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La nuit avec Wajdi Mouawad au Festival d’Avignon. En étiez-vous?

Deux regards de spectateurs…éclairés par une nuit de théâtre avec Wajdi Mouawad.

7h40. Les oiseaux affolés crient dans la Cour d’Honneur du Palais des Papes. C’est une fête au coeur de leur migration. Le public ovationne. Cela n’en finit pas. Depuis combien de temps la Cour n’avait-elle pas résonné, déraisonné ainsi ? Wajdi Mouawad rejoint sa belle troupe sur scène. L’homme est touché. Il entre dans l’histoire du Festival d’Avignon.

Comment un tel miracle a-t-il pu se produire ? Comment onze heures après, sommes-nous encore là, décomposés de bonheur, regards illuminés et couverts des sédiments déposés par nos imaginaires incendiés. Trois oeuvres ont fait leur travail. Nous avons fait la traversée. Ensemble. Car ce théâtre ne nous a jamais isolé, mais englobé dans un « vivre ensemble », une mémoire vive, une nation de spectateurs. Ce « nous » s’est construit tout au long de la nuit : à la troupe de comédiens sur scène répondait l’assemblée des femmes et des hommes venus le temps d’une nuit, se retrouver, dans la cour, «abattre ce mur», pousser les cloisons, pour un festin orgiaque de théâtre !

Le voyage du fils (exceptionnel Emmanuel Schwartz) pour enterrer son père dans sa terre natale (« Littoral »,), le périple de Jeanne et Simon, jumeaux, pour écrire l’histoire de leur mère décédée (« Incendies »,) l’enquête de Loup sur ses origines («Forêts») : autant de destinées qui finissent par se relier à la nôtre. Combien de deuils impossibles à faire, d’origines non élucidées, de chagrins enfouis parmi les spectateurs ? Pour créer un théâtre humaniste, il faut nous traverser et ne pas nous prendre de haut. Mouawad le sait. Pour cela, La Cour d’Honneur est priée de perdre de sa superbe : il l’habille de sons à l’aide d’un long rideau de lamelles qui, par léger mistral, produit une caresse auditive. Ce soir, point de décor imposant, tout n’est que chaises, murs lacérés, lumières horizontales, tables de bois, petit et grand cahier : avec peu, on fait beaucoup ! Ces objets portent encore l’empreinte des corps des ancêtres et des jeux de l’enfance. Son théâtre suinte ; sa scène transpire : le liquide est partout. Du vivant. Même les mots s’humanisent par cette palette d’accents qui jouent avec le Français comme autant de sonorités métissées au coeur de nos histoires enchevêtrées.

Ici, l’homme travaille, ne renonce jamais face au poids de la transmission : on s’émancipe pour ancrer l’histoire dans un futur à réinventer : cela en est presque magique. Avec Mouawad, les liens sont si tissés qu’ils vous accueillent pour soulager vos peurs et vos pleurs : ressentir sa mère trop tôt disparue, imaginer la grand-mère que l’on n’a pas connue, retrouver le frère, le jumeau, pour se rassurer et calmer sa violence. Et l’on traverse les terres (dans le désert, au loin, dans la forêt de France, pays des contes et des légendes) pour aller vers la mer ; et l’on traverse les corps décomposés, statufiés et dansés.

De ces terres arpentées et labourées, nait le jardin des délices.

Mouawad fait d’une scène le tableau du peintre, la focale du photographe. Tout n’est que visions inanimées que l’artiste «mouvemente». Ses arts florissants  nous redonnent de l’unité, recollent les morceaux : cela va chercher loin tout ça.

Il me faut maintenant revenir.

Pascal Bély – Le Tadorne

 

Loup, Nawal, Wilfrid… J’ai fait votre connaissance le temps d’une nuit. Une rencontre issue de l’écriture de Wadji Mouawad .  Une journée s’est écoulée, et pourtant, je vous entends encore, je vous vois encore, je vis avec vous encore.

Douze heures. Il a suffi de douze heures de représentation dans le lieu magique de la cour d’honneur, pour être ému. C’est dans un élan naturel que je me suis levé pour vous applaudir au petit matin. La couverture, qui a recouvert mes jambes durant la représentation, est tombée à terre, comme ses corps torturés, en mal d’existence, chahutés par la remarquable écriture de son auteur.

Je vous ai scruté du regard de spectateur que je suis. En entrant dans l’enceinte du palais des papes, j’étais un, en ressortant, j’étais un autre. Oui, car l’écriture de Wadji Mouawad bouleverse, met en lumière la véritable nature humaine. Il s’agit d’un théâtre de l’humain, fait de chairs, de sentiments, d’amour.

L’année dernière, vous m’aviez fait exploser l’idée du cadre identitaire que je me représentais avec votre pièce « Seuls ». Aujourd’hui, vous m’avez  ouvert les yeux sur notre condition humaine et je vous en remercie.

C’est à l’unisson que le public vous a regardé, c’est à l’unisson que nous vous disons bravo.

Laurent Bourbousson.

 

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ETRE SPECTATEUR FESTIVAL D'AVIGNON LE THEATRE BELGE!

À l’École d’Art, le “livre d’or” de Jan Fabre pour le Festival d’Avignon.


Il y a foule de spectateurs à l’École d’Art pour la rencontre avec Jan Fabre. Comme un besoin de confrontation (pacifique). Une heure d’échanges polis avec un public qui a fait son « travail » avec cet artiste flamand hors du commun. Le metteur en scène, chorégraphe et plasticien semble assagi, comme s’il faisait son dernier tour de piste en Avignon.

Son « Orgie de la tolérance » fait quasiment l’unanimité à l’exception de quelques journalistes (Nouvel Observateur) et blogueurs (Images de Danse, Tadorne, Un soir ou un autre). Et ce n’est pas le moindre des paradoxes. Le public présent ce matin questionne ce succès : « Alors que « Je suis sang » ou « l’histoire des larmes » nous interpellaient dans notre intimité, votre dernier spectacle nous touche beaucoup moins parce que situé au niveau sociétal. N’est-ce pas pour cela que nous sommes tous  d’accord ?». Est-ce pour cette raison qu’une connivence a été ressentie lors du salut final entre la salle et les danseurs ? Une spectatrice ose souligner que le public était « conquis, acquis d’avance » et qu’elle n’est pas «choqué par cette farce obscène ».  On a même droit à cette remarque savoureuse : « Auparavant, j’étais scotché par votre obscénité. Aujourd’hui, je suis emporté par le groupe ! ».  Mais «pourquoi utilisez-vous le premier degré pour nous faire passer le message ? ». « N’y a-t-il pas conflit entre « dénoncer un système et y être dedans » renchérit un spectateur.

A toutes ces observations et questions, Jan Fabre n’esquive pas.

Oui, « Orgie de la tolérance » est une oeuvre qui nous positionne sur le collectif, car « l’extrême droite flamande doit savoir de quel bois je me chauffe d’où l’utilisation du  premier degré ».

Oui, il est dans le système et se dénonce lui-même dans la scène de chasse.

Il se justifie sur l’obscénité en faisant remarquer que « la télé l’est bien plus », que les «publicités sur les numéros roses » sont des « services très mauvais » (sic), où les « orgasmes sont exagérés » d’où les « olympiades d’orgasmes » joués sur scène. Sa critique vise également le monde de la mode qui nous fait habiller en gangster et nous impose une idéologie de droite sur le beau.

Soit. Mais je ne saisis toujours pas au cours de ce débat, la fonction de cette démonstration connue de tous, car comme le souligne une spectatrice, “nous savons que la libido médiatisée vise à canaliser toute l’énergie qui pourrait exploser».

Alors, j’ose une hypothèse : le consensus autour d’« Orgie de la tolérance » ne vise-t-il pas à revenir sur « l’orgie » de violences qui a suivi l’édition 2005 du Festival où il était l’artiste associé ? Jan Fabre revient sur ce qui a fait débat cette année-là. Subtilement. En soulignant d’abord que 2005 a ouvert la porte à des artistes. Que pour lui, il n’y a pas de hiérarchie entre le corps et les mots ; « ils s’influencent mutuellement », « alors qu’en France, le texte hiérarchise ». Dans sa troupe, composée de « performeurs du 21ème siècle », les arts se croisent et s’enrichissent. Avec une pointe d’humour, il souligne « qu’il est aussi un auteur à texte ». Fier de son collectif, Fabre s’appuie sur lui pour s’inscrire dans la tradition de la peinture flamande, où la subversion est une philosophie, un mode de survie.

Il termine par cette phrase, en forme de salut final : « la danse est toujours une célébration de la vie ». Chapeau l’artiste.

Pascal Bély – www.festivalier.net

Jan Fabre vu par le Tadorne: Jan Fabre fuck, avec préservatif, le Festival d’Avignon.

Les débats à l’Ecole d’Art vus par le Tadorne:  À l’École d’Art d’Avignon, Amos Gitaï découvre le public d’Avignon. Sanglant.

Photo: www.théâtrecontemporain.tv

 

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PETITE ENFANCE

Théâtre jeune public: Poésie et réalité, deux mondes qui s’entrechoquent au Off.

L’entrepôt, lieu de la compagnie « Mises en scène » (Avignon), propose deux spectacles destinés au jeune public, opposés mais stimulants.

« La balle rouge et Quatuor » offre une vision toute en finesse des rapports amoureux. Théâtre d’objet, les formes géométriques en mousse incarnent les protagonistes d’une aventure amoureuse qui lie un homme, une femme et un enfant.

L’histoire (la rencontre, l’amour, la naissance de l’enfant, la séparation) invite un quatuor d’instruments à cordes pour un voyage poétique. Nos yeux émerveillés, de l’enfant redevenu, laissent ces objets nous envahir et leur donnent une fonction de parole. Puissance de la métaphore ! « La balle rouge et quatuor » est une ode à la poésie et aux échanges humains.


 Il en est autrement pour « une vendeuse d’allumettes », d’après H.C. Andersen.

Plongée dans un monde ultracontemporain, notre vendeuse d’allumettes prend les traits d’une sans domicile fixe. À la veille de Noël, elle erre dans une zone commerciale. Son campement,  perdu au milieu de nulle part, se résume à son frigo, ses sacs plastiques et ses oranges.

Parabole de notre société, « L’Escabelle-Cie théâtrale »(Lorraine), convie les enfants, et les adultes, à réfléchir sur la condition des hommes et femmes que nous croisons sur les trottoirs ou au détour d’une rue.  Notre vendeuse d’allumettes invente son monde pour faire face à l’absence de regard d’autrui. Elle revêt ses plus belles bottes faites de sacs plastiques Lidl,  s’invite au restaurant, cuit son sac qui prend des allures de poulet. Elle combat ses propres démons (la faim, le froid et l’exclusion dont elle est victime) en véritable héroïne de manga et voudrait juste que nous la regardions comme une petite fille.

Nous la regardons tous. Nous regardons ce que la société fait de nous. Nous regardons ses traits s’éteindrent peu à peu. La vendeuse d’allumettes tue le père Noël, avant qu’il ne la tue. Elle laisse mourir le symbole de l’hyper consommation avant de s’éteindre et nous laisse notre sentiment de culpabilité.

A mettre entre toutes les mains à partir de 8 ans.

Laurent Bourbousson. www.festivalier.net

La balle rouge, du 10 au 24 juillet, à 10h30.

Une vendeuse d’allumettes, du 10 au 19 juillet, à 12h30

1 ter boulevard Champfleury
84000 Avignon

Téléphone réservation
06 27 11 48 84