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Au Musée Réattu d’Arles, l’exposition «Nuage» dévoile notre ciel d’Avignon.

Arles – Sylvie Lefrère et Pascal Bély

En cette fin de printemps, les nuages sont une fois de plus de sortie, mais qu’importe…nous avons rendez-vous au Musée Réattu d’Arles pour  «Nuage», l’une des expositions phares de Marseille Provence 2013. Elle est notre point de ralliement pour finaliser notre projet d’Offinités Publiques, où spectateurs, lecteurs et contributeurs du blog «Le Tadorne» créeront les jours pairs au Festival Off d’Avignon, un espace critique ouvert et vivant. En entrant dans le Musée, nous ignorons encore que nous y resterons la journée…

Au commencement, nous contemplons longuement l’œuvre de Jaume Plensa installée dans la cour du Musée où un amalgame de signes construit de la matière d’où la poésie émerge. L’universalité prend corps dans la transparence. L’écriture d’Asie, les chiffres d’Égypte, la calligraphie arabe se mêlent et nous donne le canevas de la communication ouverte. Notre regard se met en dynamique: d’une vue globale, il s’affine dans des trouées.

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De ces puits de lumière, il éclaire notre vision et les points cardinaux changent de repères. «Nuage» nous projettera donc dans un univers de langages qui traversera nos corps et nous donnera l’assise qui autorise toutes les pensées, pourvu qu’elles ouvrent, relient les mots et poétisent nos liens. « Nuage IV » de Jaume Plensa est l’œuvre qui métaphorise notre projet pour Avignon.

Nous avons finalement investi le lieu pendant plus de cinq heures : debout pour arpenter les 26 salles ; assis sur la moquette nuageuse pour réfléchir et écrire entourés des corps célestes d’Inigo Manglano-Ocalle (deux «peintures» reproduisant l’ADN d’un couple); couchés dans des coussins en forme de galets de l’installation de Céleste Boursier-Mougenot pour regarder autrement le rivage du Rhône, projeté sur les murs, comme une ouverture vers de nouvelles perspectives.

En nous installant dans le musée, nous avons osé sortir du cadre (celui où le visiteur passe de salle en salle sans se (re)poser pour élaborer) à l’image de la troublante œuvre de Corinne Mercadier (“Black Screen Drawing”). Notre cheminement dans ce lieu nous a donné la vision des liens que nous souhaitons instaurer avec les spectateurs d’Avignon. N’est-ce pas là, une des fonctions de l’art ?

Aujourd’hui, nos systèmes déconnectent le sens de l’action. En nous invitant à donner un grand coup de masse dans les deux  gongs de Matter/Spirit de Jaume Plensa, celui de l’esprit et l’autre de la matière, nous ressentons les vibrations de la co-construction qui les rapprochent, en transversalité, du bas vers le haut, de la terre vers le ciel.  Fatigués par la lourdeur d’une profonde crise de la pensée, nous aspirons à la légèreté des Tranches de nuage de Jean Arp où le poids se confronte à l’air, où le minéral solide s’oppose au gaz pour créer une nouvelle matière vivante à l’image du Nuage prenant racine de Christian Rothacher

Telle sera notre finalité à Avignon: nous ferons sonner les gongs au commencement de chaque offinité pour relier l’esprit du spectateur à la matière foisonnante du Festival Off (plus de 1200 spectacles !).

En se laissant porter par les vents, la condensation des gouttelettes d’eau se réunit et fabrique les nuages . Le ciel se dessine grâce à leurs  fragments qui se forment, se deforment. Des vents nouveaux réorganisent la composition du ciel. Le temps se métamorphose, du singulier au collectif. L’évaporation des plus petits bâtit de nouveaux horizons. Éphémère phénomène météo qui façonne le paysage, dégage de la vision où les ombres sur la terre laissent passer les rayons du soleil à l’image des photographies envoutantes d’Edward Weston (Dunes). Lors des Offinités, nous créerons les nuages à partir des paroles parsemées qui, par l’effet du collectif réuni, formeront un paysage d’ombres et de lumières.

Le cheminement proposé par la commissaire Michèle Moutashar nous emmène à notre insu vers de nouveaux territoires à l’image de la  La machine à Poèmes de Marcel Broodthaers où l’ imaginaire spirituel se relie avec le réel et lui donne une force clairvoyante. Le promenoir à nuages de Françoise Coutant nous propulse encore plus loin dans ce désir de s’affranchir de la mécanique pour la poétiser. Pour nos offinités, nous aspirons à introduire le regard poétique dans un espace public et ouvert : les spectateurs critiques disposeront de promenoirs…Ainsi, le ciel et la terre se reflètent comme dans un miroir. Du figé apparaît le mouvement et nos échelles de valeurs nous élève vers l’utopie symbolisée par Le Cloud Cleaner de Robert et Shana ParkeHarrison. Nos offinités nourriront l’utopie de Jean Vilar pour qui « le public est l’artisan de son théâtre ».

Au fur et à  mesure,  l’exposition nous donne de l’énergie, et de notre projet apparait l’œuvre de Michael Sailstorfer, «Cumulus». Nous contemplons  la rotation de la matière actionnée par la machine qui, peu à peu, dévoile sa poésie, entre mère et ciel, liens et formes, projet et sens. Notre ciel d’Avignon se dévoile, parsemés de spectateurs-nuages, fruit de la condensation de nos sensibilités croisées, pour des écrits-paysages qui seront publiés quotidiennement sur le blog.

La journée s’achève sous le soleil. Ce musée est un lieu d’art où se relient les projets…un lieu de rencontres, sans éducation, où l’on se nourrit d’interactions et de convivialité. Nos offinités publiques seront nuage, car l’art est brume.

Sylvie Lefrère et Pascal BélyTadornes.

Crédit photo: Gazull.
" Nuage" au musée Reattu à Arles du 16 mai au 31 octobre 2013
"Les offinités publiques du Tadorne" au Village du Off du Festival d'Avignon, de 11h30 à 13h, les jours pairs du 8 au 30 juillet 2013.