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EN COURS DE REFORMATAGE

Anne Lopez, une chorégraphe qui nous veut du bien.

Depuis 2005, Le Tadorne aime suivre certains artistes qui l'ont aidé à explorer des voies sinueuses, complexes, mais toujours respectueuses. Citons Michel Kelemenis, Christian Ubl, Gilles Jobin, Philippe Lafeuille, « La Vouivre », Robin Decourcy, Mathilde Monnier, Bouchra Ouizgen, Nacera Belaza, Christophe Haleb, Rita Cioffi, Maguy Marin?C'est une relation de confiance que nous avons avec ces artistes même si nos chemins (peu linéaires) divergent parfois. Pour la plupart, ce sont des chorégraphes comme si leur cheminement était bien plus visible que les gens de théâtre ! Il en est ainsi avec Anne Lopez où ces dernières propositions “Idiots mais rusés et “La Menace“, ont été chroniquées sur le blog. À l’aube de son nouvel opus, “Duel“, Laurent Bourbousson (contributeur pour le Tadorne) a pris rendez-vous pour une rencontre au Centre Chorégraphique National de Montpellier où elle s’installe avec ses “Gens du Quai” (nom de sa compagnie) pour l’ultime étape de création. Compte-rendu.

12h30. Studio Bagouet. Anne Lopez, derrière la régie en salle, observe, scrute les cinq danseurs sur le plateau. Elle m'accueille chaleureusement. Elle vient de modifier deux tableaux. Tout est à refaire. Tous cherchent de nouvelles pistes. Délicat et douloureux moment de création. Si fragile, si précaire qu’il faut être vigilant pour ne pas tomber dans la facilité. Je reconnais François Lopez, Jean Philippe Derail, Hichem Belhaj, et je fais la connaissance de Gaspard Guilbert puis de Florent Hamon.

Autant briser la glace tout de suite. Je lui parle de l’accueil retissant que nous lui avons réservé pour “La Menace“. Le côté “private joke” nous avait laissés perplexes sur la proposition en tant que telle. Nous échangeons autour de ce ressenti. Le dialogue s’installe, tout naturellement.

Puis, je l’interroge sur ses projets. Qu’en est-il de “Duel”, y aura-t-il pléthore d’accessoires,  l’utilisation de la vidéo comme lors de ces précédentes créations? La réponse tombe nette : « non ! ». Pour Anne Lopez, “Duel” marque le retour au corps autour d'un questionnement sur sa capacité à le questionner, à le redécouvrir, à le laisser seul en scène et l’exploiter. Un défi.

Nous échangeons sur la fragilité de créer en danse, sur les problèmes de diffusion hors région d’appartenance, sur la ténacité à être chorégraphe, sur la transmission du savoir.

Jean-Philippe Derail nous rejoint,  dont le parcours entre théâtre, danse et cinéma, ouvre l'échange sur la faisabilité des projets en période de restriction budgétaire. La création est aujourd'hui un combat quotidien pour survivre en milieu hostile.

 

14h30 : Les corps s’échauffent, la réflexion reprend. Chercher des accords, retrouver la juste dramaturgie. Anne Lopez permet l'espace à ses danseurs. Ils essaient, tâtonnent, échangent. Elle donne des indications, des intentions. Sans brusquer, le regard contenant, elle opère comme une technicienne en ingénierie mécanique. Tout est scrupuleusement noté. Le moindre geste est écrit. Elle demande de refaire, de trouver le ton juste.

Le tableau dit “Des poutres” est ingénieux. Mêlant la danse au cinéma, les images collectives cinématographiques défilent devant nos yeux et appellent l’imaginaire. Celui du “Catch” montre la fragilité qu’imposent les figures voulues. C’est superbe à l’oeil, mais cela fait mal au corps. 

Je suis dans un laboratoire où l'on recherche le geste juste. C'est particulièremet beau et touchant. Les mouvements peut assurés en début de recherche trouvent leur forme au bout d’une heure, deviennent plus fluides, s’inscrivant mieux dans la lecture du propos.

Je quitte le studio à regret laissant cette horde de mecs à leur combat. C’est promis, la prochaine création parlera de celui des femmes qui doivent être à la fois maman, working girl, l’amie, la confidente… Tout aussi cruel !

Laurent Bourbousson – www.festivalier.net

Duel” sera créé au Théâtre de l’Odéon de Nîmes les 17 et 18 novembre.