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EN COURS DE REFORMATAGE

A Londres, de danser notre c?ur s’est emballé.


Dans l'hebdomadaire culturel londonien (« Time out »), on trouve quelques pages sur la danse, perdues dans la programmation foisonnante de concerts et de divertissements en tout genre. Cet art semble rare  comme si Londres affichait sa toute-puissance financière pour masquer ses fragilités.  Mais ma visite touristique n'aurait pas de sens si je n'approchais pas la danse. C'est elle qui nous permet de ressentir le « corps » social et politique.

Ce soir, rendez-vous à « The Place », beau théâtre rénové, tout entièrement dédié à la danse qui s'apprête à fêter ses 40 années d'existence. Le programme propose cinq « work in progress » où se côtoient chorégraphes émergents et établis.  A la fin de la soirée, on finit par ne plus les différencier comme s'ils se nourrissaient entre eux.

Ce qui frappe d'emblée, c'est la vitalité des propositions. Ici, aucun regard mortifère, mais au contraire, un désir de danser sur la communication, à l'image de ce collectif composé d'enfants et d'adultes, d'amateurs et de professionnels, qui transforme la danse en langage pour mieux s'apprivoiser. C'est un travail sur la diversité qui sait amplifier la différence. Emmené par le chorégraphe Luca Silvestrini, « ?5,6, 7, 8 »  produit une belle dynamique qu'on aurait aimé trouver dans le « City maquette » de Mathilde Monnier présenté lors du dernier “Montpellier Danse” abordant la même forme et le même sujet. Le projet de Luca Silvestrini est à suivre. De près.

On reste éberlué face à ce duo : il est blanc, lui métis. Chorégraphes et performeurs, Colin Poole et Simon Ellis nous proposent avec « Colin, simon and I », vingt minutes sur la rencontre où la séduction marchandisée qui contamine les rapports humains nous ferait presque oublier que le lien avec l'autre est fait de turbulences, où l'approche « animale » entre en conflit avec nos codes sociaux. Cette danse est sincère, car elle vient nous chercher sans démagogie, mais avec détermination : « regardez à quoi nous jouons ». Après ce duo, on s'étonne à peine de voir Déborah Light et son solo « Untitled ». Face à des projecteurs et un flash qui la mitraille, elle nous offre une danse saccadée, où le visage caché par ses cheveux finit par donner à l'apparence des airs de folie. Très troublant.  Autres turbulences avec Zoi Dimitriou et Jos Baker accompagnés de trois figurants avec leurs cerceaux. Ici aussi, on se cherche, on se perd, on se gifle au cas où l'autre n'aurait toujours pas compris. La danse, profondément métissée, emprunte les codes du hip-hop et le lancer de cerceaux sur la scène propulse le danseur dans un espace urbain. La scène change alors de dimension en accueillant la vitesse qui rend notre homme plus seul que jamais. Cet espace complexe où la rapidité du cerceau (objet de consommation ?) rencontre l'humain bouleverse, car la danse nous restitue un miroir sur nos errances.

Ce soir, à Londres, le corps dansé est turbulent. À la sortie, nous ressentons un bien-être troublant, signe que ces chorégraphes « en travail » nous ont inclus dans leur recherche. Leur fragilité devient notre force.

Pascal Bély – www.festivalier.net

Pour prolonger cette invitation à découvrir la danse londonienne, une halte à Créteil entre le 15 et le 17 octobre 2009 pour découvrir le nouveau spectacle de Michael Clark. Renseignements ici.


“Touch Wood 2009” at “The Place” à Londres le 12 septembre 2009 avec:

Luca Silvestrini, “…5,6,7,8”.

Vera Tussing et Albert Quesada, “Your Eyes”.

Colin Poole et Simon Ellis, “Colin, Simon and I”

Deborah Light, “Untitled”

Zoi Dimitriou, “In the process of…”