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L'IMAGINAIRE AU POUVOIR

Tadornes en Turakie : être ou pas du voyage.

Je retrouve ce soir Laurent Bourbousson, contributeur pour le Tadorne, à la Scène Nationale de Cavaillon autour de Michel Laubu et son «Turak Théâtre». Deux escapades dont la première («Les fenêtres éclairées») nous laisse à quai tandis que la deuxième «nouvelles et courtes pierres» voit Laurent s’exiler poétiquement.

La Turakie de Sarkozy ?
Ce plateau est en soi un cadeau pour échapper au discours préalable qui assomme. Composé de briques et de brocs, le décor nous installe dans une atmosphère calfeutrée. Le noir se fait enfin. Ils sont quatre à entrer sur scène pour animer objets, marionnettes et instruments de musique.
Les premières mélopées nous embarquent en «Sarkozie», au coeur de Pôle emploi, projet emblématique d’un pouvoir qui mécanise le lien entre le citoyen et le Service Public. La marionnette est notre peur de chômage, de solitude, et de recherche d’amour. Mais rien n’est figé : le bruit des flots nous arrache à cette folie suicidaire pour nous guider vers son île. La nôtre.

 
La poésie s’y installe pour prendre son autonomie tandis que le rock de Rodolphe Burger et Laurent Vichard nous guitarise.  Cette île est notre part de créativité qui réenchante le monde. La dérive imaginaire nous embarque peu à peu sur cette terre peuplée de pingouins avec des becs en forme de robinet, d’un chat malin et profiteur, de chaises emboîtées et empruntées au «Café Müller» de Pina Bausch. Elles forment une île insubmersible où viennent se poser des mouches membres d’un groupe de rock (petites pépites d’humour assez irrésistibles).
Et puis, vient cet avion qui largue un dictateur (au croisement de la FranceAfrique) pour envahir la Turakie, déjà menacée par la montée des eaux. Progressivement, le jeu s’hystérise au détriment de la poésie comme si Michel Turak avait à prouver que son théâtre est aussi politique. Nous sommes au coeur d’un jeu de rôles où l’on cherche le discours. Notre sensibilité est instrumentalisée pour valider ces métaphores un  peu trop explicites. Michel Laubu crée un univers d’enfant avec des raisonnements d’adulte. Un sentiment de perdition nous gagne alors. Les chemins tracés entraînent confusion et hésitation. Les marionnettes finissent par nous caricaturer.
A ce petit jeu, nous sommes déjà ailleurs. En « Uccellini » avec Isabelle Hervouët; en «Ramodalie» avec la compagnie Ramodal, tous deux rencontré lors d’un festival pour la petite enfance à Nantes en avril dernier…
 
La Turakie des mouettes, crapougnettes et trompettes!
 
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Deuxième voyage. Laurent y va seul. Il y retrouve le grenier de sa grand-mère, qui recèle des milliers de trésors en tout genre. Un Nouveau Monde, un Eldorado. Rien qu’à lui. La Turakie est son imaginaire peuplé de Protoks qui détournent les objets pour leur donner une seconde vie.
Trois  courtes histoires, trois rêves éveillés, trois personnages qui l’embarquent au coeur de cette Turakie composée d’îles où sa sensibilité délimite les frontières, les ponts et les passerelles.
Michel Laubu mariomagnétise tandis que  Frédéric Roudet et Laurent Vichard musicalisent. À trois, ils dégagent l’horizon pour que mouette et crapougnette (un cheval digne de Zorro, mais blanc celui-ci) l’invitent, d’île en île, à découvrir le sensible qui sommeille en lui.
De retour de Turakie, Laurent n’a plus qu’une seule obsession : demander l’asile poétique !
Pascal Bély – Laurent Bourbousson. Les Tadornes de www.festivalier.net
 
« Les fenêtres éclairées » de Michel Laubu du Turak Théâtre à la Scène Nationale de Cavaillon le 3 mai 2011.
Le spectacle « Nouvelles et courtes pierres (Triple solo Périlleux) »  Turak Théâtre a été présenté dans le cadre des Nomades de la Scène Nationale de Cavaillon du 4 au 7 mai 2011.