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Avignon 2015- Tadeusz Kantor, dans les bas-fonds du Festival.

Depuis dix ans, les expositions sont une opportunité pour la direction du Festival d’Avignon de proposer un espace durable dans le temps, où les spectateurs s’autorisent des liens avec la programmation théâtrale et chorégraphique. Je me souviens encore de la force de l’exposition de Sophie Calle dédiée à sa mère, de la performance orchestrée par Tino Seghal avec des chercheurs de tous horizons, ou du choc d’être humains noirs exposés au regard du public par Brett Bailey avec “Exhibit B“.

Cette année, l’exposition « La nef des images » consacrée à l’histoire audiovisuelle du festival et celle  célébrant le 100e anniversaire de la naissance de Tadeusz Kantor sont choquantes à plus d’un titre. Des liens s’opèrent avec la « direction » que prend le Festival. Une lettre très personnelle est adressée à Olivier Py, son directeur, d’autant plus que celui-ci multiplie les apparitions médiatiques pour livrer sa pensée sans que finalement personne ne lui réponde. Alexis Magenham, spectateur et lecteur du Tadorne, lui écrit une lettre…

Il convient de lire cette lettre en ayant écouté préalablement l’interview d’Olivier Py au journal “Le Monde“.

Olivier Py : ” Je ne lis par les critiques” par lemondefr
“Qu’il est difficile d’écrire en ce mois de juillet 2015 à Avignon face à Olivier Py, moins directeur qu’opérateur artistique d’un relâchement d’épaules. Cela commence à la lecture de la programmation…tiens Olivier est l’artiste associé, comme l’an passé, avec pas moins de trois spectacles. Et à côté ? À côté, rien ne bouge véritablement puisque « je suis l’autre » (titre de l’édito d’Olivier pour présenter l’édition 2015), échec d’une volonté arriviste d’assoir l’altruisme au sein du festival, plutôt un aveu, celui qu’Olivier se pense à chaque instant, en chaque lieu, en chaque personne et personnage, « je suis l’autre ». Alors oui, cela bouge finalement puisque cela se replie vers sa personne, comme une armée en déconfiture qui bouge vers son état-major. Et parce que « je suis l’autre », je suis l’artiste du sommet, de l’origine, je suis l’autre Vilar.

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Je suis là, l’artiste est revenu, je le signifie en parlant Vilar à l’excès, l’exposition de la Maison Vilar est une trajectoire de l’origine à moi, je veux que l’on me confonde avec ce corps originel, je suis lui, je suis le père. « La nef d’images » à l’Église des Célestins est un programme de captations filmées des éditions précédentes du Festival. Elle porte Vilar presque seul, tandis que les spectateurs se relaxent dans des transats, buvette en soutien et librairie en ressource. Le tout fait centre commercial culturel et vient illustrer à merveille que « c’est la politique qui est dans la culture » (dixit Olivier dans l’interview donnée au Monde).
Olivier est Hamlet qui aurait dit oui à son père, cette chose qui est revenue, oui à la vengeance, oui au sang, oui à l’héritage d’un obscurantisme moyenâgeux.
Là où Hamlet véritable recule face au père salaud et se met à PENSER, il se creuse la tête et oppose à ce père/oncle la poésie de la folie, c’est-à-dire le langage de l’autre, la danse de l’autre.

Dommage pour toi Olivier car  le metteur en scène Tadeusz Kantor aurait eu 100 ans en 2015, cela tombe bien, car le titre de son dernier spectacle était « aujourd’hui c’est mon anniversaire »…Olivier ne peut pas l’ignorer, il est obligé de faire un cadeau, il concède l’exposition « les origines Wielopole Wielopole les origines », mais ce cadeau est une mascarade : des photographies auxquelles on aurait volé toutes les légendes, exposées au sous-sol de l’Hôtel la Mirande, à côté des cuisines. À croire qu’Olivier ne veut pas se retrouver dans cet autre Kantor, cet autre qui pense à tel point qu’il est l’origine de tout le théâtre qui pense aujourd’hui, oui, aujourd’hui c’est l’anniversaire de Claude Régy, c’est l’anniversaire de Roméo Castellucci, celui d’Angelica Liddell, de Pippo Delbono, de Gisèle Vienne…
On va passer une bonne soirée sans toi Olivier qui ne fête rien, mais qui évacue, tu tires la chasse, voilà le “Roi Lear, 2h30 d’évacuations à la Cour d’Honneur, serais-tu malade Olivier ? Toi qui te torches avec le silence de Cordélia, tu réduis au silence celle qui, lorsque “Lear is in Town” (Ludovic Lagarde, Avignon 2013), se rase la tête pour se confondre en pauvre Tom et rester avec son père sur la lande de l’espace sous l’ombre du monolithe.
Mais tu vas plus loin, en faisant de Cordélia une danseuse étoile absente, poupée d’un autre âge, car tu avoues qu’il t’est impossible de penser la danse comme langage.
Tu aurais pu te contenter de faire taire Cordélia, non, il a fallu que tu en fasses une danseuse pour ignorer son langage à elle jusqu’à placarder son silence au mur.
Olivier, tu es une machine de guerre, tu évacues tout, tu casses, tu détruis jusqu’à l’autre.

Mais fais gaffe, Olivier, fait gaffe parce qu’aujourd’hui devine quoi ? Aujourd’hui, c’est mon anniversaire.”
Alexis Magenham, 10/07/15