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EN COURS DE REFORMATAGE

A Toulouse, « C’est de la danse contemporaine » : le printemps de février?

Ca y est ; j'y suis. Toulouse est pour quelques jours mon port d'attache. La danse y est amarrée et je flotte en eaux troubles. « C'est de la danse contemporaine » est le festival qui a le vent en poupe. Effet de mode ou manifestation durablement inscrite dans un processus de recherche? Toujours est-il que je n'ai vu nulle part ailleurs ces trois ovnis chorégraphiques?
258_photospectacle.jpgLe premier est une création de Benoît Bourreau et d'Hélène Iratchet. Au croisement de l'art contemporain et de la performance, « Baladidoo doddle di » est un voyage au c?ur de la représentation où les mots se déglinguent, où les rites comportementalisés se croisent avec des effets visuels du théâtre et du cinéma. C'est un joyeux désordre où le plateau est finalement envahi par des silhouettes photographiées (tels une équipe sportive ou un public soudainement statufié). Les corps semblent submergés par ces effets de scène où le mouvement s'efface pour des formes immobiles « ritualisées » censées être signifiantes. Je ressens ce trop plein visuel comme une vision pessimiste sur le rôle de la danse dans nos sociétés pixélisées et finit par me laisser moi aussi de marbre.
Quinze minutes d'entracte suffisent à passer d'un plateau plein à l'espace vidé de tout décor pour « Jack in the box » d'Hélène Iratchet. Ils sont deux, un homme, une femme. Ils sont superbes à se mouvoir avec la tête, puis les jambes et les bras. Ils ne sont pas sans me rappeler la danse saccadée du chorégraphe Toshiki Okada sauf qu'ici, tout semble décontextualisé. Nous sommes projetés dans un environnement dépouillé où chaque membre du corps de l’un porte une histoire, en résonance avec celui de l’autre. La poésie s'immisce dans l'espace qui les sépare, où le plus petit geste grandit à force de se répéter pour finalement se perdre dans notre imaginaire de spectateur. La lumière s'éteint subitement après vingt minutes. Réveil. Souffle coupé.
« Au commencement était la chair » de Manuela Agnesini clôture cette soirée. Je lutte contre l'ennui pendant quarante minutes. Je devrais me lever, non pour partir, mais pour déambuler dans cet espace. J'ai envie de circuler, de m'approcher d'elle,  vautrée sur son pouf pendant que tournent autour trois mammouths en peluche posés sur des rails, tel le petit train de notre enfance. Les mots de l'écrivain et prostituée militante Grisélidis Réal résonne, s'immiscent dans nos têtes et dans son corps, pendant que sur des écrans télé défilent un concert de Madona et des séances d'aérobic avec Jane Fonda. Tout s'embrouille, s'emmêle à mesure que viennent se greffer d'autres textes, d'autres images (de vulve gluante?). Les expressions « doigts dans le cul » décrivant les pratiques sexuelles de la prostituée avec ses clients, s'entrechoquent avec des bribes de pensées philosophiques. J'ai envie de lui tourner autour comme je le ferais dans une exposition d'art contemporain ou dans une partie de chasse (!). Alors que l'on pourrait bondir sur elle, là-voilà qui se lève sous les applaudissements d'un concert pour pousser la chansonnette avant de nous dire adieu, assise sur une machine à laver d’où s'échappe une brebis en peluche.
Dans cette caverne d'Ali Baba, cet underground de nos désirs cachés, « au commencement était la chair » est une grotte où l'on ne bouge pas. Pièce manifestement destinée aux hommes, nous voilà réduits à bander mou, à n'être que des dinosaures avides de chair et de sang. On en oublierait presque que nous sommes “sensibles de l'anus
“.

Pascal Bély
www.festivalier.net

?????? “Jack in the box” d’Hélène Iratchet a été joué le 14 février au CDC de Toulouse dans le cadre du Festival “C’est de la danse contemporaine”

??????  “Badadidoo dodle di” d’Hélène Iratchet et de Benoît Bourreau a été joué le 14 février au CDC de Toulouse dans le cadre du Festival “C’est de la danse contemporaine”

?????? “Au commencement était la chair…” de Manuela Agnesini a été joué le 14 février au CDC de Toulouse dans le cadre du Festival “C’est de la danse contemporaine”


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Se souvenir du “Printemps de septembre” de Toulouse.