Catégories
FESTIVAL ACTORAL PAS CONTENT THEATRE FRANCAIS CONTEMPORAIN

Au Festival ACTORAL, David Bobee réchauffe les hétéros. A La Villette, pas si sûr.

Acte 1: Au Festival Actoral à Marseille, en octobre 2008, par Pascal Bély

En entrant dans la salle, on nous distribue une bouteille d’eau. «Nous allons avoir chaud», nous prévient-on. «Warm» de David Bobée sur un texte de Ronan Chéneau dégage une chaleur torride, eu égard au nombre de projecteurs latéraux qui illuminent la scène. Le présentateur nous informe que cette pièce s’inscrit dans un cycle sur « Les écrits du cirque » qui devrait aboutir en 2013 par la création de la biennale des Arts du Cirque. La barre est placée bien haute pour une oeuvre qui n’atteindra pas des sommets.

Elle est enceinte de quelques mois. Elle dépose trois bouteilles d’eau sur la scène puis, de dos, récite un texte. Dans ses mots, il fait déjà chaud et la belle fantasme, alors que la canicule s’installe dans les rues de la ville. Les mots montent en puissance. C’est joliment dit, mais le texte colle à la peau comme le journal intime d’une adolescente à la recherche de sensations interdites. Soit. Cela s’entend sans problème. J’ai chaud, mais pas pour les mêmes raisons.

Les deux hommes arrivent. Ils sont beaux. L’un brun. L’autre blond. Parfait. L’un pantalon moulant. L’autre jean’s style hétéro cool. La jeune fille est contente. Elle poursuit ses délires sous l’effet probable du cannabis ou de l’extasie. Les deux mecs se regardent comme s’ils faisaient connaissance dans un sauna gay ; se suivent comme s’ils marchaient dans les jardins des Tuileries. L’imaginaire homosexuel fait monter la température et leurs emboîtements ne laissent aucun doute sur leurs intentions. Soit. Sauf qu’ils n’en ont aucune. Et alors ? Alors ? Rien. Ça se voit, c’est tout. Tout droit échappés d’un casting de mode, nos deux tourtereaux font ce que l’on leur demande. Elle peut toujours fantasmer, ils assurent le spectacle. Un Point, c’est tout. Ici, on est au cirque.
Les peaux dégoulinent. Après ? L’un asperge l’autre avec la bouteille. L’eau finit sur le sol. Ça patine. Et puis ? Et puis…ça continue de patiner.
Ne manque plus qu’un coup de vapeur et nous y sommes presque.
Ou plutôt, deux jeunes ados qui s’amusent sur un plumard. L’image a dû traverser l’auteur.
Soit.
Après ?
Bien après, il faut bien que cela se termine. Alors, les lumières baissent et la jeune fille se calme après une crise qui a fait trembler les glaces du décor.

À cet instant précis, mon écriture colle aussi.

Pause.

Analyse.
Un peu de hauteur. Je suis blogueur. Je dois faire attention à ne pas hypertrophier mon commentaire.

Je cherche l’écriture que l’on nous promettait au début du spectacle. Les corps collés aux mots gluants de Ronan Chéneau ne suffisent pas à dépasser l’illustration d’un fantasme calculé et prévisible. C’est effrayant de contrôler ainsi le désir. Effrayant cette écriture qui ne laisse aucune place à l’imaginaire.

J’ai froid.
….
La scène finale où l’on devine nos jolis garçons en train de se masturber n’ira pas jusqu’au saut final.
….
Ouf.
J’ai eu chaud.Acte 2: A La Villette, à Paris, en juin 2009, par Elsa Gomis.« De la douleur naît le désir ».Malgré la chaleur, malgré la transpiration qui empêche leurs portées, ils continuent.

Leurs corps se tendent sous l’effort, rougeoient sous l’effet des projecteurs. Pourtant, ils continuent.

Dans “Warm“, David Bobée semble vouloir montrer le dépassement et l’oubli de soi jusqu’au délire.

Les paroles de Ronan Chéneau, dites par une comédienne vibrante, sont au départ détachées des gestes des deux acrobates, puis elles les accompagnent, les commentent, les dirigent.

Sa voix est ferme. En dépit de la chaleur de l’atmosphère, son ton reste froid, parfois brutal, souvent dur.

Ici le sexe n’est ni doux ni drôle, il est affaire de juxtapositions physiques précises, d’un déroulé convenu, d’un scénario immuable. Un enchaînement que rien ne semble pouvoir rompre. A part la chaleur.

On reste fascinés par cette persistance, effrayés par les risques pris, intimidés par la brutalité des directives, mais pas émoustillés.

Comme dans Nos enfants nous font peur quand on les croise dans la rue, nous assistons à une montée en puissance progressive, mais le propos n’apparaît pas clairement.

Il est sans doute question, au travers de cette scénographie, de montrer le sexe instrumentalisé.

A mon niveau, je ne perçois pas “Warm” autrement.

J’ai encore faim…