Catégories
LES EXPOSITIONS

Le ?Sculpture Projects de Münster? : l’avenir est allemand.

Le ?Sculpture Projects de Münster?, manifestation décennale d'art contemporain, née en 1977, sème dans toute la ville des amateurs qui, plan en poche, cherchent l'Oeuvre comme si c'était celle de toute leur vie. Plus de soixante-dix artistes (dont trente pour cette année), reliés par l'histoire de ce territoire, nous offrent un périple qui vaut, à bien des égards, les voyages à l'autre bout de la planète. Cette ville, quasiment détruite au cours de la dernière guerre, retrouve une histoire par l'art contemporain: cette belle dialogique place le visiteur au coeur d'un processus d'introspection, où l'on pense le futur par le passé (et inversement), où l'on fait ressurgir, à l'image de Münster, des (nos) vestiges que les bâtiments modernes ou les quartiers reconstitués à l'identique ont enfouis.
sp07-wallinger-RO-w2p.jpgC'est ainsi que l'art rapproche les hommes sur ce territoire à l'image du fil de Mark Wallinger (cherchez bien sur la photo!) qui relie les édifices pour former un rond, une frontière quasi invisible entre réel et virtuel: elle délimite ce nouvel espace, prêt à contenir ce processus émergant. Où que vous soyez, vous êtes au centre du monde, comme la gare de Perpignan de Salvador Dali! Et quand au hasard d'une virée en bicyclette, j'aperçois le fil tendu entre deux arbres par un étrange jeu de lumière avec le soleil, je m'étonne d'être heureux, d'avoir repéré la frontière entre un processus et un autre!

 
sp07-nauman-MP-0706160115p.jpg

Il est d'autres découvertes tout aussi exceptionnelles comme les pierres posées par Gustav Mettzger. Par deux, quatre, voir plus, elles sont contre un mur, une devanture d'une pharmacie, au pied d'un banc public. Elles sont ces pierres qui formaient les gravats des bombardements. Elles sont redevenues des édifices, elles n'existent que par le regard que nous portons sur elles: comme autant de repères dans la ville, elles la redessinent comme un calque sur une feuille de papier dont nous serions l'urbaniste.
Ces pierres, amassées en nous, se transforment en clocher d'église: l'oeuvre de Guillaume Bijl surgit de terre est sidérante de beauté où penchés sur notre passé et celui de Münster, on se surprend à vouloir sauter pour continuer à creuser, ce qu'à oser faire Bruce Nauman, avec sa pyramide inversée, dans le quartier des Universités des sciences. Ce ?square dépression?, au coeur de la terre, vous plonge dans le paradoxe le plus total: pour la gravir, il faut descendre; pour la contempler de haut, on doit se coucher; pour la parcourir transversalement, nous devons la monter verticalement! Sublime moment suspendu au milieu des cohortes d'étudiants chercheurs qui passent là sans nous voir…

Toujours sous terre, la Française Valérie Jouve nous convie dans un passage piéton, sous un boulevard, transformé en salle de projection ouverte aux quatre vents: cet hiver, caméra vidéo sur l'épaule, elle a suivi quatre personnages. Sans paroles, le film hypnotise par l'ambiance qu'il dégage comme si chacun, dans sa solitude, était une partie de la ville. Ici aussi, la frontière entre l'art et Münster est si mince qu'un des protagonistes était près de moi, puisqu'il semble avoir élu domicile dans ce passage. Troublant.
Cette terre de Münster est au coeur du projet de Jeremy Deller. Sur un terrain qui regroupe des jardins familiaux (imposants par leur beauté où tout n'est qu'ordre et couleurs), il notera sur des cahiers pendant dix années tous les événements qui vont s'y dérouler. Ce n'est qu'en 2017 qu'il présentera son oeuvre dont il ignore encore aujourd’hui la teneur. À Münster, l'art émerge dans l'incertitude, et la graine que les visiteurs peuvent planter chez eux accompagnera à distance l'artiste dans ce processus.
Et puisque l'art se découvre en marchant, rien d'étonnant à ce qu'il vous surprenne même sous un pont (the Torminbridge) par temps pluvieux. Susan Philipsz, y a installé des enceintes de chaque côté des berges. Une chanson douce et entêtante se diffuse alors (avec des magnifiques effets d'échos) et le pont devient sculpture, comme un bâtiment immergé dans l'eau à l'horizontale. La pluie amplifie la beauté du dispositif en soulignant ses contrastes. Je reste médusé, vélo à la main avec une envie de plonger pour rejoindre l'autre rive.


Pascal Bély
www.festivalier.net

??????  ?Sculpture Projects de Muenster? a lieu jusqu’au 30 septembre 2007.

Catégories
LES EXPOSITIONS

Au Carré d’Art de Nîmes, le Sud se cherche.

Un lecteur fidèle (Octave) nous fait parvenir son regard sur une exposition d’Art Contemporain.

Il est toujours difficile de situer l’intérêt d’expositions accumulatives comme celle-ci avec plus de trente artistes dans l’espace réservé la plupart du temps à des propositions monographiques. Un peu comme aux puces, il faut piocher. Je n’ai ressenti aucune unité, aucune direction, juste la vision d’un éclatement dans tous les sens, de recherches tous azimuts.

J’y suis allé le dimanche 15 juillet: trois pièces video ne fonctionnaient pas! Cinq artistes m’ont particulièrement touché.
nimes-2.JPGDe Lara Favaretto.
Dans un espace plein, que l’on regarde sans y pénétrer, de nombreuses bouteilles d’air comprimé se déclenchent de temps à autre avec un bruit très spécifique… dans le but de faire se déplier une langue de belle-mère, sauf que certaines, sans doute usées et percées ne se déplient plus. Toute cette installation pour presque rien, ou même pour rien, c’est assez fascinant. Plein d’humour mais en même temps pas rassurant, vu la puissance mise en place.

n--mes.JPGDe Paola Pivi (la photo de l’affiche)
A l’heure du faux avec le numérique, elle décide de faire du vrai invraissemblable en transportant deux zèbres dans un décor de montagne enneigé. Le résultat, trois photos dont on reste distant, il en faudrait bien plus pour qu’une image nous interpelle. C’est en lisant la phrase dans le dépliant habituel du Carré (une feuille de 60cm sur 40cm, que j’ai pour une fois gardé sous les yeux pendant toute l’expo, plutôt encombrant) que l’action m’a parue extraordinaire et insignifiante. Amener deux zèbres à la montagne, se coltiner deux gros réels alors que photoshop aurait permis le même résultat sans aucun réel. Intéressant sauf pour les photos au mur, mais y a-t-il un autre moyen de rendre compte de cela ?

nimes1.JPGGiuseppe Gabellone.
Il réalise à partir d’une estampe japonaise (on se demande pourquoi) un bas-relief magnifique… en mousse de polyuréthane.
Une autre pièce de Gabellone, sous forme de photo-témoin montre un meuble-décor (?!) construit-imbriqué avec les objets présents (voiture, bidon) sur le bord d’un trottoir. Objet non-identifié… sculpture, photo, in situ, faux décor, matière envahissante ?

 

Joâo Onofre.
Une video projetée sur un mur dans un espace semi fermé dont on entend le son alentour. Un choeur classique interprète une partition, arrangement du groupe allemand Kraftwerk.
Ce qui donne une polyphonie mécanique, une interprétation minutieuse avec un rythme enlevé d’un bruit de machine, répétitif. Quand la machine devient humaine, l’effet est magique. J’ai adoré !

Jon Mikel Euba.
Quelques jeunes en jean et tee-shirt, dans un terrain vague, à proximité d’une ville, se filment avec une caméra non-numérique avec un objectif très sale. Une fille se laisse manipuler par deux garçons (alors qu’un autre groupe semble faire de même un peu plus loin), ils lui font prendre diverses positions, sans parler, en lui prenant les membres, les hanches, la tête, etc… pour la laisser dans des positions que j’ai cru de sculptures classiques (qui sont, en fait, des attitudes de stars du rock). Ils attendent quelques secondes avant de reprendre leur action en changeant l’attitude du corps du modèle. Celui-ci se laisse faire avec plaisir. La caméra cadre mal la scène, en plus d’être sale, elle coupe souvent les têtes, se retrouve dans un contre-jour sans qualité, paraît se demander ce qu’il faut vraiment filmer. Le son réel de la scène (c’est-à-dire des sons de rien, de pas, de vent) est présent mais est parfois coupé, on ne sait trop pourquoi.
Effet troublant que ce groupe, là, concentré sur une activité plus ou moins claire, et l’image qui en est donnée pas claire non plus, ces corps qui se touchent, activité qui devient sensuelle, à l’image du peintre et son modèle (passif), ou plutôt du sculpteur, ce jeu sans langage.
Je restais là, à les regarder, comme faisant quelque chose d’important, en y prenant moi-même du plaisir.
Finalement, dans ce que j’ai noté, une unité se retrouve, c’est l’inutilité apparente du “faire”, la vacuité, mais le “faire” malgré tout. Le pourquoi peut venir après.

Octave
www.festivalier.net

Où ? Scènes du Sud : Espagne, Italie, Portugal Carré d’Art – Nîmes – Du 23 mai  au 23 septembre 2007.

Crédits photos:

 

(Affiche de l’exposition) PAOLA PIVI, Sans titre (zebre), 2003 Courtesy Galleria Massimo De Carlo, Milano

GIUSEPPE GABELLONE Senza titolo, 1997 Collection FRAC Limousin, Limoges

LARA FAVARETTO Plotone, 2005 Courtesy Galleria Franco Noero, Tor


Catégories
LES EXPOSITIONS

Eric Boudet photographie la danse de l’humanité.

Eric Boudet chorégraphie la photo de danse. Au fil de ses prises de vues, cette affirmation ne se dément pas : l'exposition « Danseurs noirs contemporains » impulse un regard circulaire entre le sens et nos sens. Loin de se centrer sur une partie, il nous aide à percevoir le tout au gré de nos résonances, de notre mémoire de spectateur, de notre sentiment d'appartenance à « la terre patrie ». Plutôt que de cliver les couleurs, Éric Boudet les différencie pour mieux les relier. C'est un photographe de l'alliage. Avec lui, le blanc et le noir n'ont plus la même fonction : l'un recentre dans le cadre tel un aimant tandis que l'autre donne la force de l'envol.
Cette proposition audacieuse autorise les alchimies entre modernité et tradition, individuel et collectif, liberté et oppression, verticalité et horizontalité, corps noir et regard blanc. Éric Boudet capte tout autant le propos du chorégraphe, que le regard du spectateur : il nous les restitue comme un patrimoine de l'humanité.

A voir à Caen, du 6 au 9 décembre 2006 au Centre national chorégraphique dans le cadre du festival “Danse d’ailleurs” dédié cette année à la danse contemporaine africaine.
A voir à Paris, dans le cadre du Festival « Faits d'Hiver »
au Théâtre Artistic Athévains du 10 janvier au 8 février.

Le site d’Eric Boudet, à voir absolument!
L’article du Tadorne en mars 2006.

Pour réagir, cliquez sur “
ajouter un commentaire“. Une
fenêtre s’ouvre alors. Tapez votre texte puis recopiez les trois lettres qui vous sont proposées dans la petite case. A bientôt de vous lire.
Pour revenir à la page d’accueil, cliquez ici.

 
Catégories
LES EXPOSITIONS

Aux Rencontres Photographiques d’’Arles, la France rêvée?

 
 
 
 
 

Dernière partie de mon immersion dans les Rencontres Photographiques d'Arles. Pour être exact, c'est une plongée dans des univers où la photo transcende, ouvre la voie vers une autre réalité.
Allessandra Sanguinetti avec «
Les aventures de Guille et Belinda et l'énigmatique sens de leurs rêves » m'a littéralement happé. Submergé par l'émotion, j'ai retrouvé le milieu ouvrier dans lequel j'ai grandi et les mondes imaginaires que je me construisais. Mais aucun photographe n'était là pour immortaliser mes rêves ! Guille et Belinda sont deux cousines de dix et neuf ans, dont les parents possèdent des terres agricoles près de Buenos Aires. En pénétrant leurs espaces fantasmagoriques, Allessandra Sanguinetti nous offre des photographies de toute beauté : entre la fin de l'enfance et le début de l'adolescence, elle arrive à capter l'insondable (cette part de rêve si secrète). Les corps de transforment et flottent pour se mouvoir dans un environnement solidaire. Elles nous proposent une vision métaphorique de notre monde avec humour et gravité, loin des clichés habituels (« la vérité sort de la bouche des enfants » !). Allessandra Sanguinetti a obtenue le « Prix Découverte » des Rencontres. Largement mérité.

Deuxième choc. Gilles Leimdorfer avec « Que reste-t-il? ? » nous présente une série de photographies prises le long de la mythique Nationale 7. C'est une France dont on ne parle jamais : celle défigurée par les zones commerciales, le béton et les ronds – points (La Côte d'Azur…beurk). Mais aussi, cette France qui a peur, qui a porté Jean-Marie Le Pen au second tour : «?j'ai souvent fait peur. Avec mon Leica autour du cou, on m'a pris pour un flic, un pédophile, un serial killer, rarement pour un photographe ». Malgré tout, Gilles Leimdorfer a su capter une France rurale poétique où les Français cherchent cette part de rêve que les médias vendent à longueur d'émissions. Retenez son nom : c'est un grand photographe qui nous ouvre les yeux sur ce que nous ne voyons plus.

Raphaël Dallaporta et Ondine Millot avec « Esclavage domestique » ont pris le parti artistique de photographier en France des immeubles et des maisons, où ont séjourné des personnes réduites à la fonction d'esclave. À côté de chaque photo, un long texte présente la situation. Cette installation me positionne en dehors alors que cela se passe à côté de chez moi. La photo est prisonnière du texte alors qu'elle aurait pu s'en libérer. La photo ne transcende rien : elle reproduit les processus qu'elle dénonce. Rageant.

Troisième sidération. Vincent Debane avec « Station ». C'est un photomontage réalisé en deux temps : Il photographie des Franciliens en attente de leur train en gare Saint Lazare. Puis, il associe des paysages suburbains. Ce changement de contexte confère alors à la position d'attente, des airs de prière, de sidération, de révélation. C'est une autre vision de la France : celle d'habitants en quête d'une parole venue d'en haut dans un environnement triste, défiguré par le béton et les tours. Je ressens ces photos comme sans issue si nous continuons à regarder dans cette direction. C'est un puissant message à la veille d'une échéance politique majeure.

Mais est-ce cette France dont rêvent les candidats à l'exil ? Olivier Jobard avec « The Hard Way, The only Way » nous propose le carnet de route d'un immigrant clandestin à partir de photos et d'une installation audiovisuelle qui nous permet d'entendre Kingsley commentant son arrivée en France. Je suis sidéré du décalage qu'il y a entre cette France si peu accueillante et l'énergie de ces clandestins pour rejoindre notre pays. C'est presque incompréhensible. Que sommes-nous devenus ?

A lire sur le même sujet:
Aux Rencontres Photographiques d'Arles, l'Art est médiateur
.

Aux Rencontres Photographiques d’Arles, l’histoire positionne.

Pour réagir, cliquez ci-dessous sur “ajouter un commentaire“. Une fenêtre s’ouvre alors. Tapez votre texte puis recopiez les trois lettres qui vous sont proposées dans la petite case. A bientôt de vous lire.
Pour revenir à la page d’accueil, cliquez ici.

Catégories
LES EXPOSITIONS

Aux Rencontres Photographiques d’Arles, l’histoire positionne.

La première partie de la journée passée en Arles lors des Rencontres Photographiques restera dans nos mémoires grâce au magnifique travail de Béatrice Helg. L'après-midi nous réserve d'autres moments tout aussi saisissants? Nous partons pour la Banque de France ! Cette vénérable institution a eu l'excellente idée de prêter un appartement de fonction (vide) pour la circonstance. En entrant, le choc ! Les pièces sont vides, comme abandonnées. La photographe Sophie Ristelhueber avec « Eleven Blowups » a collé sur les murs des clichés de guerre pris au Liban, en Irak, en Syrie, au Turkménistan. À partir de montages, elle nous offre des vues de trous d'obus dans le tarmac, dans la terre, comme des tombeaux ouverts?Je suis troublé d'être à la fois dans cet appartement et de recevoir ces clichés si loin de moi. Je suis dans une posture du dedans ? dehors. Saisissant.
Cette posture est au centre du travail de Susan Meiselas avec «Recadrer l'histoire» présenté aux anciens ateliers d'entretien de la SNCF. Elle a pris des photos au Nicaragua en 1978 lors de l'insurrection populaire contre le dictateur Somaza. En 2004, elle réalisa des agrandissements de dix-neuf clichés et partit les installer près des lieux où elle les avait pris. Une caméra est là pour filmer la réaction des passants qui sont à la fois dans l'histoire et hors d'elle. La parole des habitants sert de bande-son. C'est magnifique parce que le travail de l'artiste est remis en mouvement : l'histoire n'est pas figée comme elle le serait dans un livre, mais elle s'inscrit dans un processus continu. Là où le film n'apportait rien avec Sarah Moon dans son installation à la Chapelle Saint-Martin du Méjan, ici, il permet aux photos de Susan Meiselas de s'inscrire dans un autre contexte en leur donnant une fonction quasi thérapeutique : l'installation libère les regards, la parole et fait bouger les corps. Susan Meiselas redonne aux habitants une partie de leur histoire. Beau travail.
Justement, David Golblatt, photographe sud-africain est là pour nous rappeler que l'apartheid fait partie de notre histoire. À l'Église Sainte-Anne, ses photos d'hier et d'aujourd'hui de l'Afrique du Sud sont troublantes : que savais-je finalement de l'apartheid ? La force de cette exposition est de m'éclairer sur ce processus d'exclusion qui s'est mis en ?uvre patiemment au cours des années. Plus j'avance en parcourant les murs de l'église, plus les photos se clivent inéluctablement entre le noir et le blanc. Mais au centre, une pièce fortement lumineuse nous permet de découvrir l'Afrique du Sud d'aujourd'hui : hommage aux fonctionnaires communaux noirs, villes en reconstruction, mais un autre apartheid émerge, beaucoup plus souterrain. David Golblatt semble nous alerter que cliver une société est un processus lui aussi mondialisé.
Quelques photographes français se penchent sur l'histoire contemporaine de notre pays. Julien Chapsal avec« Harkis à vie ? » propose une série de portrait d'harkis accompagnés d'une bande-son au ton revendicatif. J'ai du mal à m'arrêter comme si cette interpellation me culpabilisait. Les paroles individualisées donnent à cette exposition un aspect communautaire qui isole. Julien Chapsal n'ouvre pas, mais enferme ces paroles dans un jeu sans fin qui alimente le projet politique communautariste de l’UMP.
Raphaël Dallaporta et Ondine Millot avec « Esclavage domestique » ont pris le parti artistique de photographier en France des immeubles et des maisons, où ont séjourné des personnes réduites à la fonction d'esclave. À côté de chaque photo, un long texte présente la situation. Cette installation me positionne en dehors alors que cela se passe à côté de chez moi. La photo est prisonnière du texte alors qu'elle aurait pu s'en libérer. La photo ne transcende rien : elle reproduit les processus qu'elle dénonce. Rageant.

A lire sur le même sujet: Aux Rencontres Photographiques d'Arles, l'Art est médiateur.
Pour réagir, cliquez ci-dessous sur “
ajouter un commentaire“. Une fenêtre s’ouvre alors. Tapez votre texte puis recopiez les trois lettres qui vous sont proposées dans la petite case. A bientôt de vous lire.
Pour revenir à la page d’accueil,
cliquez ici.

Catégories
LES EXPOSITIONS

Aux Rencontres Photographiques d’Arles, l’Art est médiateur.

 

Les Rencontres Photographiques d'Arles sont une excellente occasion pour recréer le lien avec les amis alors que la longue période des festivals vous a éloignée. J'aime flâner avec eux dans cette ville et entrer dans les lieux d'exposition pour ressentir cette relation intime avec les photographes. Le commissaire invité cette année est Raymond Depardon et cela se voit : jamais peut-être ces Rencontres n'auront affiché un tel éclectisme, une réelle volonté de montrer l'art photographique sous tous les angles?
J'ai passé deux journées en Arles. La première est chaotique. En effet, voir l'exposition « la photographie américaine à travers les collections françaises » avec deux enfants en bas âge relève de l'exploit?Partagé entre les photos et le film d'animation joué en direct par Jeanne et Anatole, j'en perds mon sens critique?. Et pourtant, je ressens ce New York des années quarante photographié par Helen Levitt, l'errance américaine de Robert Franck, la pureté des images d'Edward Weston. Les enfants n'ont pas leur place dans ce lieu. Ils sont les victimes de la toute-puissance des parents. Ils le font savoir et l'art ne médiatise rien.
La deuxième journée est beaucoup plus studieuse. Je suis accompagné d'une collègue de travail. Nous entretenons une relation professionnelle intense et nous apprenons à nous connaître petit à petit à partir de nos histoires personnelles?chaotiques. Je n'ai jamais vécu un moment culturel avec elle. Cette journée est l'occasion de faire connaissance plus profondément: l'art est toujours une médiation?
Nous commençons par l'exposition « La photographie publicitaire en France » présentée au Musée de l'Art Antique. C'est une excellente entrée en matière, comme un échauffement avant d'autres propositions plus conceptuelles. Ici, la forme prime souvent sur le fond et nous prenons plaisir à nous remémorer les images publicitaires de notre jeunesse. Le passé nous relie, mais risque de nous enfermer (« c'était mieux avant ! »). Il est tant de quitter ce lieu d'antiquités pour passer à un autre niveau, faire évoluer le regard et?notre relation !

Le premier étage de La Chapelle Saint-Martin du Méjan accueille la photographe Sarah Moon pour « Le fil rouge » d'après trois contes d'Andersen et un de Charles Perrault. « Elle a mis au point une technique particulière qui mixte des photographies qu'elle a faites au hasard des séries qu'elle a réalisées pour la presse ou des séquences spécialement faites pour l'occasion ». Un fil rouge (message à la chanteuse Camille?) relie les photos commentées chacune par un texte. Nous prenons plaisir à voyager dans l'univers du conte dans ce lieu magnifique. Une petite salle de cinéma est installée au fond de la pièce. Sarah Moon, passée derrière la caméra, nous propose le film de ce fil rouge. Le support change, mais n'apporte rien. Nous perdons le charme du conte sans qu'autre chose nous soit proposé. Sarah Moon semble se concentrer sur un procédé esthétique sans qu'il y ait une réflexion sur le sens du support (pour quoi un film ?).
Au rez-de-chaussée, Béatrice Helg avec « À la lumière de l'ombre» provoque un choc. Chacun de notre côté, nous parcourons cette exposition avec bonheur. Est-ce de la photo ? De la peinture sur du cuivre ? De l'art abstrait ? Elle fait sauter les cloisons et les barrières entre les arts. Je me sens en apesanteur, la rouille est peinture, le tissu est métaphore de mes rêves. L'aménagement du lieu est exceptionnel, comme s'il était conçu pour elle : la photo est elle-même encadrée par l'architecture de la salle. Jouissif.

En poursuivant, Paolo Ventura nous propose « Scènes de guerre ». Âgé de 38 ans, il a grandi avec les souvenirs de la guerre 39-45 en Italie. Avec du carton-pâte, il a reconstitué des scènes de guerre. Avec un tel dispositif, Paolo Ventura semble photographier ses représentations de la vie et de mort en temps de conflit. Cette mise à distance nous oblige à voir autrement la guerre : les photos ne sont plus seulement des clichés historiques, mais une vision médiatisée de la guerre entre son inconscient et ma conscience. C'est émouvant et beau.
La dernière exposition (de couloir en couloir, nous quittons la chapelle pour nous trouver dans les pièces d'une maison !), « Paradiso » de Lorenzo Castore, est un voyage à Cuba loin des stéréotypes véhiculés par les médias et les dépliants touristiques. Nous faisons des va-et-vient dans la salle : par un effet technique troublant, le changement de positionnement modifie notre perception des photos. Cuba devient si proche, si loin, que l'on aimerait en savoir davantage. Nous sommes alors guidés vers la terrasse ombragée d'un restaurant face aux Éditions Actes Sud.

La pause déjeuner s'impose et d'histoires en anecdotes, nous revenons toujours à Béatrice Helg pour nous éblouir. Nous sommes apaisés, heureux d'être ensemble. Pendant ce temps, deux enfants jouent derrière nous en se tirant les cheveux…

Ps : Suite prochainement avec les compagnons de route invités par Raymond Depardon.

Pour réagir, cliquez ci-dessous sur “ajouter un commentaire“. Une fenêtre s’ouvre alors. Tapez votre texte puis recopiez les trois lettres qui vous sont proposées dans la petite case. A bientôt de vous lire.
Pour revenir à la page d’accueil, cliquez ici.

Catégories
LES EXPOSITIONS

Cézanne en Provence, Cézanne en business.

Comme beaucoup d’Aixois, j’attendais depuis longtemps cet événement : « Cézanne en Provence » au Musée Granet. Pour éviter une foule prévisible, j’avais réservé en nocturne à partir de 21h. Le contexte autour de cet exposition est loin d’être léger. Le concert de musique classique prévu au pied de la Sainte Victoire le 5 juillet en hommage à Cézanne affiche complet alors que les places pour les Aixois sont réduites à la portion congrue. La colère dans la population est perceptible, reprise par l’opposition municipale qui n’en attendait pas tant pour décrier la gestion pour le moins hasardeuse de cette manifestation. Les premiers jours de l’exposition furent chaotiques (absence de signalisation dans les salles, visiteurs perdus, manque de matériel audio, …). Pour ma part, j’ai eu quelques difficultés avec le site internet de « Cézanne 2006 » (allez-y faire un tour, c’est un labyrinthe sans nom et sans visibilité). Un mail envoyé à la responsable de la communication n’a pas suffi pour y voir plus clair. Sa réponse m’a néanmoins interpellé sur son niveau de compétences (« je ne suis pas là pour faire plaisir à tout le monde » m’écrit-elle alors que je m’étonne de la difficulté à naviguer sur le site. Il me semble pourtant que son métier, est justement de faire plaisir !).
J’arrive donc au musée Granet où pléthore de personnel nous attend. La culture créée donc des emplois dans le Pays d’Aix. Je m’étonne toutefois de la tenue vestimentaire des salariés vacataires. Elle  tranche avec la portée internationale de l’évènement. Si la tenancière de la ville est loin d’être un modèle d’élégance, je suis surpris de retrouver dans un musée des habits d’un si mauvais goût (jupe courte, ceinture dorée sur les fesses, tongues, tee-shirt moulant,…). Je n’ose évoquer le comportement pour le moins troublant de certains gardiens dans les salles à l’égard des femmes et d’un groupe d’Américaines en particulier. Bref, sans vouloir passer pour un ringard, je pense que Cézanne et le Musée Granet méritent des professionnels de l’accueil. Cela dit, les Aixois n’ont jamais reconnu ce peintre de génie. Un siècle plus tard, rien n’a vraiment changé tant les conditions de visite de l’exposition sont exécrables ! Les groupes se succèdent à un rythme qui faiblit seulement vers 22h. Il fait chaud, le parquet sous les pas des visiteurs fait un bruit insupportable. Ces derniers n’hésitent d’ailleurs pas à téléphoner avec leur portable.
Que dire du choix de réduire Cézanne à la Provence ? Il est sûrement justifié par le désir de faire un joli coup marketing ; l’affluence des visiteurs le confirme. Au sein même du thème, les commissaires de l’exposition ont encore réduit en créant une salle dédiée à La Sainte Victoire ! Toutes ces cases provoquent une lourdeur que seule la salle dédiée aux aquarelles sauve.

Cézanne n’est pas respecté. Le public encore moins. Le tout donne une image peu glorieuse d’Aix en Provence et de la culture en Région. Nul doute que les chiffres de fréquentation battront des records. Je ne suis pas sûr que « Cézanne en Provence » soit un modèle d’exception culturelle à la française. Tout juste un excellent mariage entre la culture Dysney et l’absence de projet politique culturel global.


Pour réagir, cliquez ci-dessous sur "ajouter un commentaire". Une fenêtre s’ouvre alors. Tapez votre texte puis recopiez les trois lettres qui vous sont proposées dans la petite case. A bientôt de vous lire.

Pour revenir à la page d’accueil, cliquez ici.

 

Catégories
LES EXPOSITIONS

Trois expositions à Paris : « L’’amour a triomphé de la force ! »

Les visites d'amis sont l'occasion de revisiter Paris et de découvrir les expositions du moment.
J'ai donc vu, en trois jours, “La force de l'Art” au Grand Palais, les photographies de Willy Ronis à l'Hôtel de Ville et « L'amour comment ça va? » à la Maison de la Villette.

L'exposition du grand Palais résulte de la volonté de Dominique de Villepin de réaliser des panoramas réguliers de la création contemporaine française. A la différence de “L'Enfance de l'Art“, une récente exposition de la Fondation Cartier, le but n'est pas de montrer la jeune création contemporaine, mais des artistes confirmés, comme Fabrice Hybert, Bernard Frize, Alain Séchas ou Giuseppe Penone (oui ces derniers ne sont pas français, mais le commissariat de l'expo a considéré que le fait de vivre en France était suffisant pour pouvoir faire partie de « la force » : contradiction ou cohérence avec les lois Sarkozy sur l'immigration ?)
Nous déambulons et découvrons pêle-mêle des ?uvres intéressantes, mais sans qu'aucune émotion ne parvienne à me gagner. Le travail des artistes souffre d'un agencement scénographique mal conçu. Précisément, malgré le souhait apparent d'opérer des regroupements thématiques, je ne retrouve pas de cohérence, pas de ligne directrice entre les ?uvres exposées. Pire, la serre géante que constitue le Grand Palais, pénalise bon nombre de créations placées sous verre ou des vidéos que la luminosité empêche de distinguer. Avec un petit groupe, nous abandonnons ainsi l'idée de voir le travail de Michel Gondry. En dépit de la beauté du lieu, j'abandonne également l'idée d'être touchée par quoi que ce soit et je parcours le reste de l'expo comme les rayons d'une jolie boutique trop chère pour moi. Autrement dit, pas accessible.
Le lendemain, devant les photographies de Willy Ronis, j'ai les larmes aux yeux. Le regard porté sur les parisiens est si touchant que l'on comprend pourquoi son ?uvre a été associée à la « photographie humaniste ». Nous hésitons à enchaîner sur l'expo Paris au cinéma, mais Willy Ronis m'a déjà rasséréné, je n'ai plus de place pour accueillir autre chose, je veux rester encore un peu dans son univers bienveillant.



Dernier jour. Mus par la volonté de comprendre, nous décidons de nous rendre à la Villette pour « L'amour, comment ça va? ». Un sympathique médiateur de l'exposition nous indique dès l'entrée que les ?uvres que nous allons voir ne traitent pas de l'amour. Ah bon ? Non, elles traitent de ce qui fait souvent obstacle à l'épanouissement de l'amour. C'est-à-dire de la précarité, du handicap, de l'intolérance. La précarité sociale qui nuit à l'amour, mais oui ! Ça me fait penser au documentaire “Ils ne mourraient pas tous mais tous étaient frappés” ! Le médiateur se plaint que je ne sois pas attentive. Je lui pardonne, il est sympathique. A la différence de “La force de l'art“, les regroupements thématiques sont ici intelligibles et pertinents. Photographies, installations, vidéos, se mêlent à des extraits de films : “La lectrice” de Michel Deville, “Tout sur ma mère” de Pedro Almodovàr ou “Les Virtuoses” de Mark Herman. Les choix sont à la fois audacieux et didactiques. Nous partons trop vite.
Alors, “L'amour comment ça va?“.
Réponse : c'est la galère mais au moins on est vivant.

Pour réagir, cliquez ci-dessous sur “ajouter un commentaire”. Une fenêtre s’ouvre alors. Tapez votre texte puis recopiez les trois lettres qui vous sont proposées dans la petite case. A bientôt de vous lire.

 

Pour revenir à la page d’accueil, cliquez ici.

Catégories
LES EXPOSITIONS

Yang Fudong au KustenFestivalDesArts, un doux rêve pas forcément amer.

Yang Fudong, c’est comme Camille : c’est doux, on s’y installe.
Débuter le KunstenFestivalDesArts à Bruxelles avec cette installation vidéo est une étrange entrée en matière. Le sac gonflé de tickets pour les trois semaines de représentations à venir, on pénètre seul au Markten. Loin de la foule « Platelienne », on cherche entre deux étages l’une des installations vidéo de Yang Fudong, puis on s’y allonge. Je vous le dis, Fudong, c’est comme Camille, c’est doux et on s’y installe.
Le Tadorne s’endort au milieu d’une dizaine d’écrans qui projettent « The revival of the snake ». Les couleurs sont ternes, les sonorités lointaines. Un jeune chinois passe et repasse dans le rêve du Tadorne…sur un cheval blanc, les yeux bandés, les lèvres desséchées par la faim et la soif. Sa fuite se transforme en quête, une quête pour la survie, la quête d’un au-delà au paysage anonyme que Yang Fudong lui fait traverser. L’artiste chinois nous plonge dans un rêve et fait de «the Revival of the snake » une métaphore de l’espoir. Le malaise qui se dégage des premiers écrans cède la place à d’autres séquences, projetées quelques mètres plus loin, dans lesquelles le protagoniste commence à apprivoiser son environnement. Il creuse la glace, on le voit en gros plan près d’un feu de camp, jusqu’à ce soleil tamisé qui s’insinue dans le paysage froid de Yang Fudong. Plus loin encore, celui que l’on découvrait captif quelques instants plus tôt se dresse sur un arbre pour y scruter l’horizon, prémisse du monde libre.
Pour Yang Fudong, « quand tu mets ton cœur dans ton film, tu trouves des éléments qui provoquent l’esprit et le cœur, appelés flashs ou inspirations. Si tu essayes de les faire sortir consciemment, ils trouvent leur propre chemin dans ton film ». Pris dans ce rêve de liberté au goût doux-amer, on serait tenté de dire que « The revival of the snake », c’est un peu notre « ça qui nous chatouille ». Notre ça ou celui de Yang Fudong ?

P.C

Pour réagir, cliquez ci-dessous sur "ajouter un commentaire". Une fenêtre s’ouvre alors. Tapez votre texte puis recopiez les trois lettres qui vous sont proposées dans la petite case. A bientôt de vous lire.

Pour revenir à la page d’accueil, cliquez ici.

 

Catégories
LES EXPOSITIONS

Eric Boudet, chorégraphie les belles images de danse.

 

Il m'arrive d'observer les photographes de danse au cours des spectacles. Je suis parfois près d'eux, quelques sièges nous séparent. Le bruit de leur appareil rythme le spectacle et m'intrigue.
Depuis l'ouverture de mon blog, publier une photo est un exercice délicat. Issues pour la plupart des sites des festivals ou des compagnies, elles sont choisies à partir de critères techniques (capacité à s’intégrer dans le format d’un blog!).
Et puis, au hasard d'un voyage sur le site « Belles images de danse », je découvre les oeuvres d'Eric Boudet. Photographe entre autre sur le feu « Danse à Aix », je reconnais certains spectacles et les sensations de l'été dernier refont surface, à l'image d'un album de photos de vacances que l'on aurait oublié au fond d'un tiroir. Les photos d'Eric Boudet sont à elles seules un ?uvre chorégraphique : les contrastes provoquent le mouvement, les danseurs s'envolent comme suspendus dans le temps et l'espace, conférant aux images une fragilité troublante.
Eric Boudet joue sur les asymétries pour mieux capter le lien entre les danseurs. Les éléments du décor ne sont jamais en arrière plan mais intégrés dans le propos du chorégraphe. Ainsi, les grilles du Parc Jourdan d'Aix en Provence se transforment en barreaux de prison où le beau danseur Bienvenue Bazié tente d'échapper. Il se dégage des photos d'Eric Boudet une émotion, un lien, comme s'il photographiait simultanément le chorégraphe et le danseur.
Cet artiste met en mouvement nos images de spectateur. Eric Boudet est un chorégraphe de notre mémoire. Inoubliable.

A voir:
Le beau site d’Eric Boudet.
– Un article sur l’exposition “Danseurs noirs contemporains”.


Pour réagir, cliquez ci-dessous sur “ajouter un commentaire”. Une fenêtre s’ouvre alors. Tapez votre texte puis recopiez les trois lettres qui vous sont proposées dans la petite case. A bientôt de vous lire.

Pour revenir à la page d’accueil, cliquez ici.