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En région PACA, la « rentrée » du spectateur serait-elle proche de la sortie ?

Le mois de septembre est celui des lectures assidues de toutes les « plaquettes » avec ce sentiment d'excitation qui caractérise tout spectateur curieux. En région PACA et notamment dans l'axe Aix ? Marseille, les programmateurs nous laissent le temps vu que quasiment tous les théâtres sont fermés. Calée sur le calendrier scolaire, l'offre culturelle frôlera l'indigestion en octobre et novembre.

Si certains lieux ouvrent leur programmation (à l'instar du Théâtre d'Arles autour de la performance), d'autres nous (re)servent des artistes avec qui les liens sont institués (le Merlan revendique les « artistes majeurs », la Scène Nationale de Cavaillon parle d'amis) comme si le concept d' « artiste associé » cher au Festival d'Avignon faisait des émules. Dit autrement, on se demande si promouvoir ses “amis” ne finit pas par être un art de la programmation. Les éditos des directeurs de lieux de diffusion nous rassurent : ils ouvrent leurs portes à l' «émergence». L'ouverture semble si étroite que l'on doute aujourd'hui de leurs capacités à prendre des risques et à inclure le spectateur dans un processus, celui de perdre une certitude au profit d'un questionnement. Il est aisé, grâce au web, de parcourir la France à travers ses scènes nationales, scènes conventionnées et autres espace de création. Une évidence s'impose alors : c'est souvent le découpage en régions qui joue sur les programmations des théâtres.

La culture est politique nous dit-on à longueur d’éditos mais à la lecture des programmes, nous avons l'impression qu'elle est surtout « territoriale ». Il revient à dire qu’hormis les «stars» du théâtre et de la danse contemporaine (Pipo Delbonno, Joël Pomerat, Christophe Honoré, Angelin Preljocaj, Jan Lauwers, Maguy Marin?) qui sillonnent les routes de France, les compagnies débutantes se cantonnent à rester dans leur territoire au nom de la rentabilité. Il est rare qu'un programmateur seul promeuve un artiste d'une autre région pour une date. Sauf si ce théâtre fonctionne en réseau et arrive à imposer son choix aux autres lieux de diffusion voisins, mais avec le risque d'uniformiser les programmations. La logique économique prend bien souvent le pas sur le parti pris artistique. Comment expliquer la quasi-disparition de la danse pour la saison 2009/2010 si ce n'est pour se prémunir d'un propos politique, d'une turbulence ?

Où donc trouver les nouveaux réceptacles de créations et d'artistes émergents ? Essentiellement dans des espaces à la marge. Le festival Actoral tente l'exploit de nous proposer un panorama souvent intéressant de la création contemporaine (qu'il perpétue le reste de l'année dans la programmation de Montevideo). Les Bancs Publics osent des traversées étonnantes à l'articulation de la danse, du théâtre et des arts performatifs. «Domaines» du Centre Chorégraphique Nationale de Montpellier Danse permet à des artistes d'explorer le processus de création par des voies détournées. On salue le Théâtre Antoine Vitez d'Aix en Provence qui offre, au c?ur de l'Université, une programmation risquée ouverte aux jeunes talents. Bureaux de recherche et d'expérimentation pour certains, propositions multidisciplinaires pour d'autres, c'est dans cet acte de création que la parole du spectateur peut se faire entendre et surtout être féconde.

Car la place du spectateur dans les lieux institutionnels se résume à la fonction d'«abonné » avec des formules chocs empruntées au marketing : « Devenez spectateur privilégié » ou «spectateur associé ». Ces désignations fourre-tout ne permettent pas de relier le spectateur aux enjeux politiques, économiques et sociaux de la culture. Enfermé dans un lien « producteur ? consommateur », les services de relations publiques font de l'information, institutionnalisent et instrumentalisent le spectateur, mais ne créent pas de la communication. Il est impératif aujourd'hui de réfléchir à la fonction de chargé de «communication», de « relations publiques » pour la redéfinir dans un contexte où le spectateur croule sous l'information, mais où l'on ne communique plus avec lui. Alors que l'on évoque notre « émancipation », notre « citoyenneté », pourquoi les formes de démocratie participative semblent absentes des lieux de culture ? N'est-ce pas là un paradoxe?

Malgré tout, certains théâtres créent leur blog afin de dynamiser leur relation au public. C'est le cas de la Scène Nationale de Cavaillon. Peu utilisé, car quasiment invisible, on espère que la refonte du site facilite l'expression du public. Encore faudrait-il que les équipes osent la question avant de penser l'outil : « quel lien désirons-nous avec le public ? ». À ce jour, on attend des propositions innovantes qui peinent à venir.

Avec le réseau social Facebook, un nouvel espace de communication semble s'ouvrir. Peine perdue. Quasiment toutes les institutions vous invitent à devenir leurs « amis » pour diffuser ensuite les informations disponibles sur leur plaquette et dans leur newsletter. Il y a là une difficulté à imaginer « le réseau social », c’est-à-dire un lien transversal où circulent aussi des affects, des visions, des débats. Saluons le positionnement récent du Festival d'Uzès Danse qui nous informe sur leur dynamique de projet d'équipe. N'est-ce pas une nouvelle manière de stimuler l'envie, le désir du festivalier ?

D'autres semblent vouloir aller plus loin dans la démarche en créant l'espace du blog vivant! C'est dans cette perspective qu'il faudra suivre l'initiative d'Annette Breuil, directrice du Théâtre des Salins à Martigues, qui a instauré pour cette saison une série de trois débats, avec son public, animé par Pascal Bély, l'auteur du présent blog. La prise de risque est à saluer puisqu'elle ouvre les portes du théâtre à un regard extérieur pour créer de nouveaux liens avec le public. Cette démarche
(re)donnera-t-elle la place au spectateur, celle d'un être réfléchi et réfléchissant ?

La transparence, tant recherchée en politique, pourrait se jouer dans les lieux de diffusion pour permettre à la création de participer à la vie de la cité et d'être plus en phase avec des spectateurs dont on sent bien qu'ils marchandent de plus en plus leur relation avec le milieu culturel.

Laurent Bourbousson ? www.festivalier.net