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EN COURS DE REFORMATAGE

L’étonnante génuflexion de « Vice-Versa ».

Le bonheur est total.

Cela n’a coûté que quelques euros pour un moment unique de théâtre décomplexé et complexe, respectueux, drôle, intelligent, créatif, accessible, ouvert, communiquant, contagieux, stimulant.

Quelques euros pour une table, une lampe au plafond qui monte et descend comme le jouet d’un enfant, deux comédiens échappés d’un film de Woody Allen, une « actrice – metteuse en scène » qui se délecte de brouiller les genres et la vue du spectateur, aidée par des projecteurs de chaque côté, pour plateau de télévision ou de cinéma c’est au choix , selon votre humeur. Cela ne dure que 45 minutes, car le temps ici n’est plus un repère. Cela dépasse effectivement toutes les bornes.

Quelques euros  et c’est à Montévidéo, institution marseillaise positionnée autour des écritures contemporaines.

« Vice – Versa » : tout est dans ce titre jubilatoire du roman de l’écrivain britannique Will Self où il est question d’un rugbyman qui se découvre un vagin dans la cuisse.

« ildi !eldi » : tout est dans le nom de cette compagnie, dans ce ping-pong de corps exclamés, articulés aux mots, où la ponctuation (symbolisée par des arrêts sur images lors des jeux d’acteurs) est une respiration pour repartir à nouveau vers cette intrigue inextricable !

Il y a dans cette mise en scène une créativité propre à cette génération de trentenaire, qui ose arborer le T-shirt avec le logo de la compagnie en lieu et place du célèbre “Che“, qui intègre les codes de la culture internet et de la télévision tout en veillant toujours à ce que le théâtre ait le dernier mot !

« Vice – Versa », c’est une relation qui se tend et se détend tel un élastique entre un patient et son médecin, et qui finit par vous toucher là où cela fait mal mais avec respect et proximité. Ces trois-là ne jouent pas de haut, mais à côté du spectateur tout en gardant la bonne distance qui sied aux acteurs affranchis.

Et l’on se surprend d’être heureux au théâtre, apaisé de ressentir tout à la fois le travail de chacun d’entre eux (Sophie Cattani, François Sabourin et Antoine Oppenheim) et leur dynamique fraternelle dont on a trop vite oublié qu’elle aide à partir au combat.

Pascal Bély – www.festivalier.net

“VICE – VERSA” de Will Self par le collectif Ildi! eldi a été joué du 17 au 25 février 2009 à Montévidéo à Marseille.

En tournée:
Les 27 et 28 mars à la ferme du buisson (Noisiel)
Les 2-3 et 4 avril la rose des vents (Villeneuve d’Asque)
Du 14 mai au 6 juin au théâtre de la cité internationale (Paris)
Les 13 et 14 juin à l’hippodrome (Douai)
et pour un nouveau projet en collaboration avec Dan Safer aux Subsistances (Lyon) les 23-24-25 et 26 avril

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FESTIVAL MONTPELLIER DANSE

Alain Buffard renverse Montpellier Danse et bouleverse le Théâtre du Merlan.

Incident grave au Théâtre du Merlan de Marseille, situé dans les quartiers nord de la ville, lors de la représentation le samedi 21 février 2009, de « (Not) a love song » du chorégraphe Alain Buffard. Après seulement trois minutes de représentation, le guitariste Vincent Ségal a ordonné le départ de (jeunes) spectateurs manifestement trop bruyants. Alain Buffard est ensuite monté sur scène pour exiger que tout un groupe quitte la salle. Manifestation du public, départ de spectateurs (dont des représentants de tutelles), impuissance de la direction du Théâtre.  

Nous reviendrons plus tard sur cet incident afin de porter un regard distancié sur ce qu’il est aujourd’hui : le symptôme d’une désarticulation.

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L’époque est aux chansons d’amour. Après le magnifique dernier film de Christophe Honoré, la danse s’empare du sujet avec jubilation, gravité et dérision. Le chorégraphe Alain Buffard fait l’évènement (et salle comble) à Montpellier Danse avec « (Not) a Love Song ». À l’issue de la représentation, le public fait un triomphe à celui qui vient de le faire rire jusqu’aux larmes, de l’émouvoir jusqu’aux frissons. Cette création est une performance d’acteurs où le moindre mouvement du corps et la plus petite note de musique participent à une fresque cinématographique chantée, dansée où s’incarne tout à la fois Marlene Dietrich, Bette Davis, Lou Reed, David Bowie et James Brown ! Pour réaliser cette prouesse, Alain Buffard a réuni sur le plateau quatre artistes d’exception : le performer – danseur-chanteur- musicien américain Miguel Gutierrez, la chorégraphe et chanteuse Portugaise Vera Mantero, l’Italienne Claudia Triozzi et le musicien français Vincent Segal. À eux quatre, ils redessinent les contours d’une oeuvre transdisciplinaire où le spectateur lâche prise à l’infini et finit pas se sentir agréablement vulnérable !
Elles sont deux femmes, stars déchues du cinéma. Les fans les abandonnent à leur quotidien, réduit à cet espace scénique où le miroir les renvoie à leur passé glorieux, leur garde-robe à leurs anciennes coulisses et les quelques marches du salon à leur palais des Festivals. Elles ont tout perdu et la scène leur offre l’opportunité pour tout balancer. À partir de répliques extraites des grands classiques du cinéma, elles chantent ce qu’elles ne peuvent plus dire. Elles vont au cinéma pour permettre aux fans « les plus intelligents »  de les observer se regarder à l’écran ! Ainsi qualifié, le public de Montpellier Danse peut s’en donner à c?ur joie pour scruter le moindre fait et geste de ce duo hors pair. Nous serions presque au cinéma si la présence du musicien et du chanteur ? performer n’étaient là pour nous rappeler qu’entre danse, théâtre, 7ème art, défilé de mode, les frontières ne tiennent plus à grand-chose, face à cette tragédie des temps modernes, où la starisation conduit à la perte de soi.

Alain Buffard aime ces deux actrices, car, au-delà des apparences, c’est d’amour et toujours d’amour dont il s’agit. Cette tragi-comédie s’inscrit dans un espace tout à la fois vertical et horizontal, où votre regard ne se perd jamais tant le tout est cohérent. Les corps sont là pour nous rappeler que la danse n’est pas l’art du divertissement, mais de la transformation pour comprendre l’indicible. À quatre, ils métamorphosent tout sur leur passage comme s’il fallait réapprendre le lien, le sentiment amoureux (quitte à clamer « je ne t’aime pas») loin des codes hystériques des fans. Et aussi étrange que cela puisse paraître, Alain Buffard nous replace dans leur histoire (de fous et de folles) où le rire est le plus beau des chants d’amour.

Pascal Bély – Le Tadorne

“(Not) a love song” d’Alain Buffard a été joué les 23 et 24 juin 2007 dans le cadre du Festival Montpellier Danse.

  Crédit photo: Marc Domage

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ETRE SPECTATEUR

« Le conseil de la création artistique » par Mathilde Monnier.

En 2008, j’ai cherché de nouvelles articulations entre le spectateur – blogueur et les institutions culturelles. Rares sont les théâtres qui qualifient positivement ma démarche. Rares sont les responsables des relations avec le public qui ont « relationné » autour du blog. Quasiment aucun commentaire des professionnels de la profession sur le site à l’exception des artistes qui manifestent un intérêt pour mon engagement. Pour simplifier, on m’a souvent catalogué de « critique amateur », de « spectateur emmerdeur », rarement comme une émergence de ces nouvelles figures de l’amateur en provenance de l’Internet. Dans l’ancien modèle, celui des organisations pyramidales, je n’ai aucune place. Dans le nouveau, celui des réseaux et des structures transversales, j’en suis un des éléments dynamiques. Pourtant, l’intention d’écouter autrement le public, de l’aider à faire son « travail » de spectateur n’a jamais été autant affichée par le management culturel, autant déclinée sur des terrains “sensibles” par des médiateurs. Il est probable que le blog ne soit pas la meilleure façon de s’articuler. On y réfléchit, car finalement personne ne sait comment décliner le nouveau modèle. La chorégraphe Mathilde Monnier en saurait-elle un peu plus lors de cette soirée au Centre Chorégraphique National de Montpellier, lucidement nommée  ]domaine public[ ? Est-ce le commencement de la fin comme elle le laisse entendre dès le début de la représentation ?

Justement, tout commence par la fin, par un jeu de rôles improvisé sur scène. Des spectateurs face à des artistes un soir de clôture d’un festival fictif (sur les « émergences »…toute ressemblance avec…). On y évoque une pièce qui a fait l’événement. L’auteur, le metteur en scène, les comédiens, le directeur, le journaliste, et le public campent sur leurs positions dans un jeu de rôles écrit d’avance. On s’y voit déjà car vu et entendu tant de fois ! Un caméraman filme pour que nous puissions scruter le visage des artistes interviewés. C’est de la télé-réalité. Nous voilà donc observateurs d’un jeu, d’un système, qui s’est progressivement installé dans les théâtres et les festivals sans que les artistes et la presse n’interrogent ce modèle interactionnel rigide, dépassé, qui consolide des relations verticales d’une autre époque. Le jeu est drôle, subtilement joué. Personne n’occupe sa fonction dans la durée ; chacun est invité à changer de place à mesure que le jeu se déroule. Ainsi, le directeur du festival se retrouve quelques diatribes plus tard, spectateur et l’on cherche en vain la différence. C’est un jeu de rôles sur un jeu de rôles. La critique est acide, mais salvatrice.

La deuxième partie de la soirée étonne ! Les danseurs de Mathilde Monnier jouent la pièce en question. Les frontières entre réalité et fiction brouillent : et que ce serait-il passé si nous avions vu ce spectacle en premier ? Aurions-nous ri ainsi ? En inversant les prémices, Mathilde Monnier insinuerait-elle que le regard que nous portons sur l’oeuvre est déterminé par notre positionnement de spectateur à l’égard des artistes et des institutions ou par ce que nous savons de la critique sur elle ? Je ressens un malaise intérieur. Bien joué.

Mathilde Monnier poursuit sa modélisation à l’image d’une pyramide qu’elle inverserait. Place au terrain ! C’est ainsi qu’arrivent 30 amateurs, briefés le temps d’un week-end, moniteur vidéo en appui (ici la télévision guide…) pour une danse apaisante de vingt minutes. Comme un puzzle qui s’agencerait sous la forme d’une fresque, adultes et enfants dansent un langage des signes, métaphore d’une communication différente, où finalement la figure de l’amateur a toute sa place. La scène devient alors cet espace partagé, où la créativité du «terrain » peut s’y exprimer. C’est là que pourrait se jouer l’ouverture des institutions où artiste- public- professionnels expérimenterait des modalités transversales de communication. C’est peut-être de cela que nous avons besoin dans cette période chaotique, comme le moteur d’une nouvelle croissance. Et ce n’est pas un hasard si, à la fin du spectacle, nous sommes nombreux dans le hall du Centre Chorégraphique à échanger nos impressions sans le recours à une table ronde d’après spectacle !

C’est cela que comprend Mathilde Monnier, plus accessible que jamais ce soir là, à qui j’envoie un amical remerciement pour ce domaine ouvert vers une société métissée.

Pascal Bély – www.festivalier.net

]domaine public[  a été joué le 31 janvier au Centre Chorégraphique de Montpellier

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EN COURS DE REFORMATAGE

Aux Hivernales d’Avignon, étrange spectateur (Compagnie Mossoux-Bonté).

Quelles sont les intentions du Festival « Les Hivernales » d’Avignon de choisir chaque année un thème (« l’étrange » pour la 31ème édition) ?

N’est-il pas décalé pour une institution culturelle de créer en 2009 une case dont la fonction aujourd’hui, n’est autre que de simplifier, de rendre lisible le complexe? Précisément, c’est d’ouvertures, de passerelles, d’articulations dont nous avons besoin. « L’étrange » peut-il donc remplir cette fonction de nous éclairer sur la complexité  de nos sociétés globalisées? Attendons la suite de la programmation, mais au regard du premier spectacle présenté (« Nuit sur le monde » de la Compagnie Mossoux-Bonté), il y a de quoi douter et être passagèrement de mauvaise humeur.

Coller « l’étrange » à la danse ne la réduit-elle pas à l’illustrer, à lui donner une fonction qui n’est pas la sienne. La danse n’illustre pas, ne démontre pas ; elle ouvre des espaces pour penser l’impensable, elle dépasse le clivage statique / mouvement pour être sur la dynamique du sens. Or, cet après-midi, dans un cadre dont il est bien difficile de se défaire (la thématique de l’étrange est rappelée avant et après le spectacle via les affiches, les annonces au micro, les commentaires à la sortie), la danse a donc illustré, déboussolant un public qui applaudit mollement les pièces d’un puzzle difficile à agencer. La thématique rend donc le spectateur paresseux puisqu’il l’oblige à relier le complexe à une rationalisation.

Comment donc évoquer ce spectacle sans tomber dans le travers de l’illustration, de la simplification? En essayant malgré tout de “travailler” un tout petit peu. Au cours de la représentation, je me suis étonné à ne jamais lâcher la thème de l’étrange ; il m’obsédait. J’ai tenté quelques échappatoires pour finir par comparer le travail de Nicole Mossoux et Patrick Bonté à celui d’autres chorégraphes. À vouloir sortir d’une thématique, j’en ai créé peut-être une autre ! A vous de juger.

Ce n’est pas la danse de l’étrange dont il s’agit ici, mais bien celle d’un courant chorégraphique dans lequel le spectateur est régulièrement invité à s’immiscer dans les différents festivals (Avignon, Bruxelles, Montpellier, Paris, …).

Une danse de l’humanité, symbolisée par des fresques comme pour mieux revenir aux origines (merveilleusement dépeint par Maguy Marin dans « May B“, joliment dansé par Paco Décina dans « Fresque, femmes regardant à gauche », ancrée dans l’argile de Miquel Barcelo par Joseph Nadj). L’art rupestre pour inscrire la danse dans les profondeurs de l’histoire. Ici, c’est beau à voir.

[youtube=http://www.youtube.com/watch?v=-upVUyaFpr4&w=425&h=344]

Une danse de l’humanité, où les procédures de la société moderne font danser les bas-reliefs statiques des représentations figées d’antan. Lors du deuxième tableau, nos six danseurs recouverts d’un peignoir, quittent la terre pour la lumière blafarde de la modernité. Dans une mécanique immuable, la danse se veut contemporaine, conceptuelle, en dehors des affects. En représentation. L’image est danse. L’influence de Roméo Castellucci est palpable là où j’aurais aimé le culot de Christian Rizzo, le propos provocateur de Kris Verdonck. Ici, c’est lassant à regarder.

Une danse de l’humanité où l’on ne sait plus très bien où nous allons. Dans ce dernier tableau, nos danseurs groupés, assis par terre, finissent par venir vers nous dans une lumière rouge sang, jambes coupées puis finalement debout. Ils reculent puis s’effacent. Il y a pourtant à ce moment précis, une possibilité pour la danse d’ouvrir un chemin pour ce futur que l’on nous promet si chaotique. La poésie, la vision effleure et disparaît là ou le chorégraphe Joseph Nadj aurait débuté son propos. C’est frustrant de l’imaginer.

« Nuit sur le monde » est une jolie danse conceptuelle où le mouvement s’incarne par la  dynamique de l’évolution de la condition humaine et de ses paradigmes. Mais ce « courant » vu tant de fois ailleurs, donne l’étrange impression que la Compagnie Mossoux-Bonté arrive un peu tard.

Étrange d’être à ce point décalé.

Pascal Bély – www.festivalier.net

” Nuit sur le monde” par la Compagnie Mossoux-Bonté a été joué le 21 févrrier 2009 dans le cadre du Festival “Les Hivernales” d’Avignon.

Photo: M. Wajnrych.

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Consulter la rubrique danse du site.

A lire aussi, Aux Hivernales d'Avignon, la danse contemporaine fut.

 

 
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ETRE SPECTATEUR

Spectateurs, artistes: et si nous prenions ensemble la parole ?

Est-ce un frémissement ? Le Théâtre de la Colline de Paris affiche complet : des spectateurs de tous âges sont amassés partout, entre les gradins, pour une parole à l’unisson entre artistes et public. Comme le fait remarquer une spectatrice : « notre réunion est en soi un acte artistique ». Sylvain Bourmeau, journaliste à Mediapart, demande à tous un effort de transdisciplinarité.

Objet d’un tel rassemblement : le Ministère de la Culture fête cette année ses 50 ans et semble  menacé. Pour l’ensemble des participants, l’initiative du Gouvernement de créer un conseil de la création artistique présidé par Martin Karmitz, et supervisé par Nicolas Sarkozy, converge vers le modèle anglo-saxon qui prône le désengagement de l’Etat en matière culturelle et semble sonner le glas du ministère créé sous l’impulsion de Jean Vilar en 1959.

A plusieurs reprises au cours de la soirée, les intervenants font référence à l’article d’Olivier Py dans le Monde du 14 février où il reprend une phrase écrite par André Malraux à Jean Vilar: « peu importe que vous soyez communiste ou non, votre projet est d’intérêt général, c’est ce qui importe ». On cite également la loi Lang du 10 août 1981 (une émergence de la volonté des acteurs de terrain) qui permet à Nicolas Bourriaud d’indiquer l’aspect incantatoire des politiques culturelles menées depuis lors et particulièrement la volonté de démocratisation réitérée au fil des mandatures.

Sylvain Bourmeau fait le lien avec la récente initiative de Pascale Ferran à propos des « films du milieu ». Pour la cinéaste couronnée aux Césars, il s’agit de fédérer « la chaîne de coopération » qui existe dans toute entreprise culturelle, et notamment dans celle du cinéma. En s’entourant des différents métiers de la chaîne cinématographique, Pascale Ferran a créé un groupe de travail idoine avec pour mot d’ordre « si on se fait chier, on arrête ». Tel ne fut pas le cas. Après avoir été reprises par les instances du Centre National de la Cinématographie, leurs propositions sont actuellement en cours de validation par le ministère de la culture. Avec la perspective d’une probable approbation.

Alors, que peut faire le spectacle vivant pour reprendre l’initiative ? Pour Robert Cantarella, l’ouverture en octobre dernier, du « 104 » à Paris est une des réponses, à savoir un lieu voulu comme un outil de la « transmission permanente » entre l’artiste et le spectateur, où l’animation et la création sont intiment liées. Ainsi, les artistes en résidence ont pour obligation d’ouvrir les portes de leurs ateliers aux spectateurs. Pour donner à voir le processus artistique. Car il s’agit « d’être préhensible avant d’être compréhensible ». Ils n’ont pour l’instant rencontré aucune résistance de la part des artistes invités.

Robert Cantarella constate que dans le domaine du spectacle vivant, l’argent est essentiellement placé « sur la scène ». Peu hors de son périmètre. Alors même que le secteur privé se préoccupe de ces alentours (il cite en plaisantant les glaces Häagen-Dazs, partenaires de nombreuses structures du secteur privé).

A ce titre, Jean-Louis Fabiani indique que 284 formations de médiation culturelle ont été recensées en France en 2008. Pour Robert Cantarella ce chiffre est porteur de sens. Il ne s’agit pas d’une « couche graisseuse » inutile entre les artistes et les spectateurs. Au contraire. Pour Nicolas Bourriaud, la « couche graisseuse » actuelle est la critique.

Car loin de la volonté gouvernementale d’instaurer des « pôles d’excellence », ces médiateurs permettent de faire émerger, de rendre visibles, les initiatives artistiques.  La survisibilité de ces « pôles d’excellence » vise à couper ce qui fait tenir le visible. Tous soulignent le rôle de ce « terreau » d’initiatives, de ces viviers d’artistes, du « saupoudrage » dénoncé de subventions qui permet l’entretien du visible. Tous dénoncent la montée en puissance d’un populisme qui préfère le  bon mot à un accompagnement parfois laborieux. Tous estiment que ce sont les prises de position des artistes qui permettent de travailler la transversalité si nécessaire pour produire des propositions à la fois adéquates et pertinentes.


Alors, comment prolonger le débat de la Colline, ici et là, à Paris et en région ?

Les contributeurs du Tadorne se proposent d’impulser,  d’animer, au sein des théâtres, des collectivités publiques, des entreprises, les rencontres entre artistes et spectateurs autour de quelques questions :

–          Dans une société ouverte et mondialisée, comment impulser une communication créative entre acteurs culturels et publics capable d’être une force de proposition auprès des pouvoirs publics?

–          Comment rendre lisibles les nombreuses actions innovantes qui relient la création et l’animation ? Quels rôles peut y jouer Internet ?

–          Comment initier et promouvoir les actions transversales qui participent à l’élaboration d’une politique culturelle globale ?

–          Alors que Jean-Luc Godard répondait à un spectateur qui se
plaignait de ne pas avoir compris son film « c’est parce que vous n’avez pas assez travaillé », quels sont les espaces de travail qu’il faut créer ?


Si toutes ces questions font écho chez vous, sur votre territoire, dans votre collectif, alors co-animons ce débat et alimentons la démarche initiée au Théâtre de la Colline.

Contacts:


elsa.gomis@gmail.com

pascal.bely@free.fr

www.festivalier.net

Nos profils sont également sur Facebook.


D’un ministère de la culture à un conseil de la création artistique“,
une soirée-débat au théâtre de la Colline en partenariat avec Mediapart, le 16 février 2009

Aux côtés de Sylvain Bourmeau, journaliste à Mediapart chargé d’animer les débats : Pascale Ferran, cinéaste, Jean-Louis Fabiani, sociologue, Robert Cantarella, directeur artistique du 104 et Nicolas Bourriaud, directeur de la Tate Britain à Londres.


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EN COURS DE REFORMATAGE

Evelyne a disparu (La Zouze Compagnie).

C’est la chronique d’une fête désenchantée. Pourtant, j’y suis allé avec envie, confiance et détermination.

Parce que c’est eux. “La Zouze”, compagnie animée par le chorégraphe Christophe Haleb. En 2008, elle nous avait fait divaguer dans un hôpital psychiatrique d’Uzès puis embarqué dans un « Domestic Flight » turbulent sur le genre.

Parce que c’est moi. Depuis le début de cette année de crise, je veux bouger, m’inclure dans un flux artistique et non me cantonner dans une posture qui pourrait se rigidifier.

Parce que c’est nous. En ces temps anxiogènes, de tape-à-l’?il et de « bling – bling », il est si rare d’être invité pour 10 euros à passer une soirée avec « Evelyne », héroïne de cette soirée, une parfaite inconnue.

Le rendez-vous. Samedi soir, 20h30, au Palais de la Bourse, siège de la Chambre Economique et d’Industrie de Marseille, sur la Canebière. Le Théâtre du Merlan squatte ce lieu du second Empire pour deux soirées avec « Evelyne House of Shame », articulation prometteuse entre le cabaret, le bal, et l’underground de Marseille (sic).

L’ambiance. Comme pour une réception chez l’Ambassadeur, nous sommes nombreux à divaguer dans le hall de la Chambre. Au c?ur de ce lieu du commerce, nous voilà, pauvres consommateurs fauchés par la crise, à attendre. Quelques groupes se forment ; le monde est si petit à Marseille. Pas assez connu (je suis aixois !), je cherche ma place, mais c’est sans compter sur l’un des acteurs de la Zouze qui s’avance dans le hall. Déguisé pour le bal, il s’approche. J’évoque “Uzès Danse “; il me présente à une spectatrice. C’est cela La Zouze : lier.

Vive la crise !  Le public monte les escaliers. Une dizaine d’acteurs, costumés de perruques et d’ornements d’une époque passée et à venir, gravit les marches main dans la main avec les spectateurs, pour les descendre aussi tôt. Le Festival de Cannes n’a qu’à bien se tenir. Cette montée, au c?ur de ce palais économique et financier, démontre que l’art peut y circuler et faire bon ménage avec le capital. Alors que la « Princess Hanz » chante « Money money » en jetant des ronds de papier, j’hurle avec eux du haut du troisième étage en pensant aux 13 milliards d’euros de bénéfice de Total. On croirait à une manif où le citoyen réinvestirait avec les artistes une sphère dont il est de plus en plus exclu. Mais en reliant la Chambre de Commerce à l’argent qui coule à flot, la Zouze se prive de l’investir comme le lieu d’un commerce de l’immatériel, celui qui nous aidera à sortir de la crise.


Le retour à l’ordre. Le peuple est là, auprès de La Zouze, à circuler verre de champagne à la main, dans cette salle de réception. Les personnages rodent autour de cette Evelyne absente et omniprésente. Elle est l’Autre, le « je » caché, cette diversité, cette créativité, que notre société censure. Nous buvons à la santé des comédiens, au retour des artistes sur la scène économique et politique ! Du haut de la barricade faite de plastique à l’image d’une ?uvre d’art contemporain, l’acteur Arnaud Saury nous invite délicieusement avec son texte baroque, à nous métamorphoser en « Evelyne », à baisser nos barrières de défense.

Mais la suite du bal, n’apportera rien de plus. On nous habille de robes en crépon pour les dames, d’uniformes en papier pour les messieurs ; nous défilons à l’image d’une société qui ne promeut que l’individu. On nous fait danser à deux, puis en farandole, dans des mouvements si mécaniques que l’on en perd le sens. Les rituels d’une soirée de mariage émergent peu à peu. L’art se dilue dans des pratiques collectives si connues que l’on en vient à s’ennuyer ferme. L’artiste signe son impuissance à créer le « vivre ensemble » en dehors des sentiers battus.

Evelyne a disparu. L’absence d’articulation entre les dernières séquences (mini cabaret où le public est assis au pied des artistes ; séance de relaxation pour quinze spectateurs « élus » dans une salle d’un conseil d’administration !) dilue le propos artistique et la dynamique sociale.

Il manque à ce bal artistique un ancrage. Alors que Marseille s’apprête à être capitale européenne de la culture en 2013, que souhaitons-nous faire ensemble ? Peut-on continuer à se retrouver entre blancs, entre professionnels et amateurs de culture, dans un lieu à ce point coupé de la ville et de ses réalités sociales. La suite, programmée dans le trés huppé Festival de Marseille, n’annonce rien de bon.

Mais que nous arrive-t-il pour avoir si peur de nous ouvrir ?

Pascal Bély

www.festivalier.net

Evelyne House Of Shame” de Christophe Haleb par la Zouze Compagnie a été présenté les 13 et 14 février 2008 dans le cadre de la programmation du Théâtre du Merlan. Suite au Festival de Marseille en juin prochain. On préfera danser à Montpellier ou Avignon.

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ETRE SPECTATEUR

Chronique d’une spectatrice ordinaire.

Au lendemain du sacro Saint Valentin, deux histoires d’amour, mais hélas, pas deux histoires de l’art.
« Je t’ai épousée par allégresse »
, une pièce de Natalia Ginzburg mise en scène par Marie-Louise Bischof Berger avec Valéria Bruni-Tedeschi et Stéphane Freiss puis, en début de soirée, « Elle et lui », un film réalisé en 1957 par Leo Mac Carey avec Gary Grant et Deborah Kerr.

Se retrouver d’abord avec des amis au Théâtre de la Madeleine. Pour un rendez-vous avec la vacuité. Au point de ne savoir qu’écrire. Car comment décrire le vide ? Ce n’est ni drôle, ni intelligent, ni engagé, ni percutant, ni triste, ni rien.

C’est le théâtre du consensus mou, de la légitimation par la scène des acteurs de cinéma. Cela ne suffit pas pour donner du sens à une démarche artistique. Et c’est dommage pour Valéria Bruni-Tedeschi qui m’avait pourtant beaucoup touchée dans ses réalisations et tout particulièrement dans son premier film : « Il est plus facile pour un chameau… ».

Aujourd’hui il est plus facile de rester dans sa case sociale. Valéria a sans doute souhaité en sortir. C’est déjà louable, même si cela ne nous a pas permis de passer un bon moment.

Avant la séance de cinéma, une visite imprévue chez une amie. Elle vient de terminer un contrat de six mois à la Croix-Rouge, au sein de la permanence  d’accueil de demandeurs d’asile à l’aéroport de Roissy, la première par le nombre de demandeurs, soit presque 95% des demandes d’asile à la frontière.

Elle n’a tenu que six mois, mais elle en est fière, car au royaume de l’injustice humaine quotidienne, six mois c’est une éternité.

Elle a besoin de parler. De parler pour exorciser.

Alors, elle parle de son impuissance à accueillir dans des conditions dignes des gens venus chercher en France l’eldorado de la Liberté, de l’Égalité et surtout, de la Fraternité.

Absence de moyens, mais surtout, absence de c?ur, d’humanité. Besoin de rappeler les valeurs pour retrouver le sens de tout ça. Et en tête, les grands principes fondateurs du mouvement international de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge : « Humanité, impartialité, neutralité, indépendance, volontariat, unité et universalité ».

Au sein d’eux, et avec le vécu du terrain : d’accord pour la neutralité, pas d’accord pour l’humanité.

Quelle humanité quand sa responsable lui fait une crise d’autoritarisme alors qu’elle prend l’initiative d’accompagner un réfugié malade chez le médecin ? Quelle humanité quand il est malade d’avoir passé une nuit de décembre dans la rue, devant la Préfecture de la République française à tenter d’obtenir un titre de séjour ? Quelle humanité, après tous ces reproches, de lui demander en plus et avant tout s’il était contagieux ?

Des exemples plein la tête de journées comme celle-ci où la Croix-Rouge fait du zèle avec la neutralité pour jouer la complaisance avec les objectifs de reconduite du Gouvernement.

Besoin de témoigner. Besoin de dire qu’être un humain dans un monde où seule la rationalité du nombre de reconduites à la frontière compte, souvent, ce n’est rien. Besoin de ne pas avoir à se faire de carapace pour regarder la réalité en face.

Et s’interroger sur la place pour l’humanité dans tout ça. Que ressentent les policiers chargés des reconduites quand ils lient et insonorisent les sans-papiers. Que se passe-t-il au fond de leur c?ur ? Quelle est la place de l’amour dans tout ça ?

Et puis la quitter pour aller au Festival du film romantique pour voir « Elle et lui ».Une histoire d’amour. Une histoire qui débute par une comédie, par un chassé-croisé amoureux, sous fond de croisière le long de la Côte d’Azur. Et puis la croisière ne s’amuse plus. Et après la légèreté, survient le drame. Subtilité du jeu des acteurs. Jolis jeux de regards. Dénouement subtil et happy end non souligné. Nous passons un délicieux moment au Studio 28. Un cinéma indépendant de la butte Montmartre entièrement refait, mais qui respire l’histoire du cinéma : il y a des traces des passages de Jean Marais, de Woody Allen et d’Agnès Varda notamment. L’équipe du cinéma est accueillante, investie, sympathique. Nous repartons conquises.

Alors quoi?

Relisons ensemble le Discours de Suède prononcé par Albert Camus lors de la cérémonie de remise de son prix Nobel de littérature. Cette même année 1957.

Je peux bien sûr indiquer par un lien l’intégralité de ce texte : http://pppculture.free.fr/camus.html. Mais je préfère au surplus vous en délivrer quelques morceaux choisis, comme pour mieux bâtir des passerelles avec les réalités de 2009.

Pour remercier le jury du Nobel, Albert Camus évoque sa condition d’écrivain : « riche de ses seuls doutes ». Ce pied-noir (et non, ils ne sont pas tous des suppôts en puissance de Jean-Marie), évoque d’abord sa condition d’écrivain : « L’art n’est pas à mes yeux une réjouissance solitaire. Il est un moyen d’émouvoir le plus grand nombre d’hommes en leur offrant une image privilégiée des souffrances et des joies communes ».

Puis il ajoute que le seul parti qu’auraient à prend
re les artistes en ce monde serait «celui d’une société où, selon le grand mot de Nietzsche, ne régnera plus le juge, mais le créateur, qu’il soit travailleur ou intellectuel. »

Conscient de l’ampleur de la tâche à accomplir, il ajoute « Aucun de nous n’est assez grand pour une pareille vocation. Mais, dans toutes les circonstances de sa vie, obscur ou provisoirement célèbre, jeté dans les fers de la tyrannie ou libre pour un temps de s’exprimer, l’écrivain peut retrouver le sentiment d’une communauté vivante qui le justifiera, à la seule condition qu’il accepte, autant qu’il peut, les deux charges qui font la grandeur de son métier : le service de la vérité et celui de la liberté ».

Ensuite, avec des mots d’une actualité intacte : « Chaque génération, sans doute, se croit vouée à refaire le monde. La mienne sait pourtant qu’elle ne le refera pas. Mais sa tâche est peut-être plus grande. Elle consiste à empêcher que le monde ne se défasse. Héritière d’une histoire corrompue où se mêlent les révolutions déchues, les techniques devenues folles, les dieux morts et les idéologies exténuées, où de médiocres pouvoirs peuvent aujourd’hui tout détruire, mais ne savent plus convaincre, où l’intelligence s’est abaissée jusqu’à se faire la servante de la haine et de l’oppression, cette génération a dû, en elle-même et autour d’elle, restaurer à partir de ses seules négations un peu de ce qui fait la dignité de vivre et de mourir ».

On pourra avancer que la démarche est pédante.

Facile. Oui, car faire appel à un grand auteur devenu une référence de la littérature mondiale est sans doute facile.

Mais ce blog n’a plus à prouver son soutien à la culturelle actuelle.

Et puis quoi de plus vivant que ces paroles prononcées il y a 50 ans? A l’heure où se signait le traité de Rome?

Que nous demandent-elles?

Elles nous rappellent que nous, tous, spectateurs, artistes, acteurs culturels, blogueurs, pas blogueurs, journalistes, aspirants journalistes, repousseurs de journalistes, lecteurs, nous tous là, les gens de ce petit monde pas si petit, nous sommes dans le même bateau.

Le bateau des valeurs humanistes, créatrices et résistantes, contre la vacuité de la société de la seule consommation. Contre la société où seules les têtes d’affiche suffisent à monter un spectacle des milliers d’euros. Contre la vacuité d’un produit culturel diffusé après étude de marché, et où dès lors, on est toujours sûr de ce sur quoi on va tomber. Où l’on n’est jamais surpris. Contre l’horreur d’une société où l’on demande d’abord s’il était contagieux, pas si aujourd’hui il est vivant. 

Alors, quoi encore?

Alors surprenons-nous les uns les autres. Nous qui sommes dans le même camp. Nous qui au fond, rassurez-moi, ne perdons pas de vue l’essentiel.

Travaillons ensemble avec ténacité et courage. Pourquoi pas à partir des propositions du Tadorne, pourquoi pas à partir d’autres.

La porte est ouverte et derrière, il n’y a que des mains tendues.

Alors oui, je connais la chanson. On me rétorquera que le spectacle de David Bobée  (« nos enfants nous font peur quand on les croise dans la rue ») est simpliste, naïf. Qu’il y a aussi cette scène, avec une femme blanche et un homme noir. Je les entends se pâmer : « oh ! C’est beau l’amour ! ». Et bien oui. Putain c’est beau l’amour.

Et on a du pain sur la planche les amis.

Elsa Gomis.

www.festivalier.net

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ETRE SPECTATEUR LA VIE DU BLOG

Washington-Paris-Mens-Avignon- Brazzaville – Gennevilliers (2/2): le projet du blog « Le Tadorne ».

Nous avions beaucoup aimé, « Nos enfants nous font peur quand on les croise dans la rue » par David Bobée.

Sur son invitation, nous sommes revenus le 7 février au Théâtre de Gennevilliers pour une nouvelle représentation dans le cadre d’une soirée de parrainages citoyens envers les sans-papiers. Fidèle à l’esprit de la Révolution Française, cette soirée fraternelle fut un acte de résistance. Des spectateurs se sont regardés, des enfants ont pu courir dans un théâtre, des étrangers ont pu sourire sur un plateau, et finir par applaudir debout l’?uvre percutante, généreuse et fébrile de David Bobée et Ronan Cheneau.

Le puzzle qui s’est agencé au travers du précédent article a donc dessiné la route. L’impulsion fut donnée par Martine Silber, auteure du blog Marsupilamima,  pour renouveler notre écriture de blogueur lors du prochain Festival d’Avignon.

La demande fut formulée par Pierre Quenehen, directeur du festival de Mens alors!, pour articuler la parole du public avec le blog du Tadorne.

Des professionnels du social et de la culture des collectivités locales nous ont contactés pour penser avec nous leur positionnement afin de créer une relation plus ouverte, plus créative envers le public.

Au final, le metteur en scène David Bobée a semé le doute puis suscité le désir de nous ouvrir autrement.

Ainsi, nous décidons d’orienter le blog « Le Tadorne », non plus vers une seule forme d’écriture, mais vers des contributions croisées (débats entre spectateurs notamment). Dans les prochaines semaines, nous allons :

– Créer différents groupes sur Facebook pour mettre en réseau les spectateurs, les artistes, les festivals, les institutions;

– Créer un forum pour croiser les expériences d’articulations et de mise en lien créatives qui dépasseront le seul cadre culturel ;

– Ecrire non plus sur ce que nous voyons (bien, pas bien) mais sur ce que nous articulons ;

– Nous appuyer sur un nouveau moteur de recherche, celui d’Un Air de Théâtre,  pour avoir une vision globale des différentes contributions des blogs culturels.

La notoriété du blog « Le Tadorne » nous permet maintenant d’offrir un espace d’expression à tous ceux qui sont engagés dans une parole et des actes décloisonnants.

Le lieu du lien.

Le lieu de la proposition et de l’action.

En clair, nous souhaitons fabriquer un outil de travail, un levier pour ensemble créer sur le terrain des articulations créatives.

« Le Tadorne » a besoin de tous ceux qui ont choisi une communication transversale pour :

– Promouvoir  les artistes qui accompagnent notre société à changer de paradigme (des schémas rationalistes enfermants au modèle ouvert de la communication circulaire ; de la pyramide au cercle).

– Articuler les fonctionnements institutionnels aux processus décloisonnants de la création artistique.

– Elargir les publics par une vision circulaire de la communication à partir de valeurs rassembleuses.

Cette démarche porteuse de sens est à nos yeux le moteur de la croissance dans un monde immatériel.

Pour travailler nous choisissons six axes d’inspiration :

-Les réflexions du philosophe Bernard Stigler : la culture est le moteur du développement ; la figure de l’amateur éclairé qualifie autrement le spectateur ;

-La pensée d’Edgar Morin : intégrer la culture dans le cadre d’une politique de civilisation ;

– Les travaux du sociologue Michel Maffesoli sur la postmodernité ;

– La cinéaste et plasticienne Agnès Varda, auteure des « Plages d’Agnès »: la sincérité, le lien de confiance, la créativité et la liberté ;

– « Le coeur glacé » roman d’Almudena Grandes,  David Bobée metteur en scène de “Nos enfants nous font peur quand on les croise dans la rue” : la rage, la volonté de dépasser l’inacceptable ;

-« La mélancolie des dragons » Philippe Quesne et « Les Sisyphes » de Julie Nioche : l’éloge à l’inutile comme acte de résistance et de création.

Rendez-vous en Avignon, à Mens, dans votre collectivité, chez vous.

« L’avenir n’est pas ce qui va arriver, mais ce que nous voulons faire » (Bergson).

Elsa Gomis – Pascal Bély

www.festivalier.net

elsa.gomis@gmail.com – pascal.bely@free.fr

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EN COURS DE REFORMATAGE

Le spectateur cuisiné, Au Ring, scène d’Avignon: 1er épisode.


Associer le spectateur au processus de la création est désormais habituel pour un lieu institutionnel. On participe régulièrement à des étapes de travail, des répétitions, durant lesquelles on se retrouve en situation de spectacle. Nous pensons alors avoir accès à l’inédit, à ce « quelque chose » que nous sommes seuls à voir. C’est souvent un temps répété dont la spontanéité est quasi absente.

La newsletter du « Ring », théâtre en Avignon, proposa le mois dernier d’assister à un travail de création, « en construction », de l’écriture jusqu’à la livraison finale lors du prochain Festival Off 09.  « Les culs de plomb », écrit par Hugo Paviot, mise en scène par Marie Pagès, avec David Arribe, Aïni Iften, Sophie Stalport et Coralie Trichard, se laisse donc voir dès sa genèse.

Tout commence à l’envers. Marie Pagès nous accueille et présente toute l’équipe artistique. Comme une fin de spectacle, les voici en ligne, prêts à saluer.

Personne ne sait le déroulement de la soirée, sauf qu’il va lever le voile sur son écriture. Les acteurs et le metteur en scène sont alors à la merci de l’auteur. Nous aussi. Mais comment  articuler un travail relevant de l’intime avec des comédiens?

Hugo Paviot prend la parole, nous raconte la rencontre avec Marie, leur envie de travailler ensemble, leur complicité, ce qu’il est, ses lectures, ce qui le nourrit. Il fait des tentatives avec les comédiens, avec Marie Pagès, afin de nous donner la substance même de ce que pourrait devenir le texte en écriture. On touche à l’inexplicable, au « pourquoi ».

Des essais imaginés prennent forme et la spontanéité fait son ?uvre : des images de guerre, des mots, la musique de Barber. La confiance s’installe. Ce moment de partage nous embarque tous, sans savoir où nous allons.

Après une heure de discussion autour de « la cuisine de l’auteur », Marie Pagès clôture. Est-ce la première scène ?

Ce soir-là, le théâtre retrouve de l’âme, car il concilie spectateur et créateur. Une réponse à la crise ?

Laurent Bourbousson.

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Cette première session intitulée “La cuisine interne de l’auteur” a été présentée le 9 janvier 2009.

A venir, le second volet : La livraison du “premier jet de la pièce”, le vendredi 13 février au Ring – Avignon

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EN COURS DE REFORMATAGE

Michel Kelemenis, chorégraphe.

Après avoir suivi le processus de répétition de « Viiiiite » et d’« Aléa » au cours du mois de janvier, la générale au Pavillon Noir m’impressionne. Je ressens la tension des corps après tant d’heures de travail. Nous sommes une cinquantaine dans la salle, comprenant les étudiants de Coline, structure menacée de disparition par les pouvoirs socialistes locaux. À la veille de la grève du 29 janvier, les trois ?uvres de Michel Kelemenis sont un espace protégé où il me plaît de me ressourcer. Avec lui, la danse est un propos. C’est l’un des rares à faire cette recherche « fondamentale », à communiquer par la danse pour la danse, avec sérieux, créativité et empathie.

Les étudiants de « Coline » sont derrière moi, visages fermés. Le dialogue s’amorce sur leur sort et la place que pourrait jouer internet pour sauver leur structure de formation Peu de répondant. J’ai envie d’échanger avec eux  sur la danse de Kelemenis…

« Viiiite »: Avec élégance, ils se présentent à nous, tout de blanc vêtu. Caroline Blanc et Michel Kelemenis font quelques pas, s’engagent dans des mouvements si harmonieux que l’on peut aisément étendre ses jambes et relâcher la pression. Mais à les voir enfiler de longs gants tout blancs, on comprend vite que le corps n’est plus qu’une apparition fugace, une émergence confirmée par la lumière d’un gyrophare. Il y aurait-il urgence tandis que les compagnies de danse sont priées d’entrer dans le moule d’une culture uniformisée ? Alors que notre société fait de la vitesse une échappatoire au sens, la force de « viiiiite » est d’en faire une forme en soi. Soucieux de nous accompagner dans ce processus « spiralé » descendant et ascendant, Kelemenis joue avec la figure du clown ou du Pierrot de la Comédia del’Arte pour enrichir le propos et tapisser notre imaginaire d’images tout aussi fugaces, mais ancrées.

Cette danse-là, forme le regard, c’est le moins que l’on puisse dire. Alors que la lumière fait apparaître puis disparaître, elle est à son tour un mouvement comme l’odeur évanescente, symbolisée par le rapprochement des deux corps dans une sphère intime. Ainsi, « viiiiite » est une danse concentrique qui finit par vous englober. Avec Michel Kelemenis, la danse est avant tout l’art de la reliance.

Pause. Je me retourne. Je cherche avec eux quelques mots qui ne viennent pas. Étonnés par mes questions, apeurés aussi. Il leur est difficile de franchir les barrières entre danseurs-étudiants et spectateur.

« Tatoo » : Vingt minutes de plaisir à l’état pur, comme si le spectateur pouvait enfin jouer à cache-cache avec la danse, qu’elle soit contemporaine ou classique. Michel Kelemenis s’amuse, nous aussi. En s’appuyant sur les codes (dont les pointes), il déséquilibre le clivage en huilant les mécaniques de nos représentations. Cela en deviendrait presque subversif. Cette danse accueille, ouvre les verrous, se repose sur la fragilité de l’humain pour consolider l’articulation entre classique et contemporain. Le plaisir vous contamine même si l’on regrette les corps pas totalement habités des danseurs. À danser au-dessus des parties, il n’en faudrait pas plus pour être déstabilisé.

Pause. Les étudiants sont toujours là, derrière moi.  Nous échangeons sur la technique des danseurs. J’évoque le plaisir de voir une ?uvre au dessus des clivages. Étonnés, comme s’ils n’entendaient jamais cette parole de spectateur. Pour Coline, on fait quoi ?

« Aléa » : La dynamique des sept danseurs impressionne. Elle est danse. Michel Kelemenis ne se perd pas dans des effets de style ou des figures conceptualisés : ne compte ici qu’une recherche entre l’autonomie de l’individu, l’émancipation du groupe et un désir collectif qui prend forme. Ce n’est pas une danse qui impose, elle propose. À sept, ils dessinent avec leurs costumes de couleurs, la toile du peintre où vient résonner la musique électronique de Christian Zanési, tumulte de nos sociétés contemporaines. Et je m’étonne d’entrer au c?ur de leur tresse, de n’en perdre aucun, de me mouler avec eux. « Aléa » est si fluide que chaque espace nous laisse une place. Le final, où chacun improvise dans le chaos, est le triomphe du « nous » sur le « je » concurrentiel, de l’art sur le « vide», de l’émancipation sur la soumission. C’est aussi une invitation pour le spectateur à entrer dans la danse, simplement. Sincèrement.

C’est fini. Ils sourient. Ils me tendent leur pétition papier pour les soutenir. Je signe, mais je les invite à constituer leur comité de soutien sur Internet. J’aurais bien envie de créer un collectif spectateur – danseur – chorégraphe. Comme un “Aléa” …juste  pour gripper.


Pascal Bély

www.festivalier.net

“Viiiiite”, “Aléa”, “Tatoo” ont été joués du 29 au 31 janvier au Pavillon Noir d’Aix en Provence.


A lire, le premier épisode: Michel Kelemenis à Aix en Provence : le making of de “viiiiite”(1/3) !
Le deuxième: Michel Kelemenis à Aix en Provence : le making of d'”Aléa”(2/3) !
Le troisième: Michel Kelemenis à Aix en Provence : le making of d'”Aléa”(3/3).