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FESTIVAL D'AVIGNON

Au Festival d’Avignon, la Cour dans tous ses états…

«Le maître et Marguerite» de Simon Mc Burney présenté dans la Cour d’Honneur divise les Tadornes. Pascal Bély est très réservé sur ce spectacle «qui mobilise la pulsion, la même qui nous conduit dans les pièges posés par le consumérisme le plus abject.».

Sylvie Lefrere a un tout autre avis… 

Le Palais des Papes est plein pour cette première représentation. Les trompettes résonnent sous les gradins, et réveillent nos émotions de festivaliers; les spectateurs se pressent, se serrent la main ou s’embrassent au hasard des rencontres. Je suis bien entourée ce soir: amis, familles, journalistes, Ministre de la Culture, comédiens, couturier: tous ensemble spectateurs pour tous nos sens sollicités.

Dés les premières minutes du ‘Maître et Marguerite” par Simon McBurney, le plateau est envahi d’une valse de chaises, glissant à toute vitesse. Ce siège va téléporter notre esprit à différents niveaux. Nous allons traverser le temps: la quête d’un écrit sur Ponce-Pilate nous fait naviguer dans les époques du christianisme, de la Russie de Staline, de la guerre de 1940. Le tout relié par l’écran. La connexion à notre aujourd’hui en parallèle au rêve.

Le mur du Palais des Papes se transforme en gigantesque Google Earth qui nous aspire, nous écrase. Une métaphore de nos addictions de recherches incessantes; toujours plus, toujours plus loin…Il devient l’écran géant d’images subliminales, notamment celle du Christ, qui prend une dimension esthétique fascinante. Les écrans sur les côtés me donnent une vision à facettes de mouche, élargissent le champ de mon regard après un temps d’adaptation. L’accent des comédiens et la force des mots, bientôt, m’emportent. Leurs corps prennent une dimension 3D.

Joseph me renvoie à l’image  de Freud, le Satan à un homme de la Gestapo, le maitre à un Frankenstein humain et fragile, Marguerite à une douce  Louise Brooks poétique, le chat à un Aline Sarkoziste et son acolyte chapeauté tout droit sorti d’Orange mécanique…Dans cette Voie lactée, je me sens fragment de la partition. Ma mémoire se réveille dans cette quête et ces peurs. Mon estomac se noue comme avant un saut au dessus du vide. Le texte, les comédiens sur le plateau, l’image m’envahissent dans une vague qui me ballote dans mes états d’âme. Quel que soit le contexte, les doutes, les tiraillements vers des amours impossibles, les engagements se répètent. Aucune règle. Pas d’erreur, tout est réglé comme dans un bain mécanique.

Je suis à fleur de peau. Le moindre mouvement de mon voisin me secoue. Mes émotions me submergent; je me sens toute petite dans une angoisse enfantine. J’y entrevois un passé historique et un avenir incertain. Simon McBurney devient le magicien d’un soir. Le public est dans un calme religieux. Nous faisons corps tel un collectif pris dans sa toile en projection recto verso. Happé dans la dynamique de l’action qui nous tient. Complices…Rien qu’en écrivant, les larmes remontent, sans que je puisse expliquer pourquoi. Elle va faire son travail intérieur d’habitation de mon patrimoine.

L’achat du texte me servira peut-être d’exutoire …

Sylvie Lefrere de Vent d’art vers le Tadorne.

Sur “Le Maître et Marguerite” , les regards de:

Pascal Bély / Au Festival d’Avignon, l’effondrement.

Francis Braun / Au Festival d’Avignon,”Sympathy for the Devil?…Les Rolling Stones.

« Le Maître et Marguerite » par Simon Mc Burney dans la Cour d’Honneur du Palais des Papes du 7 au 16 juillet 2012.