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FESTIVAL D'AVIGNON

Avignon Off 2012 : le bilan est féminin.

Le festival est dans sa dernière semaine. La programmation de cette année m’a permis d’y découvrir multiples propositions dans le Off et le IN, où les femmes comédiennes et metteuses en scène se distinguent. Des représentations de caractères où elles sortent des schémas  habituels.

On plonge dans une grande mer(e), comme celle où Sophie Calle nous a emmenés tout au long de ce festival lors de son exposition à l’Église des Célestins («Rachel, Monique»). Avec elle, nous évoluons dans un espace du beau, au “choeur” d’un monument spirituel, comme pour élever notre regard et notre pensée sur ce qui nous entoure (“Au Festival d’Avignon, Sophie Calle: la traversée d’un continent intérieur“)

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À la Manufacture, Pauline Sales dans “En travaux“, met en scène Hélène Viviès, comédienne engagée jusqu’au bout des ongles. Elle incarne ce rôle avec passion et son plaisir est palpable sur le plateau. Notre c?ur bat sous son bleu de travail, et va jusqu’à bleuir nos âmes (“Avignon Off 2012: Les beaux travaux de Pauline Sales et Thierry Baë“) .

Dans “Occident“, notre monde capitaliste s’oppose aux minorités…La femme  y est sujet, objet, sur lequel l’homme peut se défouler en l’insultant, la méprisant, la frappant encore trop souvent…Stéphanie Marc, inonde la scène de sa présence sensuelle et prend le pouvoir en retournant son mari, fort grossier personnage, en bête implorante. Sur ce plateau exigu, comme un ruisseau de montagne, elle véhicule un courant de paroles calmes et pertinentes, au milieu des failles. De sa fraîcheur, elle glace et noie cet homme pour le réduire en poussières.

Les tourbillons nous propulsent à l’intérieur des terres, dans un milieu artistique “bohème”, autour de «Piscine (pas d’eau)». Cécile Auxire-Marmouget, metteuse en scène et comédienne nous invite dans ce groupe de privilégiés à découvrir tous leurs petits jeux amicaux pervers et intéressés. Le vide de la piscine devient réceptacle de fiel, de rancoeurs, de jugements…L’envie dévore. Cécile se transforme en comédienne italienne du cinéma néo-réaliste des années soixante. C’est une sorte de “monstre”…Les dents de loups rayent le carrelage. Ses amis bienveillants me font penser à des traders qui calculent en permanence, sans scrupule dans un contexte de crise.

Dans “Bonheur titre provisoire“, oeuvre théâtrale et picturale d’Alain Timar, Pauline Méreuze nous questionne de ses grands yeux rieurs. Dans sa recherche de l’équilibre, elle exulte entre joie et désespoir. Son énergie l’emporte vers le bas et son nez coule sans fin. Avec l’aide de Paul Camus, elle raccroche petit à petit les pièces du puzzle et, plus sereine, ouvre une boite à outils: l’Utopie.

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Près du bar du in, où tous les noctambules se retrouvent, toutes castes confondues, le fantôme de Françoise Sagan plane sur “Toxique“. Un binôme de femmes représente ce corps d’artiste qui a brûlé sa vie dans un plaisir certain. Anne-Sophie Pauchet met en scène Valerie Diome qui compose une Françoise qui, dans sa chambre d’hôpital, nous ouvre sa fenêtre de réflexions de patiente immobilisée. La souffrance physique s’efface à travers les sédatifs, pour laisser libre cours à la douceur de l’accompagnement vocal et musical de Juliette Richard. N’est-ce pas la mère avec sa fille, tellement leur douce complicité est belle à voir ?

La Belgique m’appelle vers le Théâtre des Doms pour “La nostalgie de l’avenir“. Avec cette version de «La mouette» de Tchekhov par la metteuse en scène Myriam Saduis, un corps de femmes plane. Leurs silhouettes se dessinent, s’éclairent derrière des panneaux de papier calque. Elles sont une métaphore de sentiments, qui passe de l’ombre à l’explosion, sur un champ de fleurs. Les relations d’amour envahissent la scène, face à sa mère, sa soeur, son compagnon, son art, son égo…Toutes générations, elles apparaissent et disparaissent dans des jeux de plaids qui virevoltent comme les tourbillons de la vie.

C’est ainsi qu’au Festival Off, femmes et hommes sont égaux (enfin quasiment!): c’est tellement bon de les saisir, de les respirer…On en sort imprégné de leur parfum.

Cette liste de femmes n’est qu’une petite introduction, et je remercie tous ces artistes, tous genres confondus.

Je pars mouette, mer, utopie, libre…Heureuse.

Sylvie Lefrere ? Le Tadorne

« Rachel, Monique » de Sophie Calle ? Église des Célestins.

« La nostalgie de l’avenir, compagnie Défilé. Théâtre des  Doms à 11h.

« Bonheur titre provisoire », Alain Timar, Théâtre des Halles à 16h30

« Piscine (pas d’eau) », compagnie Gazoline, L’entrepôt, 17h30

« En travaux », Pauline Salles, Manufacture, 18h.

« Toxique », compagnie Akté, Théâtre du Centre, 20h30.

« Occident », compagnie In Situ, Théâtre des Halles, 14h.