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LA VIE DU BLOG OEUVRES MAJEURES

En 2011, 20 mises en scène essentielles.

1- «Sur le concept du visage du fils de dieu» – Roméo Castellucci – Festival d’Avignon.

2- «Au moins, j’aurais laissé un beau cadavre» – Vincent Macaigne – Festival d’Avignon.

3-«Jan Karski (mon nom est une fiction)» – Arthur Nauzyciel – Festival d’Avignon.

4-“Brume de Dieu Claude Régy – Festival d’Automne – Paris.

5-«On ne sait comment» – Marie-José Malis – Théâtre des Bernardines (Marseille).

6- «Les rêves» – François Bergoin – Théâtre Alibi, Bastia.

7- «Tartuffe» – Gwenaël Morin-  Théâtre d’Arles.

8- «Habit(u)ation» – Anne Cecile Vandalen – KunstenFestivalDesArts – Bruxelles.

9- «Christine, d’après Mademoiselle Julie»- Katie Mitchell et Leo Warner– Festival d’Avignon.

10-«Life : Reset / chronique d’une ville épuisée» – Fabrice Murgia – KunstenFestivalDesArts – Bruxelles.

11- «Les enfants se sont endormis» – Daniel Veronese – Festival d’Automne- Paris.

12- «La Omisión de la familia Coleman»- Claudio Tolcachir – La Criée, Marseille.

13- «Choeur de femmes» – Marta Gornicka- Festival « Sens Interdits » – Lyon

14- «Il n’y a pas de coeur étanche»- Julie Rey / Arnaud Cathrine– La Criée, Marseille.

15- «Insultes au public»- Compagnie Akté –  Le Volcan, Le Havre.

16-«Yahia Yaïch, Amnesia»- Jalila Baccar et Fadhel Jaïbi– Festival d’Avignon.

17-«Scratching on things I could disavow: a history of art in the arab world» – Walid Raad – KunstenFestivalDesArts, Bruxelles.

18-«Sometimes I think, I can see you» – Mariano Pensotti – KunstenFestivalDesArts, Bruxelles

19- «Bramborry» – De Spiegel – Festival «Petits et grands», Nantes.

20-«The Indian Queen» – Jan Decorte – KunstenFestivalDesArts, Bruxelles.

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En 2011, j’ai beaucoup voyagé. Au total, plus d’une centaine de pièces de théâtre dont la grande majorité n’a pas soulevé mon enthousiasme. Beaucoup d’ennui et pour tout dire, pas mal de découragement (notamment dans ma région, mais j’y reviendrai dans un prochain article). Reste vingt mises en scène, essentielles, parce qu’elles m’ont perturbé, immergé dans un ailleurs pas toujours reluisant, mais où je me suis senti profondément «sujet». C’est-à-dire en devenir…

Pour commencer, il y a ce théâtre des limites. Avec «Sur le concept du visage du fils de Dieu», Roméo Castellucci m’a totalement sidéré à vouloir interroger ma manière de regarder le monde. Je me souviens d’avoir tremblé d’effroi et de froid. Son oeuvre a mis nos corps à corps en jeu. Il y aurait presque une filiation avec le jeune Vincent Macaigne qui a fait vibrer le cloître des Carmes d’Avignon. Avec «Au moins j’aurais laissé un beau cadavre», j’ai eu l’impression de co-inventer un théâtre de corps et de sang, à la limite de la performance et des arts visuels. Macaigne est le metteur en scène d’un art total.  De son côté, Arthur Nauzyciel n’a pas hésité à nous pousser dans nos retranchements pour entendre la parole de Jan Karsky, résistant polonais qui fut le témoin de la plus grande tragédie de l’humanité. Il nous a lentement guidés vers son corps, interprété par le magistral Laurent Poitrenaux. Ce fut un moment théâtral parfois éprouvant pour réveiller le sempiternel «devoir de mémoire» qui finit par nous infantiliser.Sur un tout autre registre, la compagnie Akté a revisité «Insultes au public» de Peter Handke. Cette oeuvre qui date de 1967 n’a rien perdu de son actualité dans un contexte où la place du public s’est peu à peu marchandisé grâce à un marketing truffé de slogans imaginatifs, mais creux. Or, être spectateur est un positionnement complexe où la quest
ion du «sujet» est centrale, génialement traitée par cette compagnie qui devrait faire parler d’elle dans les années qui viennent.

À côté de ce théâtre engagé et engageant reviennent quatre noms, souvent évoqués sur ce blog : Claude Régy, Marie-José Malis, Gwenaël Morin, François Bergoin. À quatre, ils sont mes balises pour naviguer en eaux troubles, amarré à leur navire d’artisan bâtisseur.

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Plus prés de nous, je me souviens d’un théâtre sur la crise. Il m’a aidé à ressentir les effets dévastateurs d’une société consumériste en perte de valeurs. Les metteurs en scène français sont plutôt absents sur ce registre tandis que les belges Anne-Cécile Vandalen, Fabrice Murgia m’ont sidéré par leur façon de théâtraliser la solitude et le chaos qui traversent la famille. Ce dernier thème faisant les beaux jours des Argentins Daniel Veronese et Claudio Tolcachir. Je n’ai pas oublié les prémices de la révolution tunisienne, magnifiquement théâtralisé par les chorégraphies de Jalila Baccar et Fadhel Jaïbi.

Mais au-delà de la crise, il y a des thèmes universels abordés de front, avec force et courage, où la forme épouse le fond. Les voix des femmes orchestrées par la Polonaise Marta Gornicka résonnent encore pour dénoncer la domination masculine qui ne connaît décidément aucun répit. Tout comme le sort que nous réservons aux fous, délicatement traité par Julie Rey et Arnaud Cathrine.

Et puis, il y a ces formes théâtrales hybrides, objet de bien des rencontres mémorables. Walid Raad et sa déambulation dans les chemins de traverse de l’art. L’opéra d’Henry Purcell par Jan Decorte a enthousiasmé parce qu’il a ouvert le théâtre vers une discipline peu réceptive à la pluridisciplinarité tandis que Mariano Pensotti convoquait le public dans le métro de Bruxelles pour le socialiser en créant des dialogues poétiques. «Christine, d’après Mademoiselle Julie» librement adapté d’August Strindberg par Katie Mitchell et Leo Warner de la Schaubüne de Berlin fut d’une telle virtuosité qu’elle m’a entraîné aux frontières du cinéma, du théâtre et de la danse. Et puis il y eut «Bramborry» de la compagnie «De Spiegel», moment théâtral sublime où tout-petits et grands plongèrent dans un univers onirique fait de sons, de sable et d’eau…

Vingt mises en scène essentielles, pour traverser la crise sans perdre pied vers nos corps mouvementés.

Pascal Bély – Le Tadorne.

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