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EN COURS DE REFORMATAGE

La danse, question capitale pour Marseille.

Que faire pour que la danse revienne à Marseille ? De saison en saison, elle disparaît des programmations alors que deux centres chorégraphiques (« Le Pavillon Noir » à Aix en Provence et le Ballet National de Marseille) sont censés les irriguer. Avec la disparition du Festival « Danse à Aix » en 2005, nous avions déjà pressenti l'isolement d'un art qui a besoin, plus que tout autre, d'ouvertures et de maillages pour se régénérer. En novembre 2009, un chorégraphe (Michel Kelemenis), un théâtre (Les Bernardines) et un festival de danse (DANSEM) s'associent pour mettre fin à ce processus que certains voudraient inéluctable. Pendant dix jours, « Question de danse », en préambule à Dansem, offre au public marseillais et aux programmateurs, huit propositions chorégraphiques parrainées par différentes institutions françaises (CCN de Grenoble, Centre National de la Danse, Uzès Danse) et européennes (Lausanne, Officina, Bruxelles, Istanbul). Toutes semblent se porter au chevet d'une ville bien isolée sur la scène chorégraphique en lui offrant  l'opportunité de s'inscrire dans un réseau. En incluant dans cette programmation des ?uvres encore en création, puis en proposant un débat à la fin de chaque représentation, il s'agit de créer une relation de confiance, égalitaire, entre la danse et le public. Ici, le spectateur n'est pas juge, mais garant d'un processus créatif qui évoluera. Nuance. Pour avoir assisté à deux soirées, force est de constater que le public est là, presque rassemblé, loin des querelles de chapelles qui émiettent tant le paysage culturel marseillais. Michel Kelemenis est un homme chaleureux, en sincère empathie avec les artistes tout en sachant nous parler de danse avec sensibilité, loin des concepts qui l'isolent.

Dans ce contexte, les propositions prennent un relief particulier. Deux ont retenu mon attention, tandis qu'une troisième a déjà été chroniquée sur le site (Hélène Iratchet)

La Compagnie Malka animée par le chorégraphe Bouba Landrille Tchouda a séduit. « Meia Lua » est une danse collective qui nous offre un hip-hop émancipé de certains codes scéniques qui l'ont longtemps enfermé. En osant une dramaturgie (un gardien, un musée, des statues, métaphores de nos enfermements) « Meia Lua » permet au hip-hop de s'affranchir d'une danse démonstrative pour (enfin) activer nos imaginaires. En s'appuyant sur un propos universel (préférer l'émancipation à la soumission), le groupe fait preuve d'une vitalité communicative qui fédère. Bien que le sens se perde vers la fin dans une forme groupale un peu trop naïve et déjà vue ailleurs, on s'étonne que ce collectif prometteur n'ait pas vu le jour à Marseille, mais à Grenoble chez Jean-Claude Gallotta ! Il nous faudra suivre de près cette compagnie qui pourrait bien, dans les années qui viennent, sortir le « hip-hop » du musée pour l'inclure dans un mouvement chorégraphique émancipatoire. Celui d'une danse du sensible pour nous libérer de nos communications enfermantes ?


Meryem Jazouli  nous arrive du Maroc avec ?Kelma?un cri à la mère?. Ce solo est au croisement d'un rituel funéraire et d'une transe pour célébrer « l'absente ». Dans un espace scénique réduit, elle réussit à s'émanciper d'un propos religieux (sans le disqualifier) pour faire entendre le chagrin tel un spasme qui aurait besoin de temps pour se tendre et devenir fil d'Ariane. Ici, le corps de la mère et de la fille semble ne faire qu'un, puis se sépare (beau moment où le corps de l'enfant se transforme) pour qu'enfin vie et mort se fondent dans un « ensemble » dansant. Ce solo, profondément intime, n'offre pas toutes les clefs et finit par nous mettre à distance. A ces mouvements saccadés, manquent un liant, un pont vers nous, un prolongement vers un sens global (politique ?) qui éviterait à ce solo de (con)fondre son propos (le deuil) dans une forme mortifère. La sincérité du geste artistique ne fait aucun doute et nous permet d'entrer dans une autre culture du deuil. On aimerait suivre Meryem Jazouli, tout comme “Montpellier Danse” accompagne depuis longtemps les chorégraphes marocains Bouchra Ouizgen et Radhouane El Meddeb, tous deux programmés par Dansem dans les jours prochains.

Question de danse: pour quand « Marseille Danse » ?

Pascal Bély – www.festivalier.net

 

A Marseille, “Question de Danse” jusqu’au 7 novembre 2009 inclus au Théâtre des Bernardines.

“DANSEM” jusqu’au 11 décembre: www.dansem.org