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Bertrand Cantat, «le condamné» d’Avignon.

À la veille de la représentation,  je pars au théâtre avec une absence en tête. Bertrand Cantat n’est pas là. Ainsi l’a voulue la «vox populi» après le battage médiatique du printemps dernier.  Ce soir, à la Carrière de Boulbon, un homme est absent pour «Des femmes : les trachiniennes, Antigone, Electre» de Sophocle, mise en scène par Wajdi Mouawad. Un homme condamné qui a purgé sa peine n’est pas là parce qu’à la douleur légitime d’un homme (Jean-Louis Trintignant), nous avons opposé un principe moral, l’excluant de cette traversée écrite spécialement pour lui. Nous lui avons symboliquement coupé les cordes vocales pour l’enterrer mort vivant.

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Dès lors, comment me positionner alors qu’à peine la pièce commencée, je conteste la décision de Wajdi Mouawad de maintenir la représentation? Pourtant, je suis là ce soir (après avoir longtemps hésité) pour écouter un enregistrement. Je suis ici et ailleurs. «La posture paraît intéressante», me rétorque-t-on. Certes. Sauf que Wajdi Mouawad n’a pas intégré ce processus. Tout juste laisse-t-il la place libre. Tout juste fait-il entendre la bande-son (tant qu’il y était, un vidéaste aurait pu tout aussi bien projeter Bertrand Cantat).

Il y a  des acteurs, mais un trou béant, sans que celui soit «mis en scène» : «débrouillez-vous avec» semble-t-il nous dire, lui qui nous avait enchanté et éprouvé en 2009 lors d’une nuit mémorable au Palais des Papes.

«Débrouillez-vous». Mais comment faire, sachant qu’entre eux, nous et le Choeur (la Cité), il y a un précipice ? Les trois musiciens errent comme des fantômes parmi des interprètes bien incapables d’incarner leur rôle alors que l’acteur principal est absent, condamné une deuxième fois. Comment entendre la tragédie sur scène alors qu’elle se joue ailleurs ?

Je comble le vide. Je m’accroche au chant de Bertrand Cantat qui fait tout trembler. Le rock est prière. Il est le cri primal de la démocratie. Il est ma peine. Il est un lancer de pierres de Boulbon contre l’autocratie.  Le sens de la tragédie est dans sa voix tandis que celle des acteurs se perd dans des effets de manche d’un cours de conservatoire.
Je m’accroche à l’insignifiant, au détail : je songe à Déjanire, épouse d’Héraclès, qui joue mouillée de la tête au pied. Comment fait-elle avec un froid pareil ?
Je repère ce qui est suggéré : les acteurs en font des tonnes pour créer une nouvelle forme théâtrale, un loft-story tragi-comique où la «masse-média» a déjà voté pour exclure l’un des protagonistes, observant toute-puissante le produit de sa lâcheté.
Je ris avec quelques spectateurs quand Wajdi Mouawad confond la scène avec un espace d’art contemporain où l’acteur devient oeuvre plastique, matière de son propre jeu, où le vivant se prend les pieds dans la figure de l’objet d’art, où une image en chasse une autre, sans lien.
Je ris et j’ai honte d’assister à un théâtre kitch qui me positionne dans une performance (six heures de représentation au coeur d’une nuit frigorifiante) sans que je ne ressente de la peur, de la pitié, de l’admiration. Cette  «tragédie» me laisse indifférent. 
Il est deux heures du matin. J’en ai assez vu. Je quitte la Carrière sans voir «Electre».  Je cherche du regard tous ceux qui pensent que l’on fait du théâtre avec de la morale et qui, ce soir, se contentent de si peu. Ils n’auront certes pas à l’applaudir, à se «salir» les mains. Ce soir, ils l’ont enterré.
Antigone cherche désespérément son corps.
Pascal Bély, Le Tadorne.
« Des femmes : les trachiniennes, Antigone, Electre» de Sophocle, mise en scène par Wajdi Mouawad au Festival d’Avignon du 20 au 25 juillet 2011.
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Au Festival d’Avignon, le « Ciels » terrorisé de Wajdi Mouawad.

Wajdi Mouawad, l’artiste associé du 63ème festival d’Avignon, a laissé durablement son emprunte dans l’imaginaire des spectateurs lors d’une nuit à la Cour d’Honneur, où il nous proposa sa trilogie « Littoral », « Incendies », « Forêts ». Il nous manquait la quatrième partie du quatuor qui forme « Le sang des promesses » : « Ciels ». Nous aurions préféré ne jamais l’avoir vue et n’attendre qu’une promesse.

À l’intérieur du bâtiment de Châteaublanc, nous entrons dans un espace d’expérimentation où les spectateurs, au centre, s’assoient sur des tabourets. Ils finissent par former « le jardin des statues ». Nous n’avons plus qu’à pivoter pour suivre la déambulation des acteurs sur sept scènes, telles des bulles d’une bande dessinée sans profondeur. Vidéo et art dramatique se relient dans une forme artistique hybride menacée de réductionnisme aiguë.

Ce dispositif scénique inexploité donne l’étrange impression que les acteurs  sont incrustés dans le décor d’un parc d’attractions, à défaut de s’incarner dans un imaginaire théâtral. Nous naviguons entre « Da Vinci Code » (les musées sont décidément des cibles bien utiles), « 24 heures chrono » (des terroristes manipulant la poésie et l’art menacent), et « Plus belle la vie » (quand l’intrigue se relâche). Ainsi, la forme ne soutient plus le fond, mais l’absorbe.

Pour faciliter cette hiérarchisation, Stanislas Nordey occupe le rôle de l’agent Clement Szymanowski et l’espace plus qu’il n’en faudrait. Son corps épouse le décor : lourd, droit, avec appui sur les articulations (genoux, bras). Il déclame le texte comme un mauvais Shakespeare et écrase de son regard mortifère les autres acteurs, réduits au silence à moins qu’ils ne rivalisent maladroitement avec lui. Le jeu de Stanislas Nordey abime la poésie de Wajdi Mouawad. Il incarne ce terrorisme du texte sur le corps dont souffre tant le théâtre français. Ainsi, comme dans les meilleurs moments de « 24 heures chrono », la troupe de comédiens est infiltrée par l’ennemi. L’intensité dramaturgique en pâtit et certains spectateurs sont gagnés d’un rire nerveux, signe d’un malaise qui ne fait que croître. Seule la vidéo (quel paradoxe !) permet à deux acteurs de s’échapper d’une telle main mise (impressionnant Gabriel Arcand et touchant Victor Desjardins dans le rôle du jeune Victor).

Alors que « Ciels » devait clôturer  le quatuor commencé avec « Littoral » par « un vagissement inarticulé », nous n’entendons qu’un vacarme, une bombe, posée par ceux qui n’ont pas fini de nous imposer leur jeu terre-à-terre.

Sauf que nous avons tant besoin de relever la tête pour voir d’autres archipels.

Pascal Bély Le Tadorne

“Ciels” de Wajdi Mouawad au Festival d’Avignon du 18 au 29 juillet 2009.

Crédits photo : AFP

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La nuit avec Wajdi Mouawad au Festival d’Avignon. En étiez-vous?

Deux regards de spectateurs…éclairés par une nuit de théâtre avec Wajdi Mouawad.

7h40. Les oiseaux affolés crient dans la Cour d’Honneur du Palais des Papes. C’est une fête au coeur de leur migration. Le public ovationne. Cela n’en finit pas. Depuis combien de temps la Cour n’avait-elle pas résonné, déraisonné ainsi ? Wajdi Mouawad rejoint sa belle troupe sur scène. L’homme est touché. Il entre dans l’histoire du Festival d’Avignon.

Comment un tel miracle a-t-il pu se produire ? Comment onze heures après, sommes-nous encore là, décomposés de bonheur, regards illuminés et couverts des sédiments déposés par nos imaginaires incendiés. Trois oeuvres ont fait leur travail. Nous avons fait la traversée. Ensemble. Car ce théâtre ne nous a jamais isolé, mais englobé dans un « vivre ensemble », une mémoire vive, une nation de spectateurs. Ce « nous » s’est construit tout au long de la nuit : à la troupe de comédiens sur scène répondait l’assemblée des femmes et des hommes venus le temps d’une nuit, se retrouver, dans la cour, «abattre ce mur», pousser les cloisons, pour un festin orgiaque de théâtre !

Le voyage du fils (exceptionnel Emmanuel Schwartz) pour enterrer son père dans sa terre natale (« Littoral »,), le périple de Jeanne et Simon, jumeaux, pour écrire l’histoire de leur mère décédée (« Incendies »,) l’enquête de Loup sur ses origines («Forêts») : autant de destinées qui finissent par se relier à la nôtre. Combien de deuils impossibles à faire, d’origines non élucidées, de chagrins enfouis parmi les spectateurs ? Pour créer un théâtre humaniste, il faut nous traverser et ne pas nous prendre de haut. Mouawad le sait. Pour cela, La Cour d’Honneur est priée de perdre de sa superbe : il l’habille de sons à l’aide d’un long rideau de lamelles qui, par léger mistral, produit une caresse auditive. Ce soir, point de décor imposant, tout n’est que chaises, murs lacérés, lumières horizontales, tables de bois, petit et grand cahier : avec peu, on fait beaucoup ! Ces objets portent encore l’empreinte des corps des ancêtres et des jeux de l’enfance. Son théâtre suinte ; sa scène transpire : le liquide est partout. Du vivant. Même les mots s’humanisent par cette palette d’accents qui jouent avec le Français comme autant de sonorités métissées au coeur de nos histoires enchevêtrées.

Ici, l’homme travaille, ne renonce jamais face au poids de la transmission : on s’émancipe pour ancrer l’histoire dans un futur à réinventer : cela en est presque magique. Avec Mouawad, les liens sont si tissés qu’ils vous accueillent pour soulager vos peurs et vos pleurs : ressentir sa mère trop tôt disparue, imaginer la grand-mère que l’on n’a pas connue, retrouver le frère, le jumeau, pour se rassurer et calmer sa violence. Et l’on traverse les terres (dans le désert, au loin, dans la forêt de France, pays des contes et des légendes) pour aller vers la mer ; et l’on traverse les corps décomposés, statufiés et dansés.

De ces terres arpentées et labourées, nait le jardin des délices.

Mouawad fait d’une scène le tableau du peintre, la focale du photographe. Tout n’est que visions inanimées que l’artiste «mouvemente». Ses arts florissants  nous redonnent de l’unité, recollent les morceaux : cela va chercher loin tout ça.

Il me faut maintenant revenir.

Pascal Bély – Le Tadorne

 

Loup, Nawal, Wilfrid… J’ai fait votre connaissance le temps d’une nuit. Une rencontre issue de l’écriture de Wadji Mouawad .  Une journée s’est écoulée, et pourtant, je vous entends encore, je vous vois encore, je vis avec vous encore.

Douze heures. Il a suffi de douze heures de représentation dans le lieu magique de la cour d’honneur, pour être ému. C’est dans un élan naturel que je me suis levé pour vous applaudir au petit matin. La couverture, qui a recouvert mes jambes durant la représentation, est tombée à terre, comme ses corps torturés, en mal d’existence, chahutés par la remarquable écriture de son auteur.

Je vous ai scruté du regard de spectateur que je suis. En entrant dans l’enceinte du palais des papes, j’étais un, en ressortant, j’étais un autre. Oui, car l’écriture de Wadji Mouawad bouleverse, met en lumière la véritable nature humaine. Il s’agit d’un théâtre de l’humain, fait de chairs, de sentiments, d’amour.

L’année dernière, vous m’aviez fait exploser l’idée du cadre identitaire que je me représentais avec votre pièce « Seuls ». Aujourd’hui, vous m’avez  ouvert les yeux sur notre condition humaine et je vous en remercie.

C’est à l’unisson que le public vous a regardé, c’est à l’unisson que nous vous disons bravo.

Laurent Bourbousson.

 

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A l’Ecole d’Art d’Avignon, Wajdi Mouawad et les spectateurs : la Rencontre.

Retour sur la rencontre entre Wajdi Mouawad et le public le 11 juillet 2009, après la trilogie « Littoral, Incendies, Forêts » présentée au Palais des Papes en Avignon de 20h à 7h40 du matin !

15h13.  J’avais décidé d’être tôt sur les lieux. Quelques personnes déjà. Il est temps de m’asseoir. Le corpus du public ne va pas tarder.

15h20. La petite cour de l’École d’Art est aux trois quarts remplie. L’attente commence. Certains se restaurent ; beaucoup lisent « Voyage » (éditions POL – correspondance de W. Mouawad avec Hortense Archambault et Vincent Baudriller, directeurs du Festival d’Avignon) et même « Forêt ». Un, deux, trois, quatre…Pourquoi « Forêt » ? J’obtiendrai  peut-être la réponse d’ici peu.

15h25. J’écoute autour de moi. Rien n’est vraiment dit. Chacun se réserve. Une femme derrière moi  demande la date du jour. Oui, quel  jour sommes-nous ? Je ne le sais plus. Je ne vis qu’au rythme des heures du festival qui se succèdent. On nous prie de nous serrer sur les bancs. Nous sommes nombreux  venus  écouter la parole de l’auteur.

16h00. Wadji arrive. Simplement, comme invité à retrouver des amis pour partager un moment. Il s’assoit sur le côté, à la gauche du public. Le côté du coeur. Car nous sommes au coeur d’un public transcendé de ses mots. Il sourit.

Trois règles tiennent le jeu de l’échange :

1/ Partons des spectacles vus.

2/ Exprimons nos impressions, nos ressentis.

3/ Ne pas avoir peur du JE.

Les premières questions lèvent le silence. « Qu’est-ce que le triptyque vous a apporté ? »,  « Aimez-vous la peinture ? »,  « Ce bleu si Klein… », « J’ai été admiratif et chamboulé de l’aspect psychanalytique de chaque personnage », « est-ce que ce sont vos thèmes obsessionnels ? »

Et Wadji de nous dire qu’il y a trois semaines, à Chambéry, tout restait à être. Les acteurs des trois oeuvres  se rencontraient pour la première fois, il fallait articuler les pièces. « Littoral », « Forêt », « Incendie ». « Incendie », « Forêt », « Littoral » ? Quel ordre serait le plus juste pour un ton à donner dans la temporalité d’une nuit ? « Cela fait douze ans que je ne fais que ça. Je ne sais pas si j’ai appris quelque chose. C’est tellement moi. C’est tellement moi. Il y a deux mots importants : « Chagrin » et « Joie ». C’est ce que l’on voulait mettre en exergue pendant l’aventure en Avignon ».

Il avoue avoir tissé des liens imperceptibles pour le spectateur, tisser les toiles dans une immense fresque: quatorze hommes dans Incendie, quatorze femmes dans Littoral ; « c’est sûr » reprit par le notaire avec redondance, la chaise à trois pattes… Et le vent, oui le vent que l’on ne peut ignorer dans la mise en scène qui va glacer le spectateur tenace qui fut un, qui fut mille, ces nuits de représentations.

Oui, mais tout cela est une écriture. Il avoue ne pas réfléchir à ces thèmes. Il sait ce qu’il veut dire et transcrit spontanément les mots qui surgissent. « J’écris à la manière d’un enfant. Il faut que je sois le premier à être surpris. Si je le suis, le spectateur le sera. »

Se donner à penser. Pourquoi suis-je ? Pourquoi êtes-vous ? Et ces peuples, pourquoi formons-nous  des nations ? …

Wadji décrit l’ironie de son nom qui veut dire « La vie », celui qui est « La vie », patronyme écorché de tous, car sa famille se prénomme que de prénoms français. Il rit de la prémonition de celui qui est destiné à être, prédestiné à attraper le bonheur de vivre, comme on gagnerait le pompon au manège de la vie. Déterminé à assembler chaque instant pour défendre la femme, l’enfant, la destinée, l’amour, la famille, la haine. Un humaniste.

« Merci » vous a répondu à répétition  votre public qui vous a mangé, vécu et survécu dans la plus grande preuve d’amour, celle de vous avoir veillé une nuit jusqu’au petit jour ,sans envie de vous voir écrire le mot FIN.

Et j’ai quitté la conférence, convaincue d’avoir participé à un instant unique de votre théâtre, celui de la communication de votre raisonnement.

Diane Fonsegrive- www.festivalier.net

Photo: Dwayne Brow

 

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A Chaillot, la réévolution de Wajdi Mouawad.

Harwan se lève du lit, téléphone, se couche, puis écoute de la musique sur son ordinateur. Nous sommes invités dans la chambre d’un étudiant libanais au Canada, plus proche de la cellule que de la cabane. Il tente de finir sa thèse, mais il bute sur la conclusion. Prisonnier d’un savoir qui lui échappe, dépendant d’un directeur qui avance la date de sa soutenance suite au décès d’un étudiant (l’échafaud approche), loyal à l’égard d’un père qui mise tant sur lui, obéissant aux caprices de Robert Lepage (auteur de théâtre canadien, sujet de la thèse), le voilà pris dans un étau : réussir, mourir, changer.

L’acteur et metteur en scène Wajdi Mouawad joue «Seuls » pendant deux heures, en slip avec ses petits bourrelets, et fait exploser son art dans un chaos indescriptible. Ce soir, au Festival d’Avignon, nous assistons à la métamorphose d’un étudiant immigré libanais, d’un metteur en scène montréalais d’adoption, du théâtre français. Rien que ça.

Quoi de plus banal que la vie d’un thésard ou du moins ce que nous en savons ? Mais derrière les apparences, il y a dans le lien entre l’étudiant et la thèse (objet perdu de l’enfance?) un enchevêtrement de signifiants que Wajdi Mouawad restitue avec intelligence et beauté. La tension lors de la première heure est tangible entre Harwan prisonnier de ses loyautés et la vidéo qui le projette contre le mur (au sens propre comme au figuré). Plus souvent allongé que debout, la dynamite du changement se prépare et le public semble plus en arrière de la scène (tel un psychanalyste) que face. Effervescence d’autant plus palpable que la technologie rationaliste montre ses défaillances à l’image de ce téléphone, à terre, omniprésent, tel un cordon ombilical dont on perd le fil à force de s’y enrouler.

Comme les peintres de la Renaissance qui parcouraient l’Europe pour voir le monde autrement, notre étudiant se rend en Russie à la poursuite de Robert Lepage. Mais il déjà reparti aux États-Unis. Enfermé durant une nuit dans une des salles du Musée de l’Hermitage à Saint-Pétersbourg, tout bascule et nous ne l’entendrons plus. La scène se transforme en atelier du peintre, les murs deviennent des parois transparentes où comme l’homme des cavernes, Harwan redessine avec ses mains son identité, se réapproprie sa langue, se débarrasse de l’accessoire pour retrouver le sens en créant l’espace freudien de l’introspection. Pour renaître.
Le public est alors projetté dans l’impensable : Harwan déchire une reproduction du Retour du fils prodigue de Rembrandt, pour s’y engouffrer et réapparaître avec une nouvelle peau (son corps est immaculé de peinture). Il est « ?uvre d’art ». Encore la Renaissance…
À quelques mois d’intervales, le théâtre m’a inclut dans l’obscurité féroce de Pippo Delbono et dans la fresque lumineuse de Wajdi Mouawad. Ces deux artistes créent l’espace de l’imaginaire où le spectateur est propulsé dans un chaos qui sépare et répare.
Sublime.
« Seuls » de Wadji Mouawad est au pluriel.

Pascal Bély – Tadorne

 "Seuls" de Wajdi Mouawad a été joué au Théâtre d'Arles le 15 mars 2008 et au Festival d'Avignon du 19 au 22 juillet 2008.