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FESTIVAL D'AVIGNON

Au Festival Off d’Avignon, « La Vouivre » et leurs magnifiques hivernales.

Pour atteindre le Studio des Hivernales, il nous faut monter les escaliers comme au bon vieux temps où nous nous cachions dans le grenier pour y soulever la poussière et jouer au docteur. Tout un symbole. L’espace est minuscule pour accueillir « La Vouivre », compagnie pour deux danseurs (Samuel Faccioli et Bérengère Fournier) et un musicien (Gabriel Fabing). Qu’importe la petitesse de l’endroit, l’oeuvre  se déploiera ailleurs.  C’est certain. Car « Oups + Opus » ose inclure la danse dans un imaginaire cinématographique et sonore et crée une belle fluidité entre des disciplines artistiques au service d’une esthétique et d’un propos intelligent et intelligible. Rien que ça.

Ce spectacle en deux parties sur le couple relie bien plus qu’il ne sépare et c’est au spectateur de faire lui-même les passerelles. Le beau matériau est là, donné avec générosité.

« Oups » commence par ce couple, endimanché, assis sur son canapé. C’est leur espace relationnel dans lequel la danse est une mécanique savoureuse qui tire avec élégance les ficelles de ces deux marionnettes. Ils recherchent l’accord parfait et nous rappellent le temps lointain de nos parents où les convenances sociales et religieuses régissaient la communication ; à moins que leurs mouvements ne soient très actuels dans une société qui standardise tout autant le lien dans cette recherche (épuisante ?) de l’articulation rationelle.

A les voir se chercher en permanence les seins et le sexe avec des airs de ne pas y toucher, on sourit face à une telle naïveté et l’on s’inquiète de la pudibonderie montante de notre société « marketée ». Leur espace est un croisement permanent entre passé et présent et leur temps n’est que celui de l’humain. Est-ce pour cette raison qu’ils nous émeuvent, loin du pathos, mais proche de nous ? Leur danse, profondément charnelle, nous les rend beaux. Malgré leurs habits, il nous plaît de les voir si nus.

« Opus » libère notre couple. Leur scène s’affranchit et se déploie dans un environnement « dématérialisé» peuplé d’oiseaux et de sons (exceptionnel travail de Gabriel Fabing).  Ces deux-là nous offrent l’un des espaces les plus ouverts qu’il m’est été donné de voir, où  les danseurs s’articulent dans une interdépendance saisissante (moment incroyable où les corps servent d’émetteur radio !), où l’on passe du duo au trio comme métaphore d’une ouverture vitale, où d’une danse quasi fusionnelle, ils s’en émancipent pour laisser le corps oiseau se déployer (magnifique solo de Bérengère vers les derniers instants). Le son de Gabriel Fabing est une toile pour que la place de chacun ne soit plus statue, mais mouvement émancipatoire.

Alors que la lumière s’éteint, alors qu’elle est partie, on regarde Samuel. C’est à lui maintenant de voler, d’aller la chercher, d’imaginer encore et encore de nouveaux espaces pour danser et nous donner, une fois de plus, la force de « relationner » !

Qu’ils nous montrent encore comment on fait…

Pascal Bély – www.festivalier.net

“Oups + Opus” par “La Vouivre” au Studio des Hivernales à 15h30 jusqu’au 26 juillet 2009. Réservation fortement recommandée au 04 90 82 33 12.