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OEUVRES MAJEURES

Je suis féministe de «choeur».

Elles sont face à nous, la rage au “choeur”.

Elles sont vingt-quatre pour constituer un centre de gravité qui finit par tourbillonner et m’emporter.

Elles sont polonaises, mais leur langue est celle du choeur

Elles sont nos mères, nos soeurs, nos femmes, nos amies.  

Elles sont une partie de l’humanité que nous continuons à dominer. 

Elles ont une chef de chorale, pas plus haute que trois pommes, qui met en musique, en chant, en chorégraphie, le manifeste féministe le plus percutant qu’il m’a été donné de recevoir. Elles sont la voix de toutes celles que l’on finit par ne plus entendre.

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Au-delà d’une manifestation de rue (im)mobilisatrice, elles forment un corps social en mouvement qui s’avance vers vous pour ne plus vous lâcher. 

Ce soir, au coeur du festival «Sens Interdits» à Lyon, le féminisme a pris corps, en s’emparant de la scène, presque de force.
Il y a urgence  à réagir, car la dégradation de l’image et de la place des femmes s’amplifie  depuis que la publicité les réduit à une tête de gondole, que les médias de masse formatent leur rôle dans la société.
Elles sont donc face à nous, sans complaisance avec le public, pour riposter à notre laisser-faire, à notre désinvolture. Nous continuons de véhiculer à nos enfants une vision sexuée des rapports intimes, sociaux et politiques. La question du genre ne nous effleure même plus, tout comme le scandale démocratique que constitue l’absence de parité dans nos institutions.
Elles sont donc face à nous pour mettre en scène, en relief (changement de rythme, de ton, de postures ; debout, couché, de prés, de loin), comme autant de manières d’aborder la question. Ce soir, à chaque femme, son slogan. À chaque groupe, sa force.
Nos représentations sur la femme déterminent nos actes de dominateur, tandis qu’elle réclame, à corps et à cris, un «homme commando» à leur côté. La question de l’émancipation de la femme semble être dans l’impasse : la publicité a durablement contaminé nos consciences. Son langage autoritaire fait de mensonges a pris le pouvoir sur la pensée politique. Ce soir, ne nous y trompons pas, leurs cris de joie ne sont que douleurs, étouffées par une société de la communication et de l’information qui ne veut plus entendre ce qu’elle croit avoir réglé.
Alors? Que nous disent-elles ? La seule réponse est politique. La seule dénonciation ne suffit plus. Il faut des corps énonçant («je parle à mon corps» clament-elles !) ; il faut que chacune fasse la révolution, dans sa cuisine ! Il faut s’emparer de la scène et amplifier le bruit du féminisme par la fureur de l’art. Mais au-delà d’un choeur de femmes, imposant, car vertical descendant, il nous faut maintenant un ensemble vocal, composé à parité d’hommes et de femmes de l’art, pour nous aider à penser autrement notre lien. Pour que la forme de la protestation véhicule les valeurs du changement qu’elle revendique.
Je ne sais pas chanter. Mais je veux bien apprendre à murmurer sur scène. Pour nous faire entendre?
Pascal Bély, Le Tadorne. 
« Choeur de Femmes », direction de Marta Gornicka. Au Festival « Sens Interdits » le 22 octobre 2011.