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EN COURS DE REFORMATAGE

Rencontrer Oriza Hirata.

C’est un choc. Une pièce que vous gardez là. Quelques jours après, je la vois encore ; j’en ressens le mouvement. Seule la rencontre peut chambouler à ce point. La musicalité des mots japonais résonne toujours et mon imaginaire continue de divaguer dans cette mise en espace exceptionnelle. « Tokyo Notes » d’Oriza Hirata restera l’un des événements du Festival d’Automne de Paris.
C’est un dimanche doux et gris. J’aurais pu aller au musée, mais c’est au Théâtre2Gennevilliers qu’a lieu la rencontre. Il faut monter au premier étage. « Tokyo Notes » prend ses quartiers dans une salle de lecture aménagée pour la circonstance. La jauge est petite face à une distribution exceptionnelle : pas moins de vingt comédiens qui vont défiler de gauche à droite, de haut en bas, avec l’ascenseur sur le coté, balcon et escaliers latéraux au premier étage. Le décor plus réel que nature renforce la dynamique qui sied aux rencontres d’un jour, à celle des retrouvailles, à ce moment si particulier où toute une vie bascule. Seuls quatre bancs font office de mobilier avec une poubelle en acier où l’on jette son gobelet de café, comme un rituel, pour signifier au spectateur que l’on change de tableau !
Nous sommes dans le hall d’un musée de Tokyo qui organise une rétrospective Vermeer. Une famille s’y donne rendez-vous à l’initiative de la s?ur aînée. Un couple s’y sépare, le temps d’une visite. Deux amies étudiantes déambulent pour y retrouver leur ancien professeur. Une jeune héritière rencontre le personnel du musée avec son avocat pour préparer une donation. Les personnages défilent, se croisent, s’entrecroisent, s’entrechoquent. Leurs liens, déjà fragiles, entrent en résonance avec le rapport que chacun entretient avec l’art, rendant poreuse la frontière entre les tableaux de Vermeer et le jeu des acteurs. L’art autorise toutes les reliances au moment où chacun cherche un lien pour faire face à l’absence, à ses difficultés de communication.
Ensemble, ils forment la toile de l’artiste, la toile du cinéaste, la dramaturgie de la rencontre, celle où les arts se croisent pour créer une maïeutique envoûtante. Le théâtre se fait toile et Hirata est le peintre de nos angoisses familiales, de nos remords passés, de nos désirs enfouis. Comme un miroir dans le miroir, la mise en espace de «Tokyo Notes» m’engloutit dans un intervalle où je tisse les interrelations entre les personnages et les lieux (où le musée japonais se fond dans le théâtre dirigé par le metteur en scène Pascal Rambert, métaphore d’une ouverture du théâtre français vers le monde, à partir d’un lien transversal, dans un contexte de restriction budgétaire).
L’exceptionnel dernier tableau où les deux s?urs, yeux dans les yeux, tombent le masque, finit par me projeter dans le hall des théâtres où je pourrais créer ma toile, du blog vers vous.

Pascal Bély – www.festivalier.net

?????? “Tokyo Notes” de Oriza Hirata  est joué du 10 au 19 octobre 2008  au Théâtre2Genevilliers dans le cadre du Festival d’Automne de Paris.

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