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ETRE SPECTATEUR HIVERNALES D'AVIGNON LA VIE DU BLOG OEUVRES MAJEURES

Maguy Marin aux Hivernales: retour vers le futur.

C’était en juin 2006, à Montpellier Danse. Maguy Marin avec “Ha ! Ha !”  provoquait un séisme dont le public et les personnels du festival se souviendront longtemps. Je n’ai cessé de penser à cette chorégraphie pour faire évoluer mon regard porté sur la société du divertissement. Je ne compte plus les moments où j’ai fait référence à « Ha ! Ha ! » lors de mes interventions professionnelles ou personnelles. J’ai eu en retour une écoute intéressée comme si le propos de Maguy Marin faisait résonance chez ceux qui ne se posent plus de questions face aux rires graveleux des émissions télé ou radio. Le festival des Hivernales a programmé « Ha ! Ha ! » au théâtre de Cavaillon le 1er Mars. Je publie à nouveau ma critique de l’époque en espérant susciter le débat de cette pièce qui aurait dû être au coeur du projet et présenté à l’Opéra d’Avignon ou au Théâtre des Hivernales.
En mars 2005, Jerôme Bel avec « The show must go on » provoquait un joli séisme au Théâtre des Salins de Martigues en interrogeant, par la provocation, les raisons pour lesquelles nous venions le voir.
En juillet 2005, le Festival d’Avignon positionnait le public dans un autre rapport à l’art théâtral en proposant des oeuvres métaphoriques et des performances. Le débat « texte ou pas » clivait la presse nationale.
En mai 2006, Le KunstenFestivaldesArts de Bruxelles poursuivait cette dynamique en invitant le spectateur à repenser le rationalisme pour se projeter dans un monde plus complexe où les aléas et les incertitudes seraient source de créativité.
Montpellier Danse ne pouvait donc pas rester à l’écart de ce mouvement de fond. La chorégraphe Maguy Marin, avec « Ha ! Ha ! » a eu le courage d’interroger la fonction du rire dans une société qui fuit la recherche du sens. Comment expliquer le désir croissant du public à vouloir se détendre dès qu’il va au théâtre ? Comment interpréter la part dominante des émissions de divertissement entre 18h et minuit sur les chaînes de télévision ? À quoi font référence les expressions si souvent entendues, prononcées le plus souvent sur un ton moqueur : « Pourquoi te prends-tu la tête ? », « Si en plus il faut penser au travail quand je vais voir un spectacle ! ». Cette recherche du divertissement gagne progressivement le public de la danse. Que se joue-t-il ? Dans le contexte actuel français, le rire, loin d’être créatif et libératoire, cache, masque la complexité des situations. Il s’articule sans aucun problème à la pensée linéaire, au discours politique le plus simpliste. Une société qui veut rire de tout, se distraire à tout prix, prépare le fascisme.
Courageusement, Maguy Marin a décidé  de réagir. Il y a urgence à renvoyer un questionnement au public, de peur de voir en France et en Europe, l’art disparaître. Pour cela, nous avons à nous repositionner : il n’y a plus d’un côté les artistes qui proposeraient une création pour, de l’autre, des spectateurs consommateurs passifs. Même Helena Waldmann a compris la nécessité d’interpeller le public lors de « Letters from Tentland Return to sender » vu une semaine auparavant. Je ne souhaite pas faire part de ce qui s’est passé à l’Opéra Comédie de Montpellier, dimanche soir. Il y aurait un paradoxe à expliquer un processus qui vous empêchera de le vivre. Toutefois, avant de courir voir cette oeuvre, sachez que Maguy Marin inverse les prémices : nous sommes les acteurs, les danseurs sont les spectateurs. De la sorte, elle propose un art conceptuel et c’est à nous de recréer le concept. Ce nouveau positionnement nous aide à redevenir acteur, à sortir de la soumission imposée par la société du divertissement. Elle provoque un électrochoc salutaire en nous accompagnant à retrouver la posture du dedans-dehors qui seule permet de recréer un lien avec l’art, avec les artistes.
Oui, grâce à Maguy Marin, je n’ai plus honte de me prendre la tête. Elle me redonne la force de continuer ce blog, de poursuivre le chemin tracé depuis tout jeune : c’est la recherche du sens qui fait une vie. Maguy Marin a porté ma voix, celle de beaucoup d’autres. Elle m’a libéré des vexations dont je peux parfois faire l’objet (la dernière en date : “à quoi ça sert de voir tous ces spectacles ? N’as-tu pas envie de lâcher ?” ; le tout dit en riant !).
J’ai crié « Bravo » pour masquer les insultes d’une partie du public. À ceux qui ne perçoivent pas la menace sur l’art dans notre pays, rendez-vous dans les villes où Maguy Marin proposera « Ha ! Ha ! ». Revenez sur ce blog. Échangeons. Passionnons-nous. C’est l’une des ripostes au totalitarisme ambiant.
Sous les pavés, l’art et le social?
Pascal Bély – Le Tadorne
"Ha! Ha!" a été joué le 1er mars 2007 au Théâtre de Cavaillon dans le cadre du Festival "Les Hivernales" d'Avignon.

Crédit photo: Christian Ganet.

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EN COURS DE REFORMATAGE

Super bide aux Hivernales d’Avignon.

Les projecteurs s'éteignent. Je me retourne vers le public pour voir si je n'ai pas rêvé. Nous sommes plusieurs à nous regarder, éberlués. « Super ! » de la Belge Maria Clara Villa ? Lobos est une pièce consternante de bêtise. C'est surtout l'irruption du racisme dans ce festival « humoristique ».

Ils sont sept sur scène, tous déguisés en « Superman ». Le plateau est transformé en émission de télévision où les reportages vidéo alternent avec des séquences de publicités tournées en direct. Quelques danses sur le ton de la comédie musicale et des journaux télévisés (à la manière des « Nuls » de Canal +) complétent le décor.
Tout commence par une scène mal jouée, lourde comme une blague qui tombe à plat lors d'un repas bien arrosé : un homme et deux femmes, nus, miment la séance de photo humiliante des prisonniers Irakiens torturés à Abou Ghraib. Deux « superman » photographient. Malaise.
Les autres scènes sont sur le même registre. Passons.
« Super ! » est un spectacle paresseux, car il réduit tout ! La chorégraphe peut toujours prétendre qu'elle s'attaque au « monde globalisé » : sa cible, ce sont les États ? Unis. Elle amalgame sans cesse les règles du modèle libéral et les déterminants culturels comme si l'un entraînait automatiquement l'autre. Alors qu'elle ne cesse de dénoncer dans sa note d'intention, un monde binaire où s'affrontent « super forts et super faibles, super riches et super pauvres », elle structure sa pièce selon le même modèle de pensée ! Le spectateur est alors mis dans une position d'accusé (on n'hésite pas à nous scruter avec des lampes de poche) alors que les danseurs détiennent la vérité, eux qui savent avec talent se moquer de ce monde libéral aux mains des Américains. Mais, cette pièce aux propos huilés et mécaniques va chuter sur un imprévu?Alors qu'un danseur prend dans ses bras un enfant de deux ans situé au premier rang (on saura plus tard que c'est le fils de la chorégraphe), celui-ci hurle sur le plateau et refuse de coopérer. Les danseurs insistent. L'ambiance devient alors glaciale et la suite du spectacle patine.
Le monde, loin d'être binaire, est complexe. Le réduire à un anti-américanisme primaire, est dangereux. Je remercie cet enfant d'avoir mis fin à ce mauvais spectacle que même José Bové n'accepterait pas comme film de campagne électorale.
Super, ce gosse !

 

 

?????? “Super!” a été joué le 28 février 2007 dans le cadre du Festival “Les Hivernales” d’Avignon.>