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FESTIVAL D'AVIGNON PAS CONTENT

Au Festival d’Avignon, “L’échange” poussiereux de Julie Brochen.

Le Cloître des Célestins accueille Julie Brochen et son Théâtre de l’Aquarium pour « L’échange »  de Paul Claudel. Le décor fait de planches, de bidons, de tapis et de linges étendus sur une corde, évoque la précarité. En fond de scène, un étrange musicien (Fréderic Le Junter), crée un environnement sonore à partir d’instruments pour le moins originaux, tel un scaphandrier plongé dans les profondeurs obscures de la musique contemporaine. À lui seul, il va donner à cette pièce ennuyeuse les raisons qui justifient sa programmation dans le Festival d’Avignon. Car, pour le reste…
Deux couples (Marthe – Louis Laine / Thomas Pollock – Lechy Elbernon), socialement et culturellement différents, vont s’affronter lors de jeux de séduction et de pouvoir, où alliances et coalitions brouillent les cartes pour mieux les redistribuer. L’argent sert de monnaie d’échange pour posséder l’autre, mais conduit le quartet à sa perte. Nous sommes au coeur d’une tragédie jouée avec les rites d’un opéra à partir d’une mise en scène aussi lourde que le poids d’un secret. file-3955W.jpg
J’attends patiemment que la pièce se termine pour quitter au plus vite cet espace clostrophobique. Tout est incohérent : à l’intensité du drame, Julie Brochen y répond par une distance physique incompréhensible entre les acteurs (la scène est si longue que notre regard ne suffit même pas pour suivre les liens). Tout se joue aux extrémités du plateau, rarement au centre, d’où l’étrange sensation que l’oeuvre s’incarne « à la marge ».  Le Cloître est utilisé pour produire des effets « sensationnels » en totale contradiction avec le décor comme si Julie Brochen hésitait entre une scène de théâtre et l’espace d’un opéra ! Dans le rôle de Lechy, l’actrice Cecile Péricone habite laborieusement le rôle de la rivale réduite, par des effets de voix appuyés insupportables, à une méchante commère. Les autres rivalisent de gesticulations pour donner de la consistance, mais je les ressens vide de l’intérieur. Ce quartet ne fonctionne pas : je ne vois ni les couples, ni les amants. J’assiste à des chemins parallèles qui ne croisent jamais. Le tout est tellement à distance que mes affects le sont aussi, restreignant mon écoute aux mots de Claudel, noyés dans le jeu rigide des comédiens.
Le tout est figé, ampoulé, ennuyeux comme un repas dans une bonne famille bourgeoise. J’entends le travail de Julie Brochen, mais je ne trouve pas d’engagement chez les acteurs comme s’ils étaient à côté pour scruter les réactions du public à leur jeu égocentré.
« L’échange » s’avère être une pièce à sens unique. J’ai connu des théâtres plus circulaires.
Pascal Bély
www.festivalier.net

« L’échange » par Julie Brochen a été joué le 16 juillet dans le cadre du Festival d’Avignon.

 

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CONCERTS

En attendant Avignon, The Arcade Fire maintient le feu sous contrôle aux Nuits de Fourvière.

Il faut que je prenne l’air. Après le massacre de René Char par Fréderic Fisbach avec « Les feuillets d’Hypnos » au Festival d’Avignon, j’ai besoin de lâcher un peu. Une autre manifestation d’envergure, « Les nuits de Fourvière » à Lyon propose LE concert de l’année : le groupe « The Arcade Fire » revient enfin en France après l’annulation de sa tournée au printemps dernier. Plus de 4000 personnes prennent place dans les Arènes et forment un patchwork coloré magnifique. Je me sens un peu décalé, comme un expatrié. Je tente avec quelques voisins de les informer sur le Festival d’Avignon. Bide.
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La scène est immense. Plus rien à voir avec celle de Bruxelles ou de Nantes, où j’ai eu le privilège en 2005 d’assister à leur premier concert européen. Ils commençaient à faire la une des journaux et j’étais le spectateur attentif de leur ascension. J’aime ce groupe pour le pari qu’ils ont osé faire : donner au rock des airs symphoniques baroques à partir d’instruments insensés, appuyés par des arrangements chaotiques. « The Arcade Fire » est surtout un collectif habité par la scène : je ne me sens pas tout a fait dans un concert classique. Ils vont au-delà de la musique comme un comédien ou un danseur transcenderait les mots, le geste. Cette impression « cosmique », hors du temps, s’est renforcée avec leur dernier album, « Neon Bible ». Il y souffle une énergie étrange où leur musique est emprunt de religiosité conférant à l’ensemble une atmosphère hypnotique.
Pour l’heure, il faut garantir l’ambiance face à ce public hétérogène dont la majeure partie découvre pour la première fois ce groupe en concert, médiatisé par la presse culturelle. Après le premier titre (le magnifique « Haïti »), Regine Chassagne et le groupe surprennent en interprétant « poupée de cire, poupée de son ». La filiation à Gainsbourg est assumée. Légitime. Stupéfiant. Ennivrant. Ce sera la seule surprise de ce concert comme si Arcade Fire assurait ses acquis. Les chansons du premier album (« Funeral ») enfièvrent les Arènes tandis que l’atmosphère du second a du mal à se faire ressentir sur cette immense scène malgré la scénographie sophistiquée (trop peut-être, elle finit par perdre sa singularité dans cet espace). J’ai l’étrange impression qu’ils peinent à articuler ces deux opus : ils semblent manifestement ne pas être conçus pour être dans le même concert ! Le tout est saccadé et je ne retrouve plus l’originalité d’un groupe qui, chronomètre en main, assure les 90 minutes syndicales sans extrapoler en dehors de la scène (comme à Nantes ou nous avions terminé avec eux dans le bar du coin !).
Parce que ce concert est une pause pendant Avignon, il ne pouvait être une rupture dans mon cheminement. Je l’ai vu avec mon regard de festivalier. « The Arcade Fire » finira donc bien un jour par investir un théâtre où leur histoire sera leur plus belle mise en scène.

Pascal Bély.
www.fesitvalier.net