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EN COURS DE REFORMATAGE

« La Vouivre », la nouvelle vague du Festival de Marseille.

« La Vouivre » compagnie animée par Samuel Faccioli et Bérengère Fournier a conquis le public du Festival de Marseille. Comme si ces deux-là s’étaient affranchis d’une case, celle de « Question de Danse, questions d’artistes » dont le principe est de présenter des ?uvres non encore abouties. Le chorégraphe Michel Kelemenis (le maître des lieux) nous prévient qu’en première partie « Oups » a déjà tourné tandis que le deuxième « Opus » est en cours de création. Qu’importe ! Le cerveau du spectateur n’a rien à faire de ces cloisons et l’envie de s’émanciper de ces ruptures inutiles est plus forte. Car « Oups » et « Opus » forment bien un tout, par l’immense talent de nos deux compères et le regard ouvert d’un public attentif.

 

Il leur faut quarante minutes pour s’affranchir aussi d’un contexte alourdit par les convenances où d’un espace relationnel réduit à leur canapé, ils se déploient sur une scène « dématérialisée » peuplée d’oiseaux et de sons produits par le bruit de leurs gestes, de leur relation (exceptionnel travail du musicien Gabriel Fabing). D’emblée, leur danse s’inscrit dans une mécanique relationnelle et l’on se demande qui peut bien tirer les ficelles de ces deux marionnettes. Leur recherche d’un accord parfait n’est pas sans rappeler le temps lointain de nos parents où les convenances sociales et religieuses régissaient la communication ; à moins que leurs mouvements ne soient très actuels dans une société qui normalise tout autant le lien dans cette recherche (épuisante ?) de l’articulation parfaite, à l’image des annonces matrimoniales sur Internet ! A les voir se chercher en permanence les seins et le sexe avec des airs de ne pas y toucher, on sourit face à une telle naïveté, à moins que l’on ne s’inquiète de la pudibonderie montante de notre société « marketée ». Leur espace est un croisement permanent entre passé et présent et leur temps n’est que celui du processus. Ces deux-là émeuvent parce qu’ils positionnent leur relation sur plusieurs champs à la fois (psychologique et social). Et l’on se surprend à nous interroger : ce couple ne métaphorise-t-il pas le projet artistique de la compagnie? Et l’on se plaît à les aimer, à les ressentir, à s’en approcher, à les soutenir, à les trouver beaux, à leur souhaiter un bel avenir (ils paraissent si jeunes et si déterminés dans leur projet).

Ces deux-là nous offrent l’un des espaces les plus ouverts qu’il m’est été donné de voir, où  les danseurs s’articulent dans une interdépendance saisissante (moment incroyable où les corps servent d’émeteur radio !), où l’on passe du duo au trio comme métaphore d’une ouverture vitale, où d’une danse quasi fusionnelle, ils s’en émancipent pour laisser le corps oiseau se déployer (magnifique solo de Bérengère vers les derniers instants). Le son de Gabriel Fabing est une toile pour que la place de chacun ne soit plus statue, mais mouvement émancipatoire.

Alors que la lumière s’éteint, alors qu’elle est partie, on regarde Samuel. C’est à lui maintenant de voler, d’aller la chercher, d’imaginer encore et encore de nouveaux espaces pour nous montrer, une fois de plus, que la relation est la ressource la plus complexe qu’il soit.

Qu’ils nous montrent encore comment on fait…

Pascal Bély – www.festivalier.net

?????? «oups + opus» de la compagnie “La Vouivre” a été joué le 25 juin 2008 dans le cadre du Festival de Marseille.

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