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Anne Collod nous repasse un message en beauté.

Nineteen sixty-five?« Je me souviens… ». À la Perec, on nous invite. Ça sent l’enfance… le moment où l’on n’est pas assez grand… mais où pourtant on respire les effluves d’interdit d’un frustrant et? bien trop loin ? « plus tard, quand tu seras grand ! »… 

Ce soir ça y est… je suis grand… , c’est déjà un peu plus tard?Je vais la voir cette « Paper dance », celle qui m’a fait rêver dans les années 75 quand un être cher m’en a montré des photos : « Jamais, on ne la verra jamais… Tu vois on aura manqué ça? ». Ce soir, je ne l’aurai pas manqué… Lui non plus, j’espère… Un soir ou un autre?

Le spectacle aiguise les parfums d’une époque passée, il fait resurgir la tendresse pour le grand culot « foutraque » qui répond à l’interdit et, au-delà de ça, témoigne d’une époque, d’une histoire individuelle et collective. Anne Collod nous convie à la réinterprétation de la pièce mythique d’Anna Halprin et Morton Subotnick, « Parades & changes».

Par delà la joie égoïste que je ressens, je vois ici, en partage dans une ironie sauvage et libérée, une page importante de ce qui a conduit aux propositions danse/performance qui se tentent sur la scène d’aujourd’hui. Ici, c’est une fête du quotidien bouleversé, une « messe » païenne et intime qui se parade sous nos yeux. C’est une claque au sécuritaire et au policé. C’est une porte ouverte aux rêves que la seule « folie » d’un autre peut ouvrir. C’est la possible magie des jeux d’enfance qu’on a conservée en nous, juste complicité, sans gangue de cruauté. C’est simplement un esprit de jeu magicien qui peut nous balader dans le plaisir partagé. Ils sont six, ils sont beaux, ils se font fort de l’histoire, ils sont fiers d’oser et de nous conduire dans les méandres de l’interdit (même pas daté), d’ouvrir les portes de nos « bienséances », ils bousculent tout, grand bien nous fasse.

Le propos politique de la pièce n’a rien perdu, « ça semble gratter là où ça fait mal »… Le temps va-t-il à contretemps ? 45 ans se sont écoulés depuis sa création… 

Certes, la nudité est devenue fait courant, mais, a-t-elle toujours autant de force et de justesse que dans cette pièce pour nous interroger sur la place de l’intime et la tendresse de le partager, voir de l’exposer ? « Parades & changes, replays » antichambres de nos « modernitudes » ou invitations à nous re-pencher sur la joie possible d’imaginer l’autre comme potentiel « complice » d’un jeu (je) partagé et à accomplir ensemble… 

Ces six là semblent partager le plaisir d’un être ensemble et de nous le communiquer. Ce soir là, ils ont fait briller l’espace d’un dedans/dehors magnifique, ils nous ont offert un moment de joie, qui utilement sèmerait quelques graines, pour qu’un possible demain soit moins terne et que l’autre ne soit plus source de crainte mais potentialité de fête. Le concours n’est plus de mise… l’enjeu est de se re-trouver… Anna Halprin et Morton Subotnick l’avaient crié à la face d’un monde en 1965. Anne Collod & guest nous repassent le message en 2010… 
Sommes-nous modernes dans nos forteresses ?… Change or replay (repeat again?)?… On regarde le miroir tendu ou on le voile à nouveau pour que dans 45 ans, Anna et Morton viennent encore nous botter les fesses ? Mais y aura-t-il une autre Anne pour transmettre le message ?
Ne manquez pas ce moment s’il vous passe à portée et laissez-vous rêver, c’est encore radical, ça fait de l’air et ça fait toujours du bien.

Bernard Gaurier – www.festivalier.net

Deux autres regards sur la blogosphère: Un soir ou un Autre, Images de Danse.

PARADES & CHANGES, REPLAYS (2008). Réinterprétation de Parades & Changes (1965) d’Anna Halprin et Morton Subotnick. Conception et direction artistique : ANNE COLLOD. A été joué au LU de Nantes le 26 janvier 2010.