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EN COURS DE REFORMATAGE

La folie des grandeurs de Michael Marmarinos plombe le KunstenFestivalDesArts.

Dying as a country” de Michael Marmarinos est la super production du KunstenFestivalDesArts de Bruxelles. Cent cinquante figurants à la fois sur scène, de l’entrée  à la sortie d’une grande salle, au c?ur d’une friche industrielle : voilà pour le décorum. La taille du plateau du Palais des Papes d’Avignon n’est rien à côté de cet espace mégalomaniaque et complètement inadapté au théâtre. Pour se rendre sur les gradins, le public double une longue file de figurants. Une fois assis et en attendant que tout le monde prenne place, nous subissons la logorrhée verbale d’une jeune comédienne prisonnière d’un petit carré dessiné sur scène. Un spectateur, excédé, hurle en quittant les lieux : « mais tu ne vas pas la fermer ! ». Ce cri de rage annonce le calvaire qui va suivre.

« Je meurs comme un pays » est un livre publié par Dimitris Dimitriadis en 1978 : il y décrit l’agonie d’une nation, en perte d’identité. Métaphore de la Grèce au temps de la dictature des colonels, ce texte universel pourrait s’appliquer à bien des Etats d’aujourd’hui. Michael Marmarinos le met en scène ou plutôt en espaces. Le spectateur doit sans cesse naviguer entre le texte mitraillé en sous-titrage, les écrans vidéo qui retransmettent les visages des figurants dans la file, le plateau découpé en plusieurs cases avec au fond, loin là-bas, une scène de théâtre. La nation, pour Marmarinos, c’est d’abord le nombre, le territoire, la file verticale. Sa mise en scène n’est pas sans rappeler la mégalomanie de certains dictateurs lors des défilés militaires. Il y a une volonté consciente d’impressionner le public, de le mettre en position passive où la forme envahit le fond. Les acteurs professionnels, noyés dans la masse, ne font que courir d’un bout à l’autre de l’espace en hurlant ce qui aurait dû être joué ! Tout n’est que distorsion, cloisonnement, envahissement. Ce n’est même plus du théâtre, mais de la mauvaise performance pour spectacle joué sur la pelouse d’un stade de football.

Dépassé par le « dispositif », le public assiste impuissant à cette interminable procession sans qu’une seule fois son imaginaire ne soit sollicité. Comme à chaque édition, le KunstenFestivalDesArts se perd souvent dans les grands espaces scéniques. L’équation binaire entre la taille et le territoire n’est-elle pas dans l’impasse ?

« Dying as a country » est un spectacle mort-né.

Pascal Bély


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 « Dying as a country » par Michael Marmarinos a été joué le 24 mai 2008 dans le cadre du KunstenFestivalDesArts de Bruxelles.
Crédit photo:
© Alexandra Cool – Academie Anderlecht

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