphique, musical et théâtral pour  repérer les formes utilisées par le pouvoir pour nous asservir.

Oeuvre profondément pédagogique sur les processus de domination à l’intérieur d’un groupe, vis-à-vis du chef ou de toute autorité verticale, elle est aussi à l’égard de la danse contemporaine. Il nous démontre qu’elle est aujourd’hui au croisement des langages (musical, théâtral, plastique), qu’elle peut ouvrir les codes de la narration pour laisser place à nos interprétations, qu’elle peut créer du silence en transformant la lumière en poussière, en «nuit et brouillard». Mais surtout, il s’appuie sur le spectaculaire (et le langage publicitaire qui l’accompagne) pour y puiser l’énergie de la résistance, pour donner la force à l’art chorégraphique de s’émanciper des pouvoirs autoritaires.

Plus globalement, «Polical Mother» nous rappelle que le corps est politique : loin de le statufier sous le poids des contraintes d’une Histoire qui nous échapperait, il nous invite au rassemblement.
C’est ainsi que le spectateur s’échauffe, prêt à défiler.
Pascal Bély – www.festivalier.net
“Political Mother” par la Hofesh Shechter Company à la Biennale de la danse de Lyon les 10,11 et 12 septembre 2010.
Crédit photo : Ben Rudick.
Catégories
BIENNALE DE LA DANSE ET D'ART CONTEMPORAIN DE LYON LES EXPOSITIONS PAS CONTENT

Lyon, ses « Sens Interdits » et sa spectaculaire biennale.

Je l’observe près d’une fontaine avec ses ballons publicitaires siglés des différentes marques d’un grand groupe de l’agro-alimentaire. Le vent joue le trouble fête. Le jeune homme passe son temps à les rattraper pour les donner ensuite aux enfants et à leurs parents. Triste spectacle d’un quotidien où le jeu avec l’enfant est marchandisé.

Quelques minutes plus tard, c’est un gigantesque ballon qu’une bande de jeunes tentent d’élever sur la place Bellecour. Ici,  la Biennale de Lyon (dont le thème est «le spectacle du quotidien») fait l’événement publicitaire. Cela n’intéresse pas grand monde. Triste spectacle d’un quotidien où la culture se fond dans le marketing le plus bête. La biennale serait donc objet de spectacle.

Démonstration et petite sélection d’oeuvres qui font débat.

En entrant à la Fondation Bullukian, ce ne sont pas des ballons, mais des dessins tenus par des épingles à linge. Il faut éviter que le message s’envole. Laura Genz a dessiné pendant plus d’un an l’occupation de la bourse du travail par des sans-papiers. Les reproductions sont vendues au bénéfice de « la cause ». À côté de ses oeuvres, l’artiste signe quelques slogans et une revue de presse est accrochée au mur. Je fulmine. La Biennale utilise les mêmes codes que les organisations humanitaires. L’art est objet et le spectateur y est asservi. Comment dans ce contexte évaluer la portée artistique de ces dessins au risque de passer pour insensible à la cause des sans-papiers ? Cette culpabilisation permanente, devenue notre spectacle quotidien à la télé, à la radio, dans les rues, au travail, est reproduite telle quelle. Paresse.

À la Sucrière, un autre dessinateur. L’un des plus talentueux en Europe. Remarqué au KunstenFestivalDesArts de Bruxelles en 2008, le roumain Dan Perjovschi dessine comme il voit le monde. Deux murs noirs lui sont dédiés pour que jour après jour, ses dessins à la craie nous percutent. Le trait ne montre pas, mais joue le fil entre l’actualité et notre conscience collective d’Européen. Comme dans une galerie commerciale, peu de personnes s’arrêtent  et me voilà bien seul pour débattre. Triste « spectacle ». On passe sans rien voir comme s’il fallait fuir, à l’image de la vidéo proposée par Lin Yilin où un homme menotté à sa cheville déambule dans les rues chics de Paris. Les passants ne font guère attention à lui. Certains visiteurs de la Biennale rient de cette vidéo. Nous sommes au spectacle. Victoire de la société du divertissement.

Adel Abdessemed sait se faire remarquer et arrêter le spectateur. Ses photos et vidéos jouent sur l’opposition. Là des sangliers sur un trottoir, ici un lion quasiment tenu en laisse dans la rue. La ville est  vue comme violente et sauvage. Le son d’autres films projetées à proximité (un homme hurle tel un  vampire dans la rue, l’explosion d’une canette de coca à terre) amplifie la violence. Mais pourquoi cela ne touche pas ? Adel Abdessemed emprisonne son propos dans une vision dépassée à l’heure où la ville se dote de projets plus humains et plus écologiques. Est-ce pour cette raison que la vidéo proposée par le collectif  HeHe percute ? On y voit une voiture miniature téléguidée dans les rues d’une métropole américaine qui fait échapper de la fumée de toutes les couleurs. C’est la théorie du battement d’ailes du papillon qui provoque la tempête, ou la métaphore de la pollution de ces gros bolides qui envahissent nos villes. Bien vu parce qu’on s’en amuse.

Mais à mesure que l’on déambule à la Sucrière, on ressent le besoin de fuir le vacarme de la dénonciation spectaculaire. L’allemand Oliver Herring est là avec ses petits films posés tels des écrins sur le mur blanc. Au hasard de ses rencontres, il improvise avec les habitants des chorégraphies urbaines saisissantes de beauté. Ici, le « corps social » vous serre à la gorge  parce qu’il véhicule de belles valeurs : solidarité collective, appui sur les articulations, jeu avec les éléments naturels pour fluidifier la relation, respect de la différence. Ici, l’humain reprend ses droits, à l’image du Festival de théâtre « Sens Interdits » qui se tient au même moment où la veille, dix vieux de Russie nous avaient fait traverser notre histoire commune de la Deuxième Guerre mondiale à nos jours. Comme le metteur en scène Didier Ruiz, Olivier Herring ne filme pas du « spectacle », mais nous renvoie du sens sans se mettre en position de nous culpabiliser.

Sarah Sze prolonge en nous proposant l’une des oeuvres les plus touchantes de cette biennale. À l’heure où l’on nous parle de « crise systémique », elle a créé une sculpture faite de liens complexes. Tout est lié et l’on s’amuse à imaginer des ruptures, des croisements, des transformations. C’est beau parce qu’elle nous projette dans un Nouveau Monde (celui du développement durable, de la société de l’information) qui ne fonctionnera que si nous mobilisons nos capacités de reliances et de communication autour d’un imaginaire partagé. Et l’on n’est guère étonné d’échanger avec un enfant et sa mère sur l’effet qu’aurait un battement d’ailes de papillon dans cette structure fragile et impressionnante. Rien de spectaculaire. Juste prémonitoire.

Pascal Bély –Le Tadorne.