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EN COURS DE REFORMATAGE

La douce Tunisie d’Aïcha M’Barek et Hafiz Dhaou.

Pour m’éloigner de la pesanteur des leitmotivs journalistiques de fin d’année, je prends mon envol pour le Théâtre d’Arles avec la Compagnie Chatha et leurs « Khaddem Hazem » (« hazem » signifiant bassin, jeu de mots pour traduire « ouvrier du bassin »). C’est mon dernier spectacle de l’année 2008, autant dire que la pression est assez forte, après une rentrée théâtrale assez molle.

Les lumières baissent et le son d’une radio tunisienne déverse son flot de paroles. Je revois les rues d’un petit village de Tunisie et des images oubliées refont surface : les champs, les hommes, les enfants, les femmes, la médina… Je voyage tout en étant assis. Puis, la lumière éclaire les corps. Ces fameux « Khaddem Hazem » sont ici. Ils s’ouvrent au son, comme l’on s’éveille à la lumière du jour. Tout doucement. Ils entreprennent leur travail, leur tâche journalière, s’échangent leurs identités en s’habillant des vêtements posés à même le sol. Les Khaddem Hazem sont eux, moi, vous, nous. Ils nous prennent par la main, instaurent une confiance, un dialogue. On se sent bercé par un ronronnement, par le déroulement d’une journée classique de travail. Une certaine lassitude s’installe. Cela m’effraie. Leurs roulements de bassin ne visent-ils pas à nous endormir pour laisser filer notre destin entre nos doigts ?

Comme un électrochoc,  la tendance se renverse et des petits Brésiliens jouent au foot avec les canettes en aluminium pour croire en leur futur, j’imagine Kaboul sous les bombes avec  l’envie de vivre, je regarde les corps dérivés des clandestins dans la mer salée s’échouant sur les rives de la méditerranée à la recherche d’un eldorado. Autant de destinées bousculées par un effet papillon ou provoqués par un soubresaut intime.  La force se puise au fond des êtres. Avec les Khaddem Hazem, il faut croire en son destin, le saisir à même le corps, le tordre, le faire sien, sans pour autant le subir.

La danse de Aïcha M’Barek et de Hafiz Dhaou est impressionniste où le corps, sans artifice, sans surenchère, prend toute sa place, sans concept pour vampiriser un propos. Certes, leur danse n’invente rien, mais elle est généreuse.

De la danse dansée. Ouf, il était temps.

Laurent Bourbousson- www.festivalier.net


?????? “Khaddem Hazem” par Aïcha M’Barek et Hafiz Dhaou a été joué le 16 décembre 2008 au Théâtre d’Arles.

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