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EN COURS DE REFORMATAGE

Au KunstenFestivalDesArts, Beatriz Catani cafarde.

Le petit théâtre L’L accueille le KunstenFestivalDesArts pour la pièce Argentine « Finales », de Beatriz Catani, . Pour prendre place, le public traverse la scène où sont déjà installés nos quatre protagonistes pour deux heures trente d’une épopée hallucinogène, poétique, chaotique à vous donner le mal de mer, où le réel est abstrait, l’imaginaire la réalité.

Tout commence avec une énorme blatte vivante qui fait son entrée sur scène, prête à enrayer la machine théâtrale. Une femme, la quarantaine, s’en approche et l’écrase délicatement avec un bout de papier. Tel un bibelot, elle la pose sur le rebord de la cheminée. Elle bouge encore. Souffre douleur, l’animal est symboliquement disséqué, prétexte pour interroger la mort, la fin, la disparition, le sens. Deux jeunes femmes et un homme accompagnent notre quadra dans cette veillée auprès de cet animal agonisant qui a survécu depuis la préhistoire, avec une belle endurance, à tant de métamorphoses . Elle est des notres en ces temps de réchauffement climatique pour son dernier show à Bruxelles, preuve s’il en est, que la capitale de la Belgique est le centre du monde.

Nos quatre acteurs vont tout oser pour décrire avec violence, tendresse, renoncement, avancement, la « fin » de tant d’histoires qu’elles finissent par nous étourdir. Nous sourions de nous entendre, de nous voir, lors de ruptures amoureuses, de conflits familiaux, où finalement nous passons le plus clair de notre temps à penser la fin comme un éternel recommencement. Ces quatre acteurs sont prodigieux dans leur engagement à ne jamais lâcher, même quand le pont ne mène nulle part, même lorsqu’on s’enferme dans un schéma répétitif, ou se cacher dans un placard est le seul refuge pour se protéger du regard de l’autre. Beatriz Catani donne à chaque interprète une profondeur psychologique étonnante, où le corps se débat en même temps que la blatte lutte contre la mort (les séances de masturbation collective ne sont pas qu’intellectuelles…). Ce n’est jamais caricatural parce que profondément humain. On est étonné de leur énergie à passer d’une histoire à l’autre sans que la mise en scène en souffre, comme s’il fallait ne rien perdre de ce temps suspendu où la blatte n’est pas encore morte. C’est dans cet interstice qu’ils repensent leur vie comme un long poème, quelquefois drôle, le plus souvent surréaliste. L’atmosphère est celle d’un rêve éveillé, d’un cauchemar où les personnages de notre existence se donnent rendez-vous pour revisiter nos névroses et régler quelques comptes ! Le plateau transpire comme lorsque nous luttons en pleine nuit. Nous pourrions tous nous incarner dans chacun d’eux, dans leur quête absolu de vouloir recommencer, de rechercher le sens là où il n’y ait pas a priori. On ne peut  toutefois s’empêcher de ressentir une Argentine qui souffre mais espère des jours meilleurs en puisant dans sa créativité les ressorts du renouveau.

« Finales » joue l’angoisse et en joue parfois un peu trop comme si Beatriz Catani ne pouvait freiner cette descente aux enfers (fallait-il faire si long ?) A la mort de la blatte , assis sur leur canapé à la regarder, la poésie s’invite à nouveau. Ils vont pouvoir imaginer l’ « après ». La lumière s’éteint. C’est fini.

Quand le théâtre se fait divan.

Pascal Bély

?????? Finales”  de Beatriz Catani a été joué le 25 mai 2008 dans le cadre du KunstenFestivalDesArts de Bruxelles.

  © Almudena Crespo – Academie Anderlecht

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