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EN COURS DE REFORMATAGE

Le crash test d’Hélène Cathala au Théâtre de Cavaillon.

Perché sur sa chaise à l'entrée de la salle comme au temps joyeux des barricades, le Directeur du Théâtre de Cavaillon nous prévient :
1- Nous pourrons circuler librement au cours de la représentation.
2- Nous pourrons nous inscrire pour le lendemain à l'atelier du regard animé par « l'excellent journaliste et critique de danse Gérard Mayen ». Il posera des mots sur nos ressentis. La parole est donc une affaire de spécialiste.
3- Nous devons éteindre nos portables, même en situation de crise financière, qualifiée de « bonne nouvelle ». Précision utile pour ceux qui ne peuvent décrypter par eux-mêmes l'actualité.
Le décor dans toute sa verticalité est posé. La suite confirmera mes premières impressions.
slogan-02.jpgA l'issue d'une heure quinze de déambulations et d'enfermement, je sors de la chorégraphie d'Hélène Cathala plus vide que je n'y étais entré. Les « imprécations vociférées » issues du livre de Maria Soudaïeva (« Slogans »), mise en espace à partir d'une régie centrale où officie Dj et vidéastes, où circulent tout autour public et six danseurs, ont anéantis l'articulation entre le texte et la danse. Je ne connais pas Maria Soudaïeva ; on m'avait promis « une fiction alarmante, férocement à l'écart des critères romanesques, un long chant rageur constitué d'incantations, de consignes scandées, de cris d'angoisse, de pseudo slogans anarchisants?et numérotés..Un poème en lambeaux de feu ». Avec de telles intentions, il fallait aider le spectateur à lâcher par une scénographie poétique, virtuelle et sensuelle où la chorégraphie se déploie pour transcender et servir le texte.
Au lieu de cela, le public tourne en rond, finit par s'asseoir sur les bancs circulaires de la régie, puis se relève à l'invitation des danseurs. Rien ne guide, tout est verrouillé. Le décor est si laid que l'on se croirait projeté dans une prison française tant il se dégage une verticalité oppressante. Certes. Mais pour quoi ?
Le livre de Maria Soudaïeva est si écrasant par sa force (autoritaire ?) qu'Hélène Cathala semble (heureusement ?) dépassée. Elle tourne en rond et les corps se désarticulent à partir d'une mécanique et jamais d'une émotion : maladroit, rigide. Elle court après le texte, mais ne le transcende pas. Elle tente quelques raccourcis fumeux (le groupe en banlieue qui fuit, capuches sur la tête, pour échapper aux policiers ?) et finit par rendre statique le spectateur qui de cases en cases se demande à la fin ce qu'il fait là. Les corps vident les mots, la régie centrale prend le pouvoir pour dicter le chaos et finit par produire une improvisation mal cadrée.
Est-ce opportun, dans la France d'aujourd'hui, de subir une telle oppression quand nous allons au théâtre? Sans clefs pour la vivre autrement, nous finissons une fois de plus plombé.
Je n'ai pas besoin de spécialiste de la danse pour le dire haut et fort : ça suffit.

Pascal Bély.
www.festivalier.net

?????? « Slogans» d’Hélène Cathala a été joué le 22 janvier 2008 au Théâtre de Cavaillon.

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