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EN COURS DE REFORMATAGE

« Être libre, c’est vouloir les autres libres ».

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« Le deuxième sexe est l'?uvre d'une frustrée ». Pour démontrer l'absence de véracité de ce lieu commun, la metteuse en scène Nadine Darmon met en parallèle, le manuscrit de Simone de Beauvoir et les lettres ?plus de 300 au total-, qu'elle a échangées à l'époque de la rédaction de son ?uvre maîtresse avec Nelson Algren, l'écrivain américain qu'elle a passionnément aimé dès leur rencontre en 1947.

À partir de ce scénario original, « La ballade de Simone » met en lumière cet épisode méconnu  de la vie de celle qui fut première à l'agrégation de philosophie, ex æquo avec Sartre.

« On ne naît pas femme? on le devient ! » s'écrit l'assistance du théâtre du Lucernaire.  Avec poésie et humour, avec chanson et accordéon, avec tout leur talent, les deux comédiennes, Odja Llorca et Michelle Brûlé  tracent des passerelles entre le courrier amoureux de la philosophe et l'?uvre qui l'a révélée.

À l'issue de la représentation, Michelle Brûlé propose au public de prolonger la discussion ensemble autour d'un café philo sur le thème « Qu'est-ce qu'être une femme libre ? ».

Dès les premières minutes, le c?ur du débat est posé autour de l’opposition entre le féminisme “universaliste” et “différentialiste”. D'un côté l'existence de la femme et de l'autre, le genre féminin, l'identité sexuelle qui ne sont que constructions sociales. Existe-t-il  une essence propre à la femme ? Une manière d'être, d'exprimer ses besoins, particulière aux femmes ? Qu'est-ce que la liberté d'une femme face au codage imposé par la société dès l'enfance ? L'existence précède-t-elle l'essence ?
Quelle marge de man?uvre pour être soi quand l'héritage social pose depuis des millénaires une répartition des rôles perpétuée par l'éducation et le marketing ? Est-ce que comme la définition de la liberté de Spinoza « Être libre c'est n'être déterminé que par soi-même à agir » peut totalement s'appliquer aux femmes aujourd'hui ?
Le credo existentialiste sera débattu jusqu'à l'issue de la discussion tant -ainsi que l'a montré Françoise Héritier-, notre mode de pensée a intégré cette dualité.
Pourtant, le projet de Simone de Beauvoir à l'origine de la rédaction du Deuxième sexe était de relater la liberté de l'être humain en général, pas d'écrire un manifeste féministe.  C'est Sartre qui orienta son travail vers sa liberté à elle, en tant que femme. À partir de là, son récit prit une dimension universelle en dénonçant la condition féminine de celles qui sont objet avant que d'être sujet. 
Sitôt le débat achevé, ceux qui n'avaient pas encore assisté à « La ballade de Simone »  partent réserver leurs places pour prolonger la réflexion. Du théâtre à partir d'un texte devenu classique pour comprendre des phénomènes qui restent contemporains. Du théâtre pour débattre ensemble et pointer les réflexes pavloviens de la société. Du théâtre pour aiguiser son esprit critique avec humour et intelligence. Du théâtre pour faire du lien.
Allant plus loin que Spinoza, Simone de Beauvoir conclut qu' « être libre, c'est vouloir les autres libres ». La parole d'une femme engagée. Un postulat d'humanité qui apparaît comme l'horizon indépassable de tous ceux qui en play-back, veulent changer le monde.

Elsa Gomis – www.festivalier.net

 

La ballade de Simone (site web), Adaptation de Michelle Brûlé, Mise en scène de Nadine Darmon. Jusqu'au 23 janvier 2010. Du mardi au samedi à 21h. Théâtre du Lucernaire
53 rue Notre Dame des Champs, 75006 Paris
Réservations : 01 45 44 57 34