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À Montpellier Danse, le plastique, c’est sacré.

Étrange journée…Le festival Montpellier Danse peut nous réserver une belle surprise en fin d’après-midi et nous propulser plus tard dans une ambiance plombée d’une petite fête entre amis chez Monsieur l’Ambassadeur.

À 17h, Phia Ménard se prépare. Tout autour, le public prend place sur des coussins ou dans les gradins. Je m’assois près d’elle, comme une évidence. Tel un artisan pêcheur avec son bonnet sur la tête et son manteau pour tous les temps, elle découpe des sacs plastiques. Ont-ils été pêchés en Méditerrannée, là où ils prolifèrent jusqu’à menacer durablement la faune et la flore marine ? À moins qu’elle ne les ait attrapés au vol dans la rade de Marseille par temps de mistral. Je n’ai jamais imaginé  retrouver sur la scène d’un festival de danse, ces compagnons d’infortune croisés lors de mes randonnées. «L’après-midi d’un Foehn (version 1)» dure trente minutes. Précieuses secondes où votre corps se laisse porter par les émotions de l’enfance tandis que votre regard balaye l’assistance à la recherche du complice. Délicieux.

À peine entendons-nous la musique de Debussy…à peine percevons-nous le souffle propulsé par les ventilateurs. La délicatesse et une précision millimétrique provoquent une chorégraphie pour que s’envolent ces sacs, métamorphosés en corps humains. L’air est musique. La musique est dans l’air.  Ominprésent dans nos vies (jusqu’à coller à notre intimité?), le plastique devient la matière du mouvement. Il ne porte plus, mais il transporte. Phia Menard convoque  tout un ballet: la danse recycle, régénère et nous libère de la pollution. Elle n’hésite pas en entrer dans le mouvement, à jongler avec eux. C’est un ballet avec nos rêves de danse.

Elle est sur la frontière entre scène protégée et ciel pollué, entre  fragilité et force, entre ordre et désordre. Elle est au coeur d’une cellule régénératrice, celle dont l’énergie métamorphose tout un système. Tel un chorégraphe de l’utopie, Phia Menard est un souffleur de bulles de savon qui viennent se fondre sur notre peau.

Avec elle, l’éphémère est durable jusqu’à tout faire exploser : plus que jamais, les briseurs d’utopie sont à l’oeuvre…

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Quelques heures plus tard, le chorégraphe allemand Raimund Hoghe nous donne rendez-vous pour une création unique. Artiste associé du festival, il a tissé depuis de nombreuses années un lien de confiance avec des spectateurs fidèles. Pour ma part, notre relation a débuté en 2004, ce qui en fait l’artiste le plus chroniqué sur ce blog : « “Young People, Old Voices“(2004), “Cartes Postales” (film ; Arte) ;  «36, Avenue Georges Mandel» , «Meinwärts» (2007) ; « Boléro Variations» et “L’après-midi” (2008), « Sans titre » (2009), «Si je meurs laissez le balcon ouvert»(2010). Raimund Hoghe sait ritualiser mes douleurs et mes deuils. Il orchestre toutes mes cérémonies impossibles. Mais ce soir, je ne suis pas son invité pour «Montpellier, 4 juillet 2011». Le public, composé d’officiels et de VIP, n’est pas celui avec lequel j’ai vibré pendant tant d’années. Dans l’immense cour de l’Agora, (la Cour des grands?), Raimund Hoghe se célèbre face à une assistance hiérarchisée: les artistes devant sur des coussins, les VIP aux premiers rangs (Jean-Paul Montanari, directeur du festival, trônant dans son fauteuil) puis derrière, vous et moi. De ma place, la visibilité est si réduite que je dois me lever.  En reprenant les moments forts de ses oeuvres, Raimund Hoghe nous offre toute l’étendue de son talent. Hors du propos artistique de l’époque, ces extraits me sont  volés le temps d’une soirée.
Ce soir, le corps de Raimund Hoghe est un mausolée institutionnalisé pour célébrer une danse d’État.
Ce soir, Raimund Hoghe est dans les pas de Raimund Hoghe. Pas un seul sac plastique sur scène pour m’accrocher à l’idée que je ne l’ai pas perdu.
Pascal Bély – Le Tadorne.
« L’après-midi d’un Foehn (version 1) » de Phia Menard et « Montpellier, 4 juillet 2011 » le 4 juillet 2011 dans le cadre de « Montpellier Danse ».

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ETRE SPECTATEUR FESTIVAL D'AVIGNON

Il nous faut un projet pour le Festival d’Avignon.

A la veille de l’ouverture du Festival d’Avignon, quels sont ses enjeux? Petit rappel en forme de manifeste…

Nous apprenons peu à peu à distinguer l’artiste de l’homme. C’est presque un enjeu de civilisation. Mais cela reste fragile comme l’ont montré les derniers débats enflammés autour de l’écrivain Louis-Ferdinand Céline et du chanteur Bertrand Cantat. Cette frontière poreuse dévoile nos intentions, une part de nous-mêmes, notre capacité à différencier l’acte de créer avec celui de faire. Entre l’art et la morale, la scène et la salle, le conscient et l’inconscient, l’éducation et la sauvagerie, le spectateur est sur le fil, mais il tisse la toile de ses liens artistiques pour ne pas sombrer dans les propos caricaturaux. Car tout est complexe.
Le spectacle vivant pose la frontière. Il nous permet d’entendre le corps comme un langage, de nous construire une réalité qui n’est pas la vérité. Mais tout cela reste bien fragile. Les conditions peu démocratiques de la nomination d’Olivier Py à la tête du Festival d’Avignon confirment une hypothèse : le jeu du pouvoir efface la frontière. La personne et la grandeur de l’artiste ne font plus qu’un. Qu’importe les convictions (Olivier Py n’a jamais  été tendre avec le pouvoir actuel) : la carrière prime avant tout. Ainsi, l’homme de culture aurait pu refuser cette «promotion» en faisant valoir l’absence d’un processus démocratique. Mais l’homme de pouvoir en a décidé autrement : la forme (la manière) n’a plus aucune importance (cela revient à dire qu’un mouvement dans la danse n’aurait aucun sens tant que la technique est sauvegardée). Le corps ne serait donc plus signifiant face aux mots. Le projet disparaîtrait au profit de l’acte. Comment faire confiance à la politique quand un artiste ne se questionne même plus sur le SENS de sa décision? Ainsi, les spectateurs observent de loin cette comédie du pouvoir sans pouvoir interagir et signer le début d’une autre partie.

Si l’on veut maintenir la frontière, encore faut-il poser le cadre qui permet de la sauvegarder. Or, rien ne vient réguler les rapports de plus en plus incestueux entre le milieu politique et l’artiste. Avec une telle vision monolithique du pouvoir, le milieu de la culture serait-il l’un des secteurs les plus archaïques? Peut-on compter sur la presse ? Elle se contente d’énumérer les règles du jeu. Comme en politique, elle s’amuse des stratégies plutôt que de réfléchir sur le fond. Peut-on s’appuyer sur les élus locaux, à qui l’on impose un homme (sans projet pour l’instant) ? Ils sont eux aussi prisonniers d’un jeu de poker menteur. Peut-on alors faire confiance aux professionnels du spectacle vivant ?  Certains ont signé la pétition en faveur du maintien d’Olivier Py à la tête de l’Odéon puis l’ont regretté après qu’il est accepté le Festival d’Avignon en «réparation». Habitués au positionnement du bas vers le haut, ils pétitionnent dès que la barre verticale montre des signes de faiblesse. Beaucoup d’entre eux confondent d’ailleurs l’acte de programmer avec un geste personnel (il suffit de lire certains éditoriaux dans les présentations de saison pour s’en convaincre) : là aussi, la frontière n’existe plus. Programmer est un acte de pouvoir quasi monarchique aux mains d’une seule personne.

Que proposer? Il faut desserrer le jeu à partir du transversal, puisque perte de la vision il y a. Plutôt que de regarder vers le haut, commençons peut-être par structurer le bas, le côte à côte. Pour mettre fin à ce  pouvoir ridicule de nomination qui infantilise, ouvrons en créant un collectif incluant des  spectateurs éclairés (après tout, ils sont nombreux ceux qui par fidélité s’abonnent, s’engagent dans des projets artistiques participatifs, font de la médiation, ?), des membres de la société civile, des artistes et des professionnels du spectacle vivant. Il serait une force d’appui auprès des décideurs pour positionner le projet global au centre. À l’image du jury du livre Inter, les participants à ce collectif feraient acte de candidature, en le motivant. Ils seraient consultés sur les projets présentés (sans pouvoir de décision, laissé aux politiques) et proposeraient une évaluation qualitative en milieu de mandat. À la statue désignée par le fait du prince, préférons le mouvement du collectif pour nommer le projet. Appliqué pour Avignon, ce processus serait un signe fort : juste retour pour ces milliers de spectateurs profondément attaché au Festival et qui pour l’instant n’ont rien à dire, sinon de sortir leur carnet de chèques.
L’enjeu du théâtre populaire n’est-il pas aussi de créer les conditions pour qu’ensemble nous nous émancipions du pouvoir monarchique. Une réévolution en quelque sorte !
Pascal BélyLe Tadorne
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ETRE SPECTATEUR FESTIVAL D'AVIGNON

Nos recommandations et rendez-vous pour le Festival Off d’Avignon.

Nous y travaillons depuis deux mois. Laurent Boubousson, Bernard Gaurier et moi-même. Nous avons mobilisé les amis sur Facebook (merci à eux). Nous avons lu les nombreux dossiers de presse reçus par mail. Il y a des lieux avec lesquels nous avons un lien de confiance (Le Théâtre des Halles, La Manufacture, La Condition des Soies, les Hivernales,le Théâtre Des Doms, Présence Pasteur) tandis que d’autres nous accueilleront pour la première fois, curieux de découvrir certaines propositions. Création contemporaine, danse, jeune public et tout-petits constituent la carte de ce voyage.

Nous sommes donc prêts pour le Festival d’Avignon. Voici notre sélection pour le « Off » (cliquer ici. Fichier PDF).

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Nous n’irons pas voir les 69 spectacles, mais suffisamment pour pouvoir échanger avec  vous les 17, 19, et 21 juillet 2011 à 11h au Village du Off dans le cadre de « Paroles Publiques » : « Le principe de ces rendez-vous est de réunir des blogueurs expérimentés et ceux qui souhaitent exprimer, faire partager les émotions et les réflexions que leur inspirent les spectacles du OFF. Au terme d’une heure passée ensemble les billets critiques du public, rédigés avec le conseil des chroniqueurs de trois grands sites et blogs de spectacle vivant, pourront être mis en ligne. À chaque séance, seront annoncés les spectacles retenus pour la séance suivante. L’entrée est libre, et vous pouvez assister aux Paroles Publiques même si vous n’avez pas envie d’écrire ! C’est une bonne manière d’entendre parler de ce que les spectateurs du OFF ont aimé. Rencontre animée par Christophe Galent. »

Nous vous communiquerons le 15 juillet sur le blog et sur la page Facebook du Tadorne, les spectacles qui feront l’objet d’un regard critique pour notre rencontre du 17.

Nous vous souhaitons un excellent festival.

La sélection du Tadorne off La sélection du Tadorne off

Pascal Bély ? Bernard Gaurier ? Laurent Bourbousson – Les Tadornes.