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Claire Diterzi, théâtrale.

La chanteuse Claire Diterzi investit pour la deuxième fois la Scène Nationale de Cavaillon. À l'automne dernier, elle y était en résidence pour préparer son spectacle. Son album ?Tableau de chasse?, sorti en début d'année, est une traversée féerique au milieu d'?uvres d'art, repérées ici ou là dans les musées (de Rodin à Fragonard en passant par Allen Jones). Ce concert, très attendu, renouvelle le genre et ouvre la musique vers la vidéo où fusionne l'?uvre d'art avec l'univers loufoque et tourmenté de Claire Diterzi. Habillé en peau de vache (!), elle débarque sur scène, déterminée à en découdre, entourée de deux superbes choristes échappées d’un gospel, d'une bassiste au regard transperçant, d'une violoniste rêveuse et d'un batteur, icône d'une publicité de Jean-Paul Gaultier. Ensemble, ils forment un aréopage de féministes avec la ferme intention de moderniser un musée archéologique! Si les guitares sont brandies comme des phallus triomphants chez les hommes, elles sont ici des instruments portées comme des bijoux, à l'image d'une musique qui brille par son ingéniosité et ses sonorités inattendues.

Nous sommes dans une Scène Nationale et Claire Diterzi regrette l'apathie d’un public bien callé sur son fauteuil. Elle n'a peur de rien quand elle nous apostrophe à la limite de l'insulte. ?Cavaillon, vous êtes mous!? dit-elle, droit dans les yeux.

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En attendant Avignon, The Arcade Fire maintient le feu sous contrôle aux Nuits de Fourvière.

Il faut que je prenne l’air. Après le massacre de René Char par Fréderic Fisbach avec « Les feuillets d’Hypnos » au Festival d’Avignon, j’ai besoin de lâcher un peu. Une autre manifestation d’envergure, « Les nuits de Fourvière » à Lyon propose LE concert de l’année : le groupe « The Arcade Fire » revient enfin en France après l’annulation de sa tournée au printemps dernier. Plus de 4000 personnes prennent place dans les Arènes et forment un patchwork coloré magnifique. Je me sens un peu décalé, comme un expatrié. Je tente avec quelques voisins de les informer sur le Festival d’Avignon. Bide.
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La scène est immense. Plus rien à voir avec celle de Bruxelles ou de Nantes, où j’ai eu le privilège en 2005 d’assister à leur premier concert européen. Ils commençaient à faire la une des journaux et j’étais le spectateur attentif de leur ascension. J’aime ce groupe pour le pari qu’ils ont osé faire : donner au rock des airs symphoniques baroques à partir d’instruments insensés, appuyés par des arrangements chaotiques. « The Arcade Fire » est surtout un collectif habité par la scène : je ne me sens pas tout a fait dans un concert classique. Ils vont au-delà de la musique comme un comédien ou un danseur transcenderait les mots, le geste. Cette impression « cosmique », hors du temps, s’est renforcée avec leur dernier album, « Neon Bible ». Il y souffle une énergie étrange où leur musique est emprunt de religiosité conférant à l’ensemble une atmosphère hypnotique.
Pour l’heure, il faut garantir l’ambiance face à ce public hétérogène dont la majeure partie découvre pour la première fois ce groupe en concert, médiatisé par la presse culturelle. Après le premier titre (le magnifique « Haïti »), Regine Chassagne et le groupe surprennent en interprétant « poupée de cire, poupée de son ». La filiation à Gainsbourg est assumée. Légitime. Stupéfiant. Ennivrant. Ce sera la seule surprise de ce concert comme si Arcade Fire assurait ses acquis. Les chansons du premier album (« Funeral ») enfièvrent les Arènes tandis que l’atmosphère du second a du mal à se faire ressentir sur cette immense scène malgré la scénographie sophistiquée (trop peut-être, elle finit par perdre sa singularité dans cet espace). J’ai l’étrange impression qu’ils peinent à articuler ces deux opus : ils semblent manifestement ne pas être conçus pour être dans le même concert ! Le tout est saccadé et je ne retrouve plus l’originalité d’un groupe qui, chronomètre en main, assure les 90 minutes syndicales sans extrapoler en dehors de la scène (comme à Nantes ou nous avions terminé avec eux dans le bar du coin !).
Parce que ce concert est une pause pendant Avignon, il ne pouvait être une rupture dans mon cheminement. Je l’ai vu avec mon regard de festivalier. « The Arcade Fire » finira donc bien un jour par investir un théâtre où leur histoire sera leur plus belle mise en scène.

Pascal Bély.
www.fesitvalier.net

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The Arcade Fire annule sa tournée.

J'avais rendez-vous le 31 mars 2007 à Lyon avec ce groupe canadien exceptionnel. Après Bruxelles et Nantes en 2005, j'étais excité à l'idée de les retrouver à Lyon. Et puis, la nouvelle est tombée sur le site des Inrocks :

« C'est en effet un Win Butler exténué qui, ce week-end, a annoncé l'annulation de l'ensemble des dates européennes de Arcade Fire. « Je souffre d'une infection des sinus et des bronches depuis trois mois, et hier, à Stockholm, j'ai trop forcé sur ma voix, et poussé mon corps plus loin qu'il ne pouvait aller » a déclaré Butler dans un message posté sur le site officiel du groupe, avant d'ajouter « nous essaierons de revenir aussi vite que possible ».

En attendant, voici un extrait vidéo de leur concert à l'Olympia (superbe “Neon Bible” dans l’ascenseur!). Ce mois de mars est décidément glacial pour les chanteurs et le Tadorne?

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Miossec ou l’ivresse perdue.


Il faut attendre 21h30 pour voir enfin Christophe Miossec monter sur la scène de l'Espace Julien, à Marseille, dans le cadre du Festival « Avec le temps ». Au commencement, je ressens ce concert comme une épreuve : titubant, Miossec s'accroche au porte – micro, à l'image d'une béquille. Il ne la lâchera plus jusqu'à la fin. Il chante au ras du sol, comme un enfant accroupi, jouant à construire et défaire ses châteaux de sable. Sa voix est couverte par des musiciens peu inspirés et habillée par des lumières aveuglantes, sans créativité. Quelques références à « l'eau impropre en Bretagne qui m'oblige à boire d'autres liquides » et « au nucléaire, concept communiste, puisque nous sauterons tous ensemble », viennent ponctuer ce tour de chant pathétique. Je me sens loin de ce chanteur qui m’a pourtant procuré une belle énergie vitale, avec son dernier album (l'Étreinte). À l'issue d'une heure quinze, la troupe part, en laissant le public marseillais sur la touche, un peu sonné par cet abandon. Miossec ne s'est jamais appuyé sur nous préférant se cantonner à sa petite scène, à son porte – micro qui lui résiste, à ses instruments qu'il jette à terre avec désinvolture.

  À la différence du spectacle vivant, les chanteurs se permettent un tel irrespect. Il y aura toujours un public et une presse pour trouver cela « rock and roll ». Miossec s'est éloigné de son art pour s'approcher de la déchéance. La décadence de Gainsbourg est loin.


Pascal Bély
www.festivalier.net


?????? Miossec en concert à l’Espace Julien de Marseille, le 24 mars 2007, dans le cadre du Festival “Avec le temps”.

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Avec Jean-Louis Murat, la musique est un échappatoire à la douleur.

Assis dans la salle bien peu accueillante de l’Espace Julien de Marseille, nous voyons arriver sur scène un homme fermé, dont on ne voit pas les yeux, replié sur lui-même. Il prend sa guitare, que son corps entoure, et qui lui donnera sens, énergie. Dès les premières notes, nous le reconnaissons ; mais nous ne le rencontrons pas encore. Nous commençons à entrer dans son univers musical. Puis sa voix, sensuelle, chaleureuse, en totale dissonance avec son physique. Je tente de prendre mes marques, sous le choc encore de ce mal-être. Je ne sens pas le public, très statique, qui ne se permet rien, respectueux de sa réclusion. Murat n’est pas avec nous, il ne donne pas de vie à la salle, il ne semble rien attendre de nous, je me demande ce que cela signifie de venir le voir en concert. Pourtant, il nous donne beaucoup de poésie, emplie de douleur. Ses textes sont forts, ils nous parlent de son rapport à la nature, de ses rapports avec ceux qu’il aime : ses sensations, ses émotions liées à son environnement sont constamment mises en parallèle avec ses relations avec les autres, il aime, il souffre d’aimer, la nature l’apaise ou traduit ses émotions.
Murat ne retrouvera de l’énergie et fera lien avec nous qu’après quelques chansons : son monde est posé, il peut regarder au-delà. Il le partagera.
Sa fragilité est sa force musicale. Petit à petit sa voix se dégage, son visage s’ouvre, la musique le porte, mais nous recevons sa douleur dont nous ne savons que faire, si ce n’est en le saluant chaleureusement.
                                                                                                                         
Clotilde.

Tadornette de Marseille.

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Dominique A. Chanteur transe – musical.

 

[youtube http://www.youtube.com/watch?v=WJYg04-goLs]

 

Le Théâtre des Salins de Martigues donne rendez-vous ce soir au public du chanteur Dominique A. Il vient rarement en Provence et nous sommes nombreux à l'attendre. Pour ma part, il a changé radicalement ma façon d'écouter et de ressentir le rock. J'ai tous ses albums comme autant de livres que je rangerais dans une bibliothèque pour les transmettre aux générations futures. Dominique A est un artiste essentiel : il symbolise bien plus qu'un style ; il est le courant du « rock littéraire ».
Sur la scène, ils sont quatre : clavier, guitare, deux aux cuivres dont un qui est également percussionniste ! Derrière eux, une rangée de petits néons ; aux quatre coins de la scène et entre les musiciens, des longues antennes comme autant de mats d'un bateau. Ils sont des repères pour délimiter l'espace musical de ce chanteur au territoire si mouvant. Tout au long du concert, ils donnent à la lumière des projecteurs les formes d'un décor surréaliste, entre terre et mer, conscience et inconscience, rock et littérature. C'est donc un concert lumineux, dans tous les sens du terme, qui nous est proposé ce soir. J'ai la douce impression d'être immergé dans une ambiance maritime, où la brume s'évapore à mesure que la musique électrise l'air. Cet équipage traverse l'?uvre de Dominique A : le bateau tangue souvent pris dans un chaos qui laisse peu de place à la respiration. Les murs du théâtre tremblent comme si cette musique voulait pousser les frontières, les cloisons. Je sens une énergie communicative, mais aussi un choix radical : en choisissant ce collectif, Dominique A met en tension son ?uvre pour presque la transformer. Son corps danse comme pour mieux traduire la transe que produit une telle démarche. À mesure que le concert avance, je ressens Dominique A prendre de la hauteur, de la force, comme s'il dirigeait un orchestre symphonique. Je ne tiens plus, coincé dans ce fauteuil de velours rouge. Je rêve de me lever, d'être pour ce groupe un signal venu de la terre.
Cet artiste touche le sublime. Forcément.

Pascal Bély -Le Tadorne

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Manu Katché, nouvelle star auThéâtre du Jeu de Paume.

En 2005 sortait un album beau, sensible, intemporel : « Neighbourhood » de Manu Katché avec la présence prestigieuse de Jan Garbarek. Je l’ai longtemps écouté en boucle : le matin pour poser un pied à terre, le soir pour apaiser mes divagations ! Son concert à Aix en Provence ne pouvait échapper au Tadorne. Après coup, ce concert a glissé pour ne laisser que ces modestes lignes…
En arrivant, je ressens comme un décalage entre les dorures de ce théâtre à l’italienne et le jazz, entre ce public un peu « guindé » et l’énergie communicative de la musique de Manu Katché. Assis, je suis coincé entre deux aimables cadres cravatés et une barre en fer qui me coupe la vision de la scène. Je reste à l’étroit tout au long du concert comme s’il était impossible de s’affranchir de ce cadre.
Manu Katché est entouré de musiciens qui ne sont pas ceux de l’album. On reconnaît le spécialiste des jeunes pousses qui fait office de juré dans l’émission « La nouvelle Star » sur M6. Un ordinateur trône sur scène pour envoyer quelques sons mécaniques. Cette configuration positionne Katché comme le maître même si son groupe paraît ne pas être totalement formé. À mesure que le concert avance, la batterie de Manu Katché se fait plus imposante et je ne discerne plus la finesse de ce musicien hors pair. Tout me semble écrasant, bruyant comme s’il fallait compenser l’absence de Jan Garbarek. Les corps bougent peu, le tout est bien huilé, et manque cruellement de spontanéité. Le public reste assis sagement , l’air satisfait de cette prestation qui n’ébranle pas le savant équilibre entre passionnés de jazz (nous étions quelques-uns !) et cadres d’entreprises, mécènes de la soirée.

Cette culture sous vide m’éloigne peu à peu des concerts formatés et va me rapprocher inéluctablement de la scène jazz alternative.


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Délicat Arman Méliès pour brutales Correspondances à Manosque.

Alors que je me rends au concert littéraire du chanteur Arman Méliès dans le cadre des Correspondances de Manosque, j’ignore à quoi je peux m’attendre. Je ne connais pas ce chanteur : il a pourtant de belles références (Shannon Wright, Cat Power, Sufjan Stevens, …). Il a fait les premières parties des plus grands (Dominique A, Biolay,…) et Florent Marchet (présent l’an dernier au même endroit pour un concert mémorable !) est dans la salle ce soir ! Je lis Les Inrocks, j’écoute FIP et me voilà pris en flagrant délit d’ignorance : je n’ai jamais prêté l’oreille à Arman Méliès.
Le petit « Café provisoire » de la M.J.C de Manosque porte mal son nom : il n’y a rien à boire et la décoration fait penser à un vestiaire de piscine. Le public parsemé (trente, quarante ?) est plutôt « baba cool » et à dépassé majoritairement la quarantaine. Où sont donc passés les jeunes manosquins ? Au regard des FM captées dans la ville, j’ai bien peur qu’ils soient ailleurs. Quelque chose cloche ce soir : je me sens isolé, presque enfermé. Ce n’est pas la première fois qu’une telle sensation me prend dans ce département des Alpes de Haute Provence. Nous ne sommes pourtant qu’à 35 minutes d’Aix en Provence, ville dont les étudiants apprécieraient sûrement la performance de Méliès.
Justement, il arrive. À terre, de multiples pédales. Il est petit, presque frêle, et profondément touchant à nous proposer sa musique qu’il bidouille avec ses pieds tout en jouant de la guitare ! À peine chante-t-il que j’entends Jeff Buckley, chanteur génial américain décédé brutalement en 1997. À peine joue-t-il que je ressens Dominique A.
A mesure que le concert avance, j’ai une révélation (artistique !) : cet homme est un grand musicien et un parolier subtil. Deux écrivains (qui sont-ils ?) montent sur scène pour l’assister, mais ces textes n’apportent qu’une faible valeur ajoutée artistique: Arman Méliès est un écrivain du son. Sa musique, c’est du texte. Ses mots, sont des notes. Il est là lui seul le concert littéraire. Je suis bluffé même si le public semble vouloir autre chose si j’en juge par les sommeils prolongés et autres
discrets applaudissements . Coûte que coûte, je le soutiens du regard tout au long de cette performance (à lui seul, il fait tous les instruments) et je m’isole avec lui dans son univers enivrant (tout à la fois mélancolique, envoûtant, enlevé, énergétique,..). Il ne réussit manifestement pas à soulever la salle comme si le concept de concert littéraire était trop étroit pour lui. Il est inutile de compter sur les écrivains : l’un d’eux n’hésite d’ailleurs pas à qualifier la prestation de « petit spectacle » pour justifier qu’on baisse les projecteurs sur scène! Le concert fini, les spectateurs quittent la salle pendant qu’il range son matériel. Je me retourne plusieurs fois pour immortaliser cette scène touchante.
 
De retour chez moi, je n’ai pu m’empêcher de télécharger sur ITunes son dernier album (« Les tortures volontaires »), de lire différents articles le concernant. C’est alors que ma chaîne Hi-fi a brutalement cessé de fonctionner (court circuit électrique).
Arman Méliès est décidément à contre – courant ce soir.

Le site d’Arman Méliès pour écouter ses chansons (rubrique Radio).

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Camille, à un fil du KustenFestivalDesArts de Bruxelles.

J'ai découvert Camille en 2003 alors qu'elle était choriste sur le DVD de Jean-Louis Murat « Parfum d'acacia au jardin ». En 2005, son deuxième album « Le fil » bouleversa la donne : jamais je n'avais entendu une telle inventivité dans la voix, une telle force créative dans les textes. Soudain, avec Camille, la voix devenait langage.
Ce soir, à Bruxelles, le cirque est comble, surchauffé. Le public attend le retour de Camille : son dernier concert remonte à l'automne dernier. Je suis curieux de la voir sur scène comme une première rencontre. Je me sens disponible alors que j'entame mon périple festivalier au KustenFestivalDesArts !
Elle arrive sur scène, emmitouflée, corsetée de vêtements blancs, à l'image d'une icône médiatique. Je sens rapidement que le concert va devenir un espace où tout sera possible, où les arts vont se croiser dans un joli chaos. Je ne vais pas être déçu? Un fil est tendu le long de la scène. Il permet à un voile de faire écran entre la « star » et nous, entre nos attentes et les siennes. Car Camille ne se contente pas de ses deux musiciens et de ce fil. Elle projette sur la scène des images vidéo de toute beauté, métaphore des mots et de la voix. Je me revois dans la pièce de Serge Valletti, « Psychiatrie / Déconniatrie » où la vidéo avait la même fonction.
Mais Camille va rapidement s'affranchir de ces distances, de ces cloisonnements, de ce rôle de femme emmurée. Le voile devient alors traîne de mariée, puis un espace où deux « ex » (recrutés parmi le public !) se retrouvent pour danser une salsa érotique. Ce voile finit par terre?et se dévoile ainsi une Camille libérée.
Le spectacle se fait alors avec le public qui donne de la voix ! Nous participons au ch?ur (comme elle, à ses débuts avec Murat) non par démagogie, mais pour nous inviter à devenir créatif, à vivre un autre lien avec l'artiste en dehors de l'hystérie collective souvent présente dans les concerts. Progressivement, le fil tendu sur scène, loin d'être une séparation, devient la délimitation entre inconscience et conscience, entre désordre et ordre, entre musique et paroles. La scène de Camille est un espace où nous construisons, déconstruisons nos rêves, nos désirs. Il est cet espace que nous pouvons tous créer, pour nous affranchir des contraintes, de nos aliénations. Bref, un espace libératoire ! Camille ne se prive pas tout au long du spectacle de l'habiter avec son corps, sa voix, sa force et ses fragilités. Mais c'est aussi un espace politique où sa vision féminine peut s'exprimer. Ainsi, elle invite les hommes à chanter « Je suis une fille » (« avec les couilles » dit-elle pour les encourager tant la clameur masculine est faible?Hilarant !). Avec force, elle chante « Bidonville » de Nougaro alors que le Parlement légifère sur les lois Sarkozy et où la pauvreté ne cesse d'augmenter. Contre toute attente, elle invite une femme à traduire en langage des signes une de ses chansons : les mains se mettent ainsi à danser. C'est magnifique et très émouvant. J'en frissonne de bonheur?Les rappels sont nombreux et la salle finit par danser. Le lien est créé et Camille peut calmement couper le fil sur scène avec des ciseaux, à l'image d'un cordon ombilical, d'une libération de l'espace. Camille est une artiste. Nous sommes son fil.
Camille vient enfin d'inventer une nouvelle façon de se produire sur scène. Avec elle, le chanteur peut s'autoriser à créer un nouvel espace capable de s'affranchir du CD comme seul support. À sa façon, Camille positionne la chanson comme pluridisciplinaire. Elle s'aventure dans le chaos pour faire naître de nouvelles formes artistiques. Programmée par « Les Nuits Botaniques », Camille aurait eu toute sa place au KustenFestivalDesArts. Parce qu'avec elle, la Scène Musicale Française se libère des cloisons et crée un nouveau lien avec le public. C'est un véritable manifeste artistique à l'heure où certains artistes s'accrochent à vouloir rester un produit de grande surface.

Pascal Bély – www.festivalier.net

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« Passerelle » glissante à Sète pour Baptiste Trotignon et David El Malek Quartet !

 

Tout commence plutôt bien en ce jeudi 1er décembre 2005. J’ai rendez-vous avec Baptiste Trotignon, grand pianiste de Jazz Français. J’ai l’habitude de le suivre depuis quelques années. Ce musicien me fascine…Il est à Sète ce soir, dans un « lieu » culturel…Dès mon arrivée, je suis invité à prendre place autour de tables de banquet alignées les unes à côté des autres (souvenez-vous de certains mariages ou baptêmes où vous étiez assis à côté du saoulard de service !). Quitte à être en avance, je déguste pour la somme modique de 10 euros huîtres et produits locaux ! Même si cela peut paraître séduisant au premier abord, écouter du jazz dans un tel contexte relèvera de l’exploit. Philippe Léogé, pianiste local, assure la première partie pendant 50 minutes en continu ! Cet homme se fait manifestement plaisir et rien ne le perturbe (ni les chaises qui grincent sur le carrelage, ni le malaise d’un spectateur victime peut-être d’une huître rebelle). Sa prestation arrive à me saouler, bien plus qu’un verre du cru local…Il est enfin 22 heures quand le Quartet arrive sur scène. Ces musiciens sont magnifiques : je suis transporté dans leur univers tout en finesse où tout s’articule comme dans une symphonie malgré les problèmes techniques qui nous empêche, pendant les 10 premières minutes, d’entendre la belle contrebasse de Darryl Hall !
Trotignon et El Malek sont complices, cela s’entend et se voit au détriment peut-être des deux autres musiciens. Trotignon joue du piano comme un saxophoniste et El Malek se transforme en pianiste virtuose avec son saxophone. Mais le plus magique dans ce concert, c’est la légèreté de l’ensemble au détriment peut-être d’un petit grain de folie qui aurait pu faire danser le public sur les tables au milieu d’un gravas d’huîtres ! Mais, il reste froid comme la banquise malgré les envolées du batteur ! Les chaises continuent à grincer le tout accompagné d’apartés et de conversations via le portable. J’ai l’impression d’assister à deux concerts en même temps…Serré comme des huîtres de Bouzigues dans une bourriche, le public joue le cadre qu’on lui pose. Ma colère s’adresse plutôt aux organisateurs qui font offense à la musique de ce quartet. On n’écoute pas du jazz dans un tel cadre. On le subit. Un seul rappel (mou) suffira à notre quartet pour revenir sur scène. Les pauvres applaudissements renvoient ce public d’opérette dans ses pénates. La passerelle entre les huîtres et le jazz ne mène nulle part. Les responsables de la  Scène Nationale de Sète et du bassin de Thau peuvent malgré tout vous aider dans l’organisation de votre prochain banquet.

En concert au Sunside à Paris du 16 au 18 février 2006 puis:
– 1er mars à Rambouillet.
– 8 mars à Tours la Riche.
– 23 mars à Metz.
– 21 avril à Nantes.

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