Dans le cadre du festival des Hivernales d'Avignon, le 30e du nom, la Scène Nationale de Cavaillon accueille « Tangentes » de Mathurin Bolze pour deux soirées. Circassien reconnu, le public a pu le découvrir avec sa fabuleuse pièce « Fenêtres » présentée dans ce même lieu en 2005.
Ayant croisé le chemin de François Verret avec l'oubliable « Sans Retour », Mathurin Bolze propose avec « Tangentes » un endroit (?), juste au point de fuite entre la stabilité et ce qui file vers un infini, à la rencontre du frontal et du circulaire, à la jonction de l'acrobatie circassienne et de la théâtralité ».
Dans une cage en verre, l'un des protagonistes nous dit et redit une phrase en préambule au spectacle. Le public continue à entrer, tandis qu'il continue à parler. Le dispositif, un bidonville, sert d'espace de jeu.
Après les recommandations d'usage (portable éteint, nourriture interdite), énoncées par cet interprète, la lumière finit enfin par s'éteindre et j'oublie cette phrase de Blanchot, avec « OT ».
Dés les premières notes de musique d'Akosh S., le sérieux de « Tangentes » fait voler en éclat la poésie que je souhaitais. Je suis le spectateur d'une succession de tableaux, d'histoires de gens, qui se croisent, s'entrecroisent, s'entraident, se détestent. J'essaie de me raconter leur passé, leur envie, leur désir. L'utilisation de bribes de texte ne sert pas, mais ne dessert pas non plus ce qui se joue entre les quatre circassiens.
Mais, il y a quelque chose, un « je ne sais quoi » qui m'empêche de partir avec eux. Certes, c'est esthétiquement beau. Mais c'est tout. J'essaie de prendre du recul, histoire d'analyser ce qui se trame. Réflexion faite : il ne se passe rien.
Le discours de « Tangentes » se perd dans des effets de style acrobatique. Ce qui aurait pu être une ode à la furieuse envie de vivre se transforme en un spectacle d'acrobatie.
J'aurais dû prendre la tangente.
Laurent Bourbousson.
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?????? « Tangentes» de Mathurin Bolze a été joué les 21 et 22 février 2008 à la Scène Nationale de Cavailon dans le cadre du Festival “Les Hivernales” d’Avignon.
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« Exils4 » est un beau travail, honnête, sensible, accueillant. Pour évoquer la profondeur du migrant et sa complexité sans tomber dans les clichés, Eva Doumbia a tissé sur scène une jolie toile faite d'enchevêtrements de langages artistiques. L’identité de l’émigré ne peut se réduire à une étiquette, car c’est un processus « avec une temporalité, des allers-retours, des moments où on est plus ceci, des moments où on est plus cela, tantôt plus près d'un monde, tantôt plus près de l'autre? » comme le souligne,
Elles sont donc trois sur scène pour traduire ce processus et incarner cette femme française, fille d'immigré, à la recherche de son identité. Trois comme un tryptique qui se déploie, se referme puis s'ouvre dans un mouvement qui trouve son énergie dans la danse enragée de Sabine Samba, sa profondeur dans les témoignages vidéos et sa beauté picturale dans les gestes de cette tante retrouvée, restée là-bas. « Exils4 » tangue entre poésie (magnifique texte d'Aristide Tarnagda), tendresse, rires et colères pour donner une âme à trois objets « flottants » (une chaise et ses barreaux, la valise et ses roulettes, la bassine et sa mousse débordante) qui font lien entre elles et nous. Trois objets mouvants pour bouger notre regard sur l'émigré et faire vaciller nos certitudes. Car tout est mouvement, pas de côté, décalage dans la mise en scène d'Eva Doumbia, proche d'un acte thérapeutique qui soignerait les névroses d'une France gangrénée par vingt années de propos racistes et de politiques disqualifiantes envers l'émigré. Elle nous guide avec délicatesse pour changer de regard afin de nouer avec les migrants d'autres liens pour qu'ensemble nous coconstruisions cette société métissée qui n'a plus rien à voir avec celle des années 60.
À peine commencé, « About you » de Sylvain Prunenec me plonge au c?ur de l'émergence d'un nouveau langage chorégraphique où je serais le linguiste de mon imaginaire. J'apprends mouvement par mouvement des syllabes qui ne peuvent jamais aller jusqu'au bout, je mémorise un geste puis deux qui s'enchevêtrent pour se faire oublier. Deux hommes, deux femmes, dansent, me prennent par la main pour m'expliquer et finissent toujours pas me lâcher. Je me cogne avec eux contre les murs de l'église et je me perds dans les détails d'un tapis rouge, territoire rationnel surplombé d'une structure métallique et encerclée d'un ruban lumineux, frontière entre l'ici et l'ailleurs. C'est ainsi que je suis attiré par ce champ magnétique, par ces corps qui entrent en collision d'où se dégage l'énergie du lien, du don, d'une forme d'intelligence collective. Je ne les quitte plus des yeux, suspendu moi aussi à cette poésie si « particulaire » qui fait du renoncement de soi, l'avancement du nous. À l'issue de ce voyage, alors qu'ils ont tous disparu, il ne reste plus qu'elle, fragile, presque timide. Elle nous regarde apeurée, avec ses pas hésitants et ses mouvements inachevés. Seule, elle ne peut plus rien faire. Spectateurs maladroits, nous la laissons rejoindre ses congénères au fond de l'église.
Le premier est une création de Benoît Bourreau et d'Hélène Iratchet. Au croisement de l'art contemporain et de la performance, « Baladidoo doddle di » est un voyage au c?ur de la représentation où les mots se déglinguent, où les rites comportementalisés se croisent avec des effets visuels du théâtre et du cinéma. C'est un joyeux désordre où le plateau est finalement envahi par des silhouettes photographiées (tels une équipe sportive ou un public soudainement statufié). Les corps semblent submergés par ces effets de scène où le mouvement s'efface pour des formes immobiles « ritualisées » censées être signifiantes. Je ressens ce trop plein visuel comme une vision pessimiste sur le rôle de la danse dans nos sociétés pixélisées et finit par me laisser moi aussi de marbre.
Dans un décor froid, digne d’un film de science-fiction (sol et murs blancs, tubes en acier représentant la carcasse d’un vaisseau spatial), je suis hypnotisé par un cercle projeté sur le mur.