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FESTIVAL D'AVIGNON

Festival OFF – Essai d’un parcours imaginaire pour les lecteurs du Tadorne

Nous le savons. Nous avons l’expérience. La semaine du 14 juillet voit arriver tous les amis, les amis d’amis, les connaissances qui « débarquent » au Festival d’Avignon. C’est alors que revient toujours la même question : «Que faut-il voir ? ». Alors, je questionne : « quel est ton projet ? ». Pourquoi venir à Avignon ? Est-ce seulement pour se divertir ? Ne sommes-nous pas fatigués de nous divertir, de faire diversion alors que le pays vit une crise morale et politique sans précédent ? Je ne pourrais pas être à Avignon sans projet. Cela me serait insupportable tant l’atmosphère hystérique  prend souvent le pas sur la question du climat : « que dit Avignon ? » , « que se passe-t-il ? » , « Où en sommes –nous ? », « que nous disent les artistes ? ». Depuis 2005, je vis pleinement Avignon avec le projet du Tadorne (ce blog de spectateurs qui pousse les cloisons pour tenter de sortir d’un entre soi de la pensée…). Cette année, le OFF soutient le projet des Offinités du Tadorne, parcours théâtral pour spectateurs qui s’engagent à vivre un processus créatif pour questionner leur positionnement.  C’est notre relation à l’art que nous interrogeons pour révéler ce que nous jouons, ce que nous désirons, ce que nous projetons pour une société en mouvement. C’est la raison pour laquelle, le chorégraphe Philippe Lafeuille nous accompagne en fin de parcours à relier nos visions pour une chorégraphie de spectateurs.

Alors que faut-il voir ?

J’imagine un parcours…

 D’abord avec vos enfants ou avec les enfants dans la salle :

  • « Montagne » à la Condition des Soies à 10h écrit par Aurélie Namur, mis en scène par Florence Bernad, vous entraînera dans un voyage initiatique. Comment deux êtres différents, un ours et une biche vont cheminer sur un territoire, en se fédérant par la confiance ? La danse de Mickaël Frappat oscille sur la scène couvrant les moindres espaces. Notre imaginaire scrute à travers les branchages et monte sur le mur d’escalade. La douceur du plateau enveloppe les spectateurs adultes et enfants dont les corps, tendus, droits, sont à l’écoute ».
  •  Marche ou rêve” par la compagnie Lunatik (Espace Monclar à 10h30) vous offrira  une vision tournée vers le grandir. Deux comédiennes jouent avec les mots, en lien avec leurs chants rythmés. Elles sont l’enfant explorateur d’entrailles de bambous, chercheurs de trésor. Elles vont lutter contre vents et marées, en équilibre permanent entre réalité et rêve.

– Peut-être auriez-vous envie de commencer par de la danse. De la « belle danse » comme on n’en fait plus beaucoup, où l’élégance est un propos. Où le lien est une trajectoire ; où le soleil éclaire la noirceur d’un plateau provoquée par nos désirs d’en découdre avec l’inexplicable ; où 4 types se cherchent indéfiniment pour ne pas exploser et créer coute que coute le groupe, seul ensemble vecteur de sens. « Siwa-la Persistance rétinienne d’un Eden fantasmé » de Michel Kelemenis vous illuminera. Pour longtemps. C’est aux Hivernales, à 10H.

 Vous serez surpris de retrouver 4 autres types dans « Us-Band » de Samuel Mathieu aux Hivernales à 13h45 vous attendrons. C’est un beau coup de grâce, une danse généreuse, ouverte. C’est une respiration donnée part 4 hommes pour qui les gestes retrouvés de l’enfance sont autant d’actes héroïques.

 Vous aurez juste le temps de prendre « Le prochain train » d’Orah de Morcie au Théâtre Notre Dame à 14h35. Avec son écriture ciselée, Orah de Morcie nous permet d’entendre ce qu’il se joue, de saisir comment les outils de l’internet structurent durablement les relations et le regard que nous portons sur elles. « Le prochain train » est une belle métaphore d’un combat entre la poésie et l’outil, entre la complexité de l’humain et ce qu’elle est capable d’engendrer contre elle !

  Mais peut-être hésiterez-vous à prendre le train. Alors, « Rendez-vous gare de l’est » de Guillaume Vincent à la Condition des Soies d’Avignon à 14h25 suffira. L’œuvre est  magnifiquement interprétée par Emilie Incerti Formentini. Vous prendrez le train à grande vitesse d’une vie plongée dans les médicaments, dans la folie douce, celle de la maniaco-dépression.

 Vous aurez encore de l’énergie pour rester à la Condition des Soies et écouter Yves-Noël Genod  à 19h dans « Rester vivant, variations d’après Les fleurs du mal de Baudelaire». Et vous comprendrez pourquoi la poésie est un voyage intérieur, qu’elle s’adresse à votre corps, à votre peau. Qu’elle n’endort pas parce qu’elle éveille notre conscience sur la fragilité de l’immatérialité, patrimoine mondial de l’humanité. Yves-Noël Genod vous emmènera loin. Il est phare. Nous sommes des petits bateaux comme autant de lucioles dans la mer infinie où nos imaginaires échoueront sur les rives du théâtre.

Pascal Bély , Sylvie Lefrère – Sylvain Saint-Pierre- Le Tadorne