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CONCERTS

Aux Correspondances de Manosque, Florent Marchet provoque le krach.

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A l’entrée du Théâtre Jean Le Bleu de Manosque, deux agents de sécurité surveillent. Métaphore d’une société qui n’accueille plus, même lors du pacifique festival « Les Correspondances ». Cette entrée en matière n’est rien à côté du concert littéraire, «Frère animal», écrit par Arnaud Cathrine, orchestré par Florent Marchet en compagnie des chanteurs Valérie Leulliot et Nicolas Martel. En ce dimanche soir, ils nous invitent au boulot, plus précisément à la SINOC (Société Industrielle Nautique d’Objets Culbuto), entreprise installée au fin fond de la France du journal de 13h de TF1. Différents personnages circulent (Thibault, son père, Julie la petite amie, des copains, l’agent d’accueil, le DRH), sur cette scène minuscule, à peine éclairée par des projecteurs fatigués en forme de drapeaux.
Alors que le contexte de crise financière plombe notre avenir immédiat, « Frère animal » dénonce ce que nous savons trop. L’entreprise exploite, manipule, réduit, détruit. Quand elle fait corps avec la famille de Thibault, elle en épouse le fonctionnement symptomatique. Le concert est une suite de textes chantés, où les voix cassent, cisèlent. Nos quatre trentenaires en ont gros sur leur c?ur. Leur colère sourde est palpable. Ils en veulent à la génération de leurs parents d’avoir participé à ce type de relations sociales, mélange de paternalisme et de productivisme acharné. Je ne suis pas loin d’étouffer et je m’accroche à eux, cherchant ici ou là, un geste, une intonation pour respirer.
Je ressens l’angoisse monter dans la salle. Avons-nous besoin de cela en ce moment ?
C’est Valérie Leulliot (ex « Autour de Lucie ») qui apporte une douceur contagieuse, presque mélancolique au moment où le concert quitte la SINOC pour s’immiscer dans le fonctionnement de la famille de Thibault. Chacun se métamorphose, donnant de l’ampleur à son personnage, à l’exception d’Arnaud Cathrine, attachant dans sa rigidité. Les mélodies se font plus harmonieuses, les corps empruntent des mouvements chorégraphiques. Mais le malaise persiste. « Frère animal » est un texte usé, lessivé par la logorrhée d’un Besancenot et maintes fois dépeint par les sociologues d’entreprise. Cela ne remet pas en cause la pertinence du fond, mais ce concert littéraire colle  un peu trop au propos ; le ton employé et la mise en scène sont parfois en position haute , à l’image d’une gauche bien pensante.
Seulement voilà. Le talent de Florent Marchet opère (on ne le dira jamais assez ici, c’est un musicien exceptionnel) ; Nicolas Martel libère un charisme troublant et Valérie Leulliot nous envoûte de sa voix posée. Ce quatuor ne se compromet pas dans la facilité. Raison de plus pour leur souhaiter de revenir nous chanter leurs utopies nautiques culbutantes.

Pascal Bély
www.festivalier.net


?????? “Frère animal” d’Arnaud Cathrine et Florent Marchet a été joué le 28 septembre 2008 aux Correspondances de Manosque.

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Florent Marchet sur le Tadorne:
Florent Marchet donne aux Correspondances de Manosque ses lettres de noblesse.

Florent Marchet quitte la Scène de Cavaillon.

Un reportage sur “Frère Animal” sur France 24.

 

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LES EXPOSITIONS

Le « Printemps de Septembre » de Toulouse change d’époque.

Il n’est pas facile d’évoquer l’art contemporain en France sans entendre une remarque amusée ou sarcastique. Mais rassurons-nous, la crise financière actuelle achève peut-être un cycle qui a trop longtemps réduit l’imaginaire à une fonction divertissante.
Écoutez plutôt cette phrase : « Là où je vais, je suis déjà ». Ce n’est pas un slogan creux. Ni le thème d’une programmation théâtrale. C’est une invitation, ouverte, chaleureuse, émouvante. Elle recouvre les affiches du Festival de création contemporaine, « Le Printemps de Septembre », à Toulouse. Ces mots résonnent encore, quelques jours après avoir arpenté les différents lieux d’exposition d’une ville décidément trop rose. Elle part de nous, parle de moi, viens vers vous. Le Directeur artistique, Christian Bernard (actuel directeur du MACMO à Genève), a créé l’un des itinéraires les plus ouverts qu’il soit, où l’art ne nous disqualifie pas, mais puise dans nos ressorts créatifs pour que chacun soit capable de créer sa route, prendre des chemins de traverse, se perdre dans le réseau. Nous ne sommes plus statique mais toujours au centre dans une communication circulaire entre l’artiste et nous. L’immatérialité se matérialise par le lien que chaque spectateur peut entretenir avec l’?uvre. Avec cette édition, « Le Printemps de Septembre » guide chacun d’entre nous à se repérer dans cette époque post-moderne naissante alors que la crise financière actuelle enterre une certaine approche de la modernité. Petite sélection d’un grand festival populaire.


À l’Église des Jacobins, certains visiteurs pleurent, tandis que d’autres se déplacent pour mieux coller leur oreille aux enceintes du ch?ur polyphonique de Janet Cardiff, «The Forty Part Motet». Nous sommes inclus dans les processus complexes de la musique (« Spem in Alium » de Thomas Tallis, 1573) : c’est le corps tout entier qui fait caisse de résonance. Jamais je n’ai écouté à ce point mes ressentis. La postmodernité est là : l’émotion peut-être un vecteur d’épanouissement, dépouillé des croyances religieuses et sociétales qui dicteraient ce qu’il faut entendre et éprouver. Un grand moment.

Tout comme l’exposition de Claude Lévêque, à la Maison Éclusière. Avec «Rendez-vous d’Automne», attendez-vous à ressentir  un espace particulier. Alors que l’on marche sur un sol de brindilles et de feuilles mortes, que l’automne nous envahit, nous faisons un voyage entre la vie et la mort, où les fantômes de nos nuits et de nos jours peuvent à tout moment surgir. C’est forcément émouvant, car Claude Lévêque convoque à la fois les bruits, les sons, les odeurs, d’un rite initiatique que l’on ferait dans la maison de son enfance. Sauf qu’ici, nous perdons toute temporalité pour nous retrouver au centre d’un espace imaginaire qui fait de nos pas, de nos souffles, de nos frissons, de nos rires une ?uvre d’art.
C’est confiant que j’entre au Musée « Les Abattoirs », lieu d’Art Contemporain. Christian Bernard précise avec pédagogie son intention1 (la modernité vivrait-elle ses derniers instants ?). Dans plusieurs salles, les murs tapissés (métaphore de la toile internet ?) accueillent différentes ?uvres puisées dans le patrimoine des musées toulousains. L’artiste John M. Armeleder a été chargé de mettre en mouvement cette mise en abyme. Dans chaque pièce, les ?uvres se répondent : là un détail trouve un prolongement ici. Mon regard se nourrit de mes liens. Je ne cherche plus à comprendre, je relie. Je construis ma toile dans une dynamique si transversale que j’en oublie l’approche verticale (qui est l’auteur ? Quelle année ?). J’entre dans l’histoire de l’art comme si j’en faisais partie ! Je passe de salle en salle pour jouer encore et encore. A ce stade-là, l’exposition devient ludique. Les visiteurs s’observent, se sourient. Nous sommes à deux doigts de nous parler et de faire la fête. L’hédonisme a franchi l’espace trop souvent fermé des lieux d’exposition. Jouissif !

Ces trois voyages nous conduisent tout naturellement à l’Hôtel Dieu pour oser toucher les objets glissants et usés par la société de consommation de Laurent Faulon; à nous exposer, grâce à l’artiste suisse Delphine Reist, à la brutalité d’un pouvoir masculin pour ressentir avec émotion la détermination féminine. Et comme nous en voulons encore, nous allons à l’Espace Ecureuil regarder le film « Shifting » d’Alex Hanimann où un chien plutôt dangereux a priori devient peureux par le seul fait qu’une caméra le braque. Vingt minutes où l’on se surprend à vouloir zoomer avec la focale alors que nous sommes simplement voyeur de nos peurs. Époustouflant.
La peur encore au ventre, nous partons vers le Château d’Eau pour entrer dans le monde en 3D du duo de photographes italiens Botto e Bruno. Avec eux, l’espace urbain défiguré de nos villes est une toile de maître, où les photos froissent notre regard formaté pour oser voir ce que nous refusons d’admettre : la créativité est partout.
Même en Afghanistan. Pour le croire, rendez-vous à l’Espace EDF Bazacle. Quatre vidéos vous attendent, filmées par Lida Abdul. On peut s’asseoir au centre et visionner en même temps ces quatre moments volés à la guerre. Cette mise en abyme donne l’espoir que même l’automne de Claude Lévêque puisse effacer les traces d’un printemps noir.

Pascal Bély
www.festivalier.net

1. « Dans l’archipel de l’art contemporain, rares sont devenus les artistes qui se réclament du moment moderne. Presque tous se vivent comme relevant de la « condition post-moderne » ou mieux, désormais, comme ressortissant d’un destin mondialisé, plus déterminé anthropologiquement et géographiquement qu’historiquement. Pourtant, beaucoup des formes proposées au nom de l’art (d’)aujourd’hui sont manifestement très informées des lexiques et des scansions majeures de la modernité. Certes, elles en jouent au moins au second degré, mais les échos ou les réactivations décalées qu’elles en proposent montrent que subsiste un régime « anamnésique » de l’art, une forme de prospective nostalgique qui continue de relever le paradoxe des modernes, condamnés, comme le pointait Roland Barthes, à faire du nouveau avec de l’ancien ».

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“Le Printemps de Septembre” jusqu’au 19 octobre 2008.

 Sur Le Tadorne, les articles de l’édition 2007:

La jeunesse se réfugie au ?printemps de septembre? de Toulouse.

Les hirondelles Katharina Ziemke,Daniel Dewar et Grégory Gicquel au “printemps de septembre” de Toulouse.

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LES EXPOSITIONS

Avignon, c’est aussi en automne.

Diane Fonsegrives habite Avignon. Elle écrit pour le Tadorne. Des « Rencontres photographiques d’Arles » l’été dernier à l’exposition de Douglas Gordon actuellement à l’affiche en Avignon, je prends toujours beaucoup de plaisir à lire ses chroniques. Respirez, là voilà qui nous guide…
Pascal Bély – Le Tadorne.

Et si la gloire de se croire visionnaire n’était pas ? Et si la photographie était « Nous », aveugle et déconcentrée, née d’une angoisse de ne pas avoir vu l’instant, de l’avoir vécue sans en laisser de trace dans nos souvenirs ? Une mort stupide, car nous ne sommes pas, puisque non conscient de l’acte. Et pourtant nous sommes, car nous nous voyons tels que nous ne sommes pas, même si notre réalité physique nous rappelle cela à chaque jour. “Those I have forgotten but will never remember” est écrit sur le mur.
C’est à travers des supports photographiques et vidéo que Douglas Gordon nous impose notre vraie dimension, non celle qui nous sert de repère parce que l’on se l’est simplement imaginée. Il décompose le mouvement des corps à l’infini, trace dans le geste la violence de nos êtres, l’amour, la haine, la mort qui nous dessinent. Sommes- nous être ou pulsion ? Regard ou Regardé ? Et si le mouvement composait uniquement la symphonie de nos existences sans consistance sur terre, sans vie, sans que nous en soyons totalement maître parce que l’on n’en a pas conscience. C’est ce que Maître Gordon semble vouloir nous chuchoter à l’oreille en nous demandant de nous voir simplement dans le miroir de la vérité et de regarder notre beauté (Si Dieu l’estime), celle de la vie. 

Diane Fonsegrives – www.festivalier.net

“Douglas Gordon” à la Collection Lambert en Avignon, jusqu’au 2 novembre 2008.

Ps : et aussi, j’ai fait la nouvelle collection du petit palais en Avignon. Une nouvelle collection de la peinture religieuse au XVème. Nous changeons de registre, mais je suis toujours autant fascinée par ce travail d’orfèvre. D’abord, on constate le travail de préparation technique des couleurs sur le support surface bois. Puis on y compte les formes rondes, les auréoles, les visages, les anges, les douleurs. Tout est très essentiellement rond. Pas parfait mais rond. Arrivent alors les couleurs qui vous obligent le regard au coeur même de leur âme. Vous êtes stupéfaits. Saisis. Le détail arrive. L’oeil le capte. Les costumes, les arches, les cieux, les dorures de la luxure de la contemplation. L’orfèvrerie de la peinture oblige votre respect. Ensuite l’histoire. Car chacune des oeuvres conte la culture chrétienne à qui veut bien lui créditer un peu de morale. Pour les passions de notre passé de civilisation, pour nos pêchés actuels, pour le plus grand des ravissements A vivre et à revivre inlassablement pour n’admettre enfin que l’art aujourd’hui trouve racine en leur pair.

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EN COURS DE REFORMATAGE

A Aix en Provence, la danse défie les bouchons.

La résistance est là, au coin de la rue. La créativité aussi. Pendant que la Mairie UMP d’Aix en Provence organise « la fête des déplacements » pour nous faire croire qu’elle est à la pointe du développement durable, le cours Mirabeau est bloqué par un embouteillage monstre où paradent les 4×4 bling-bling. Alors que le haut du Cours fait la fête, le bas continue de circuler en bagnole comme si de rien n’était, à l’image d’une municipalité UMP qui ne voit pas plus loin que le bout de l’événementiel.
Soudain, l’imprévisible surgit. Le chorégraphe Bernard Menaut et sa troupe viennent perturber ce non-sens pour introduire du sens, de l’humain, de la poésie. Deux danseurs et trois musiciens endimanchés se déplacent dans une course folle avec des chaises de bureau et provoquent une bien jolie pagaille sur le Cours bouchonné. Des insultes fusent de la part de conducteurs pris à leur propre piège. À cinq, ils ridiculisent nos comportements individualistes. Les corps sont cassants, rigides, mécaniques. C’est totalement absurde, mais le miroir est saisissant : les deux voies de la rue sont à l’image des deux hémisphères de notre cerveau de conducteur!
Pendant que les musiciens (magnifiques) jouent avec leurs sons chaotiques, les deux danseurs paradent, se déplacent sur un bout de trottoir. Les corps sont tout à la fois pont-bascule, rue étroite, et boulevard. Dès que la voie est libre, l’absurde en profite pour s’y glisser. Ce n’est pas seulement drôle. C’est beau et notre imaginaire se régale d’autant plus que certains spectateurs sont mis à contribution. En les intégrant, le groupe fluidifie les liens, les mouvements se font plus harmonieux. À la mécanique des premiers gestes, surgissent la ronde, le train : l’énergie de nos déplacements se trouve dans ce lien solidaire et créatif. Bernard Menaut et sa troupe incarne alors les valeurs du développement durable.
La danse réussit là où l’événementiel échoue : nous faire voir autrement ce que nous réduisons pour ne pas changer.


Pascal Bély – www.festivalier.net

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EN COURS DE REFORMATAGE

Le bouillon du Festival “Les Informelles”.

Malaise.
La culture de l’audimat gangrènerait-elle petit à petit le spectacle vivant, aidé par des tutelles qui financent tant que la plaquette est jolie?
Sollicité à plusieurs reprises par le Festival « Les informelles » pour assister à la soirée où sont proposés par moins de 25 créations (esquisses, expériences, …), j’invite quatre amis dans l’espoir de découvrir de nouveaux artistes et les soutenir dans un contexte politique particulièrement difficile.
En arrivant dans le magnifique bâtiment de « L’école de la deuxième chance » (cela ne s’invente pas !), on nous distribue un plan et le programme minuté. Nous sommes prévenus : « vous ne verrez pas tout », façon élégante de dire : « faîtes votre marché ». À peine entré, la confusion m’envahit. On nous abreuve d’informations, distillées par des hôtesses d’accueil. Me voilà donc au boulot. Je dois rationaliser, choisir, éliminer. La démission des professionnels de la culture est totale. Il faut les voir courir dans les allées de cette « galerie » (marchande ?) pour rameuter la clientèle vers telle proposition ou telle autre.
Alors que je suis prêt à rentrer chez moi, un poète et plasticien fait l’appel. Fernand Fernandez épelle “le registre de tous les noms“. Il est seul. Quasiment personne ne fait attention à lui. Plongé dans son livre géant, il métaphorise cette soirée : les mots sont une performance à défaut de distiller du sens. Qu’importe ce qu’il dit. Il est là. C’est le principal.
Je m’échappe. J’atterris dans l’entrée. Un tournage se prépare. Le cinéaste nous explique la règle. C’est si compliqué que je n’écoute plus. Deux femmes de ménages (dont la chorégraphe Olivia Grandville), une chanteuse lyrique (Donatienne Michel – Dansas) interprète une partition pour soprano, « Stripsody ». Une «BD sonore»paraît-il. Qu’attend-on de moi ? A quoi rime cette séance de ciné- réalité où l’on positionne le spectateur dans les coulisses ? Perdu dans la programmation des Informelles, je ne verrais même pas le résultat de ce tournage prévu vers 21h. Je suis donc un spectateur inutile, improductif, qui ne va pas jusqu’au bout.
Le réconfort s’approche. Dans une salle de cours, je m’assois pour vingt minutes de théâtre (enfin) politique. Alain Béhar nous propose « Loin des équilibres », une proposition qui a le mérite de mettre les pieds dans le plat et de se moquer des «Informelles». Alors qu’un acteur joue son texte, l’arrière-cour technique fait diversion à coup de nouvelles technologies et de slogans aussi creux qu’une plaquette publicitaire du Théâtre du Merlan ! Alain Béhar dénonce le mélange des genres, l’intrusion de l’internet, de la vidéo et plus généralement d’une conception scénique du théâtre empruntée à l’Art contemporain. C’est forcément drôle et subtilement subversif. C’est la seule bouffée d’oxygène de la soirée et l’unique propos solide à côté de tant d’autres propositions qui ne franchiront pas le cap de « l’extrait » après cette soirée.
Le festival « Les Informelles » a donc opté pour la culture zapping et jetable, positionnant le spectateur dans une double contrainte intenable : « si je suis ici, je ne suis pas là-bas ». À jouer sur la frustration, il prend le pouvoir sur le public, finit par l’infantiliser et briser le peu de lien social qui perdure dans ce pays. À voir les spectateurs déambuler comme dans la galerie marchande de Carrefour, je prends peur. Ce dispositif met les artistes en vitrine pour mieux les précariser. L’ensemble du processus de création devient une marchandise friable et l’on fait croire que « la partie » peut parler du « tout ».
« Les Informelles » ont précisément une forme. Celle d’un cadre descendant et profondément autoritaire.
En phase avec l’époque.

Pascal Bély – www.festivalier.net

 ????? “Loin des équilibres” d’Alain Béhar a été joué le 13 septembre 2008 dans le cadre du Festival “Les Informelles”.


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Les informelles” sur le Tadorne:
edition 2007


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LES EXPOSITIONS

« Visa pour l’image » bombarde.

Après le cru exceptionnel de 2007 où le photojournalisme avait dépeint les facettes de l’humain dans toute sa complexité, on ressort de l’édition 2008 abasourdi par autant d’images de guerre. Ce n’est plus l’horreur qui sature (le regard s’habituerait-il ?) mais le schéma répétitif que ces photos finissent par imposer : le culte du héros et de la victime, le clivage entre innocents et bourreaux. Sans minimiser la nécessité d’informer sur les guerres, un rapport de l’ONU précisait leur décroissance dans le monde. Pourquoi une telle avalanche à Perpignan? Voudrait-on nous faire croire que le photoreporter courageux est celui qui risque sa vie au même titre qu’un soldat?
À vrai dire, seule l’exposition « This is war » de David Douglas Duncan sort du lot parce qu’il exprime peut-être le mieux mon propos : ses photos, quel que soit le contexte, nous montrent les processus en jeu et la place du photoreporter. Cette série de clichés écrase toutes les autres parce qu’elle est intemporelle.


 

N’y a-t-il pas d’autres guerres, plus insidieuses, qui gangrènent les sociétés mondialisées? J’ai donc cherché des photos différentes. Il suffisait d’apercevoir les attroupements des spectateurs pour les repérer comme si le lien social entrait en symétrie avec les valeurs guerrières.
Le travail le plus étonnant est sans aucun doute celui de Christian Poveda. « La vida loca » nous parle des Maras, troupes de jeunes qui sèment la terreur dans toute l’Amérique centrale. Les corps tatoués sont photographiés comme autant de peintures qui immobilisent les processus démocratiques de ces pays. C’est à la fois sidérant et fascinant : la peau est ici le terrain de la guerre. Nul besoin de mitrailler le bourbier à coup de clichés pour le sentir « à fleur de peau ».
Sentiment identique avec Nina Berman qui expose ce qui gangrène les USA : le marketing de la guerre, de la sécurité. À force d’avoir peur, les Américains se préparent au pire dans des centres d’entraînement. On y va comme à Disneyland. Les photos, aux couleurs limpides et tranchées, donnent une esthétique de la purification. Effrayant. La France prend doucement ce chemin. Que l’Europe politique puisse nous préserver de ces replis et de ces barricades!



L’Afghanistan occupe une place prépondérante cette année. Outre l’émotion suscitée par Véronique de Viguerie à propos de ses clichés sur les Talibans publiés par Paris-Match, ce pays semble fasciner les photoreporters par sa complexité, loin de la vision réductrice que nous en donne Nicolas Sarkozy. Paula Bronstein lève le voile, pudiquement, pour nous guider à repérer l’immense potentiel de créativité de cette nation. Elle joue toujours sur les contrastes, créée les ouvertures, écartent les simplifications pour finir par franchir la frontière entre l’art et la photo de reportage. Le travail de Paula Bronstein est à l’image de ce pays: un art fragile, une détermination à toute épreuve. Superbe.
De son côté, Stanley Greene nous fait prendre la route de la soie, « aujourd’hui un pipeline pour la drogue et les maladies ». On est stupéfait de voir ces images où la drogue est « l’autre guerre ». Plus d’un million de consommateurs d’opium, 19000 toxicomanes par voie intraveineuse et le VIH qui franchit les frontières. Voilà un vrai reportage, beau et informatif qui comble cruellement la démission de la télévision qui dépêche une armada de journalistes pour dix soldats tués au combat et rate cette route qui finira par croiser nos chemins.
Démarche identique pour Philip Blenkinsop qui nous emmène en Chine pour suivre les abords du Fleuve Jaune. Un voyage en enfer (nous revoilà immergés dans les conditions de vie des mineurs du siècle dernier en Europe) mais avec un regard empathique pour ses Chinois qui triment dorénavant pour nous. Une photo poétique et sociale.
L’Europe ? La France ? Quasiment absentes. On peut se consoler avec la série sur les 20 ans de l’AFP et quelques photos dans le magnifique lieu dédié à la presse quotidienne (l’Arsenal des Carmes, est le seul espace silencieux de « Visa pour l’image » avec une scénographie créée pour le confort du visiteur).
Comment interpréter ce vide sidéral ? C’est le choix inquiétant d’un festival qui ne relie pas le global et le local. Pour comprendre l’ailleurs si lointain, n’a-t-on pas besoin de ressentir, de voir autrement ce qui nous est si proche ? Pour cela, il serait peut-être temps pour «Visa pour l’image » de faire tomber la barrière entre photo de reportage et photo artistique.
Les murs finissent par gêner la vue.

Pascal Bély
www.festivalier.net

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“Visa pour l’image” sur Le Tadorne
:

Exceptionnelle édition en 2007.

« Visa pour l'image » : de Perpignan vers les théâtres ?

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EN COURS DE REFORMATAGE

« Visa pour l’image » :vers les théâtres ?


En septembre 2007, lors de l’édition « Visa pour l’image » de Perpignan, j’avais souligné l’excellent travail de
Véronique de Viguerie, auteure des photos controversées sur les Talibans publiées cette semaine par Paris-Match. En comparant ces clichés, je retrouve l’engagement de cette photographe à vouloir montrer ce que les médias refusent d’admettre : les Talibans ne détiennent pas seulement des armes. Ils utilisent aussi les outils de pression psychologique et médiatique sur les populations pour faire vaciller la démocratie. Il faut avoir une courte vue sur ces processus pour déclarer que ces photos sont de la propagande (dixit le Ministre de la Défense hier matin sur France Inter). Ces clichés sont à regarder à plusieurs niveaux : ils démontrent la puissance des Talibans à jouer dans la même cour que les Occidentaux (l’affectif par l’image) et l’information selon laquelle l’embuscade contre les soldats français diffère de la version données par l’Armée de notre pays.
Ces photos sont donc de l’information. Voir sur France 2, un reportage sur la tristesse des familles des soldats tués à la vision de ces clichés, n’est autre qu’une manipulation. À faire dans l’affectif, les journalistes de France 2 occultent la portée politique du travail de Véronique de Viguerie. Ce n’est pas tant les photos qui importent, que le regard que nous portons sur elle. Les médias sous Nicolas Sarkozy ont décidément choisi la voie de l’émotion au détriment de la pensée. Véronique de Viguerie fait de l’information quand d’autres servent la soupe à un Ministre et un Président belliqueux, fonctionnant à l’affect pour affaiblir le fonctionnement démocratique.
Demain, je mets le cap sur Perpignan. Pour m’informer sur la marche du monde. Voir ce que Sarkozy et les journalistes proches du pouvoir ne veulent même pas comprendre.
Pendant ce temps, nos médias s’intéressent à la grossesse de Rachida Dati. Les clichés de l’échographie sont sûrement prêts.
Ils seraient peut-être temps que la photographie de reportage couvre les murs de nos théâtres. Pour la protéger et la promouvoir. Il y a urgence.


Pascal Bély
www.festivalier.net

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Saison 2008-2009 : la cuisine en débat au Théâtre Des Salins de Martigues?

Le Théâtre des Salins de Martigues retrouvera-t-il quelques couleurs ? La saison 2007-2008 lui a permis d’atteindre de beaux scores de fréquentation au profit d’une programmation très consensuelle, loin des formes artistiques en émergence en France et en Europe. 2008-2009 annonce la fin de la convalescence et le retour des Salins avec de beaux moments de bonheur. Annette Breuil, sa directrice, file la métaphore en reliant la programmation à une recette de cuisine. Petit tour de sept jolis plats goûtés ailleurs.

« Le silence des communistes » de Jean-Pierre Vincent devrait faire grand bruit dans cette ville gérée par le PC et ses alliés. Outre que ces acteurs sont épatants de vérité, le débat qui accompagnera la pièce devrait mettre pas mal d’ambiance. À ne manquer sous aucun prétexte à l’heure ou le Parti Socialiste cherche sa voie.

Le débat devrait trouver son prolongement avec « Mefisto For Ever » de Guy Cassiers où un directeur de théâtre « collabore » avec les nazis puis avec les alliés. Spectacle troublant, magnifique qui devrait, si les Salins l’organise, provoquer des échanges nourris entre acteurs culturels et spectateurs sur le rôle de la culture en ces temps troublés.

Les chroniques sociales de Joël Pommerat avec « Je tremble 1 et 2» et « « Pinnochio »  seraient une nouvelle opportunité pour réfléchir collectivement à l’évolution de notre société.

Au total, quatre ?uvres pour réinventer la gauche, loin des appareils. Mais une question émerge : suffit-il de programmer des pièces « politiques » sans construire l’espace du politique ? Le Théâtre doit intégrer le débat en accompagnement des spectacles à l’image du « Théâtre des idées » organisés par le Festival d’Avignon. Force est de constater qu’aucune structure ne remplit cette mission dans la région PACA.

L’époque incertaine et chaotique appelle plus que jamais les poètes. Avec Pippo Delbono, fidèle des Salins, les spectateurs devraient faire un triomphe à ce chef d’?uvre. « Questo Buio Feroce » est un acte d’amour de Pippo envers son public. Vital.

monKblanc1-copie-1.jpgA retenir deux comédiens d’exception nichés dans cette programmation foisonnante : Manuel Vallade, exceptionnel de fragilité dans son costume de légionnaire. « Mon képi blanc » d’Hubert Colas, c’est du sur mesure. LLjir Selimovski est un acteur magnifique dans « La nuit juste avant la forêt » de Koltès mis en scène par Catherine Marnas (mais pourquoi est-il annoncé dans un coin caché de la brochure ??). Qu’attendent les Scènes Nationales pour programmer cet écrin d’humanité ?

Depuis l’ouverture du Centre Chorégraphique National, le Pavillon Noir à Aix en Provence, la danse n’est plus au centre de la programmation des Salins. La concentration institutionnelle a dépassé les frontières de ville aixoise. Soulignons malgré tout une co-production d’envergure: Olivier Dubois présente « Faune(s)». “Scandale” au dernier Festival d’Avignon, je persiste et je signe: “Faune (s)” préfigure un rapport différent entre l’interprète et le public. Une très belle oeuvre.

On goûtera avec plaisir à la danse exigeante de Russel Maliphant, de Hiroaki Umeda et, cerise sur le gâteau, en partenariat avec les Ballets Preljocaj (la boucle est bouclée), le « Gershwin » de la Compagnie Montalvo / Hervieu.

En périphérie, saluons l’arrivée du musicien Yann Tiersen, en duo avec Miossec. Ce dernier, souvent imprévisible sur scène (lire ici !), sera-t-il plus sage ? 

Rendez-vous en juin 2009 pour un débat sur la saison passée et à venir. Prenons les paris qu’un jour, la démocratie participative, franchira les murs de nos si beaux théâtres ! 

À quand le sucré salé ?

Pascal Bély

www.festivalier.net

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« Le silence des communistes » de Jean-Pierre Vincent

« Mefisto For Ever » de Guy Cassiers

 « Je tremble 1 et 2» et « « Pinnochio » de Joël Pommerat

Manuel Vallade dans  « Mon képi blanc »  d’Hubert Colas

LLjir Selimovski  dans « La nuit juste avant la forêt » par Catherine Marnas

« Questo Buio Feroce »de Pippo Delbono

Faune (s)” d’Olivier Dubois.