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FESTIVAL D'AVIGNON

Putain d’actrice!

C’est mon dernier spectacle au Festival d’Avignon. C’est au Off. Un désir de clôturer, non dans l’allégresse, mais là où je fus traversé pendant tout ce mois de juillet: le corps comme langage, porteur de sa propre dramaturgie. Il y a eu celui de la douleur du monde, du cri à l’intérieur de soi, de l’Espagnole Angélica Liddell dans « La casa de la Fuerza» présenté au «In». Inoubliable. Parce que nous sommes à Avignon, il y a l’expression «faire la pute », de plus en plus répandue et entendue ici ou là au grès des conversations entre comédiens, spectateurs et institutionnels. Même un artiste, Yves-Noël Genod, y va de sa provocation en invitant le public à payer à la sortie de son spectacle (“Entrée libre, car les putains, les vraies, sont celles qui font payer, pas avant, mais après »).

Parce que les mots ont encore un sens, je suis retourné au théâtre. Valérie Brancq est seule sur scène pour interpréter les textes de deux prostituées et écrivains, aujourd’hui disparues (Nelly Arcan et Grisélidis Réal). Très vite, « LB25 (putes) » inclut le spectateur dans la relation avec la prostituée. Ce n’est ni gratuit, encore moins vulgaire. Ici, révéler le corps pour mettre l’âme à nu est un art. C’est souvent cruel, ça saigne parfois, c’est chorégraphié, car le cauchemar a aussi sa danse. Les mots, les photos et les postures percutent parce que la mise en scène d’Olivier Tchang-Tchong articule le corps de l’acteur (donné en pâture aux spectateurs avide de sensations fortes) avec celui de la prostituée (qui telle une chrysalide se dévoile à mesure que les coups et les humiliations cessent). Entre, il y a nos souvenirs d’enfance où le corps était déjà l’objet de tant de convoitises et notre vie d’adulte où nous marchandons sans cesse « notre force de travail ».

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Autant dire que « LB25 (putes) » n’est pas un spectacle de tout repos. Pendant une heure, je n’ai rien perdu de la force des mots; je n’ai jamais baissé les yeux alors que Valérie Brancq vous fixe pour vous donner l’énergie d’entrer dans sa «maison de la force». Loin d’être close, elle est ouverte pour accueillir votre sensibilité afin que vous portiez un regard politique sur la prostitution au moment même où le pouvoir  fait fuir les putes de nos rues pour les cloîtrer dans l’espace virtuel d’internet.
« LB 25 (putes) » est un spectacle où une putain d’actrice transforme la scène en trottoir tandis que défile sur écran géant l’histoire de celles « qui n’en sont pas revenues ».

De leur mal de vivre.

De notre mal d’amour.
Pascal Bély – www.festivalier.net

« LB 25 (putes) » au Festival d’Avignon Off 2010. email: contact.lb25@gmail.com

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FESTIVAL D'AVIGNON

Au Festival d’Avignon, du « In » dans le « Off »?

La Condition des Soies. C’est un beau nom pour un théâtre, l’un des plus jolis lieux du Festival Off d’Avignon. On monte quelques escaliers pour entrer dans une salle ronde, tel un petit cirque d’Hiver.
À condition de soi.
À condition que soi…

Le matin, à 10h, il y a Aude Lachaise. Elle est danseuse. La piste est pour elle. Elle a juste assez d’espace pour créer le lien entre elle et nous. C’est à propos du sexe et du désir. De cul aussi. Mais aucune vulgarité car la «mayonnaise» (puisque c’est de cela dont il s’agit) demande du doigté et un joli tour de main et de bassin. Avec ses belles chaussures à paillettes dorées, elle arpente la scène pour susciter le désir d’un théâtre au croisement de la danse et du texte (combien se sont cassé le nez à vouloir lier les deux !).

Mais Aude Lachaise écrit bien. « Drôlement » bien. Une écriture complexe où le désir d’émancipation se cogne, se love au besoin d’aliénation à la gente masculine qu’elle associe à Marlon Brando. Au coeur de ce paradoxe, elle danse parce qu’il n’y pas que le CUL dans la vie : il y a aussi le « sexxxxe ». Elle joue avec les mots comme dans une partie de ping-pong où le spectateur est joueur (in)volontaire pour nourrir le désir de corps, de danse, de théâtre !

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Elle sait créer l’intimité avec distance, car le texte est suffisamment métaphorique pour susciter l’imaginaire. Je m’agite un peu ; je regarde à droite (« pas mal »). Et la partie continue, sans arrêts de jeu. Il n’est que dix heures du matin et déjà…Mais elle s’éclipse comme s’il lui fallait poursuivre l’ooeuvre ainsi commencée : celle d’une danse du ventre pour accoucher d’un essai dansé sur le discours amoureux.
Fin d’après-midi, à 18h, il y a Yves-Noël Genod. Il me croit mal intentionné suite à un article où je ne m’étais pas senti invité dans son univers florissant. Mais aucun de mes regards vers un artiste n’est figé dans le marbre. Nous évoluons tous. Ensemble. Tout n’est que désir. Après Aude Lachaise, j’ai envie d’entendre cet acteur.

La piste n’est pas encore à lui. À l’entrée, comme au bon vieux temps des premières parties, il y a Arthur Ribo pour nous offrir une coupe de champagne. Les théâtres seraient bien inspirés d’en faire de même et de réduire la voilure sur la communication sur papier glacé. Il nous invite à faire silence pour s’écouter. Joli moment. La communication est dans cet instant précieux. Il note ensuite dix mots donnés par la vindicte populaire ! Comme à la Société Générale, « avec quatre mots, je vous en donne 4000 ». Et le voilà parti pour une improvisation. C’est un festival. « In » et « Off ». Il jongle, rattrape, se remet à l’ouvrage. Sans filet. C’est gagné, les bulles de champagnes englobent, relient les mots et provoque l’émerveillement.
C’est alors qu’il arrive, livre de Shakespeare à la main (« Venus et Adonis »). Une heure de lecture, dans son «parc intérieur» : on peut s’y coucher, se lever, penser à autre chose, faire des liens improbables. À peine commencé, il évoque David Bowie. Alors qu’un fan lui tendit une rose, il promit au public un jardin pour en offrir une à chacun. Genod est Bowie. Et chacun de nous prendra « sa » rose : Marguerite Duras, Claude Régy, Jorges Luis Borges, le poète Wallace Stevens. Ils s’invitent dans la lecture. Comme des entremet(eurs). Plus que des apartés, ces textes, ces petites anecdotes font danser Genod tandis que Venus et Adonis prennent le temps de se conter. Cette « rocambolesque » histoire d’amour  a soudain des allures de chevauchée fantastique, comme au bon vieux temps des feuilletons où l’on pleurait d’avoir raté un épisode ! On rit beaucoup, on fait silence alors que les mots de l’acteur se cognent au mur pour créer l’écho. La profondeur de l’écriture prend alors tout son sens d’autant plus que le français n’est pas la langue de Shakespeare !
Puis, subitement, Genod s’approche. Il nous glisse une confidence personnelle à propos de Marguerite Duras. Peu à peu, son « parc intérieur » est un parterre de roses. For Pina.
Pascal Bély – www.festivalier.net

Yves-Noël Genod. Le Parc intérieur, variation sur Vénus & Adonis, le poème de Shakespeare.
« Marlon » d’Aude Lachaise
Théâtre de La Condition des soies. Jusqu’au 31 juillet 2010.

Crédit photo: Jérôme Delatour – Images de Danse.

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FESTIVAL D'AVIGNON

Avignon off : Oh Boy ! Sauve qui veut la vie !

Ça commence quand nos histoires…Quel en est le point de départ ?

Pour Bart, ça commence par une lettre, une convocation d’amours, de 5 à 14, mais il ne le sait pas encore…
Un comédien, une armoire, trois étagères, une petite chaise et quelques objets pour une heure de voyage, magnifique, dans les cartes du tendre au pays de l’intranquille. Lionel Erdogan s’est glissé dans la subtile et poétique mise en scène d’Olivier Letellier avec une fougue et un bonheur palpable ; il est tellement crédible qu’on en oublierait presque qu’il n’est pas Bart. L’art du conte est à la fête avec ces deux hommes là.
Siméon et Morgane, qui ne sont pas passés chez Merlin question physique, mais ont croisé la “fée cerveau” en chemin, forment un trio d’orphelins  avec Venise, jolie poupée blonde. Bart et  sa demi-soeur Josiane complètent ce tableau de famille éclaté. Des pères qui partent, une mère qui « se décède » à coup de canard wc dans les escaliers, une anémie pour ne pas dire autre chose, un docteur Mauvoisin qui deviendra celui que l’on attendait; les Morlevent vont mordre la vie à pleines dents autant que la vie les mord. Pour les aider, Barbie sera de presque tous les plans et Ken trouvera un petit ami ; Venise, en docteur « es » histoire d’amours torrides made in « Mattel »,  s’en chargera sans passer par le pont des soupirs.

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Les thèmes sont graves, questionnant ou dérangeant pour certains, qu’importe, ils sont inscrits dans la vie et ils ouvrent le coeur vers les singularités ordinaires de l’amour, sans raison parce qu’avec toutes les raisons. Si l’on savait où vont les ballons blancs que perdent les enfants, on courrait à perdre haleine pour les ramener au pays des adultes.
Dépasser les barrières des plans de vie « bien établis », dépasser les peurs, dépasser les frontières qui sont remparts au lien, dépasser l’étrangeté de l’autre pour l’accueillir, jouer des clichés pour mieux les évacuer, voilà à quoi nous invite ce parcours avec Bart.
De cette histoire à secouer les armoires des carcans et des intolérances,  je suis ressorti l’oeil brillant et le sourire accroché au coeur. Et si on savait où sont les ballons blancs?

Bernard Gaurier – www.festivalier.net

“Oh boy!” mise en scène d’Olivier Letellier au Festival d’Avignon 2010.

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Notre problème avec Faustin Linyekula

Cet article fait suite à celui que j’ai publié il y a quelques jours à propos de la pièce de Faustin Linyekula , «Pour en finir avec Bérénice ». Sylvain Pack ne partage pas mon analyse.  

Titus, le fils du Roi de Rome convainc son amoureuse Bérénice de quitter la Palestine pour le rejoindre. Cet homme doit diriger Rome alors que son peuple s’oppose à cette union avec une étrangère. Les deux protagonistes s’aiment passionnément et vont devoir faire face au dilemme de leur responsabilité. Titus a déjà choisi et renvoie son amour chez elle. Ils acceptent leur destin tragique. Bérénice met-elle fin à ses jours ?…

Voilà, esquissé, le drame auquel l’équipe de Kisangani va s’atteler durant le spectacle “Pour en finir avec Bérénice“, joué dans le cloître des Carmes. Voilà une histoire qui m’était inconnue, écrite par Jean racine il y a 4 siècles. Voilà aussi mon problème… La distance de la langue, l’incompréhension de ces vers, l’inaccessibilité de leur syntaxe et de leur musique. Ce qu’a dû, d’autant plus, affronter le chorégraphe et metteur en scène Faustin Linyekula, originaire d’un pays ultra colonisé, ultra envahi par la langue française : le Congo.

Six siècles plus tôt, les Portugais commencent la traite négrière dans ce pays majoritairement pygmée et bantou. Les Français prennent le relais puis bien plus tard, le Congo expulse ses envahisseurs et acquiert son indépendance en 1958. Le Congo a connu toutes les déchirures, tous les déracinements de l’esclavage. Sa conquête d’autonomie et les compromis politiques qu’il a dû subir, lui a valu du sang et beaucoup de cadavres encore. C’est le problème de Faustin Linyekula et c’est un problème de taille, comparé au mien ce soir.

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Il rentre sur scène en tapant des cailloux, qu’il ne lâchera presque jamais. Ses acolytes déversent du café sur scène, ressource congolaise autrefois florissante et aujourd’hui tari. Leur visage est recouvert de blanc, des perruques de cour tout aussi ridicules et fantomatiques seront portées, envolées, perdues. Faustin Linyekula ne cessera jamais de battre le pouls de son pays, avec la musique, avec son corps, avec le désert que laissent le massacre et les guerres… et même si le pathos de certains interprètes tiraille dans cette cour rafraîchie par le mistral, l’équilibre de l’approche, comme la bassine que porte sur sa tête une des femmes, ne verse ni dans la plainte, ni dans la colère. Faustin Linyekula défie et recherche. Il fait éminemment parti de cette génération consciente et concentrée, avec Israël Galvan ou Ivo Dimchev, qui par la danse et la performance aborde les angoisses de notre monde.

Concernés par des affaires autant intimes que communautaires, ils proposent, en échange, des activités de recherche esthétique portées au regard du public. Et si la forme n’est pas close, si elle est longue, voire maladroite, elle n’est pas prête à consommer, elle n’est pas facile et surtout, elle n’est pas occidentale. L’équipe de Faustin Linyekula se débat avec les débris d’une culture violée et l’appétit dévastateur du pétrole qui règne autour de son lieu de travail. C’est ce qui est donné à voir et à entendre, lorsque le plus simplement du monde, les acteurs témoignent de leur temps de travail autour du futur cadavre de Bérénice et la transforme en scène de comptoir : ” 2,5 millions… non 3, mais non il y a eu 5 millions de morts. Je vous dis qu’il y en a eu 4, 5 ! ” Et on rit. On s’amuse parce que ces acteurs sont touchants, qu’ils sont distants comme exprès, respectant le dessin qui est fait “Pour en finir avec Bérénice”.

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Ce spectacle est furieusement fragile et retenu, abordant un concept presque immaîtrisable tant la douleur est sourde et désespérée et, notre conscience européenne, si susceptible à ce sujet. Pour renvoyer  à l’article de Pascal Bély, je ne crois pas que Faustin Linyekula soit trop immature pour toucher à ce sujet. Je pense qu’il est plutôt très difficile de l’entendre, que la décolonisation et le néocolonialisme doivent être chevauchés par ces nouveaux artistes bien plus que par ce dernier défilé du 14 juillet qui fait honte à notre pays.

Notre problème avec Faustin Linyekula a jailli avec un public resté silencieux, apprenant à ne rien renier et à comprendre les fondements de cette violence raciste. Le travail de l’art vivant n’est pas une forme figée, il se réfléchit et se questionne, n’aboutit pas toujours, d’un spectacle à l’autre. Ce soir, je renvoie à ces hommes de scène toute mon admiration en essayant de faire claquer mes deux mains comme des pierres. Je résiste mieux, je rentre chez moi et cherche plus de détails sur l’histoire des Congolais, découvre les liens qui unissent la mienne à la leur.

Sylvain Pack – sylvainpack.blogspot.com

“Pour en finir avec Bérénice” de Faustin Linyekula au Festival d’Avignon du 17 au 24 juillet 2010.

Crédit photo: Christophe Raynaud de Lage.

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FESTIVAL D'AVIGNON PAS CONTENT Vidéos

Au Festival d’Avignon, des rires primaires pour la dans’amalgame d’Alain Platel.

Le danseur me regarde. C’est interminable. Je lui fais signe d’arrêter, que cela suffit. Il continue. Le combat est inégal. À ce moment précis, je lutte avec le chorégraphe Alain Platel pour que « Out of context (for Pina) » se termine. Je voudrais me lever, demander une suspension de séance, pour que les spectateurs qui rient m’expliquent les raisons pour lesquelles le propos a lâché. Je me tournerais alors vers les danseurs pour les questionner sur leur ressenti d’incarner des handicapés que Platel fait passer pour fous parce que ça l’arrange, parce qu’il y décèle de la «virtuosité». Je l’interrogerais ensuite mais il serait peut-être déjà parti. On m’aurait ordonné de quitter les gradins bien avant, avec une camisole de force. Ce spectateur est fou, fatigué, excessif. Probablement du sud, car à Paris on sait se tenir, surtout au Théâtre de la Ville.

« Out of context » est une (trop) longue chorégraphie, car il faut du temps à Alain Platel pour travestir son propos. En observant les autistes, il n’a vu que des corps tordus.
Coup tordu.

Vous n’avez pas de chance, Monsieur Platel. Avant vous, il y a eu l’an dernier sur cette même scène du Lycée Saint-Joseph,  Pippo Delbono et Bobo. J’ai appris avec eux qu’entre le handicap et la folie, il y a tout un monde que vous avez préféré réduire à une esthétique séduisante. Mais manque de chance, le public rit. Il vous tend le miroir de vos erreurs et de vos égarements.

Avant vous, Monsieur Platel, il y a eu Christoph Marthaler qui, il y a seulement deux jours, nous a proposé de nous introspecter dans le regard du fou. Vous avez préféré créer la distance entre vos danseurs et le public pour faire du spectaculaire. Mais manque de discernement, cela se voit. Vous avez fait d’un handicapé un fou sans lui donner sa fonction politique. Vous avez choisi d’en faire le bouffon, jusqu’à convoquer des bébés sur scène et valider votre hypothèse. Vous penser qu’ils sont seuls capables de  regarder droit dans les yeux le «handicapé fou» (appelons-le ainsi, puisque vous mélangez tout), tandis que les spectateurs rient, non pas parce que cela les dérange, mais parce que c’est rigolo.
Mort de rire.
Avant vous, Monsieur Platel, il y a eu Angélica Liddell. Elle nous venait d’Espagne. C’était il y a dix jours, au Festival d’Avignon. Elle m’a bouleversé parce qu’avec elle, j’ai compris que le corps qui souffre relie l’intime et le politique, que danser autour d’une chanson pop pouvait rendre fou. Avec vous, la pop, la variété, ne servent qu’à séduire le public pour qu’il accepte la danse du « tordu ». Nuance. Vous osez même nous interpeller pour savoir si nous serions capables de danser avec eux. Certains spectateurs (castés) montent sur scène pour une danse de l’étreinte. Sauf que le danseur n’est ni handicapé, ni fou. Se seraient-ils risqués avec Bobo ? Sûrement pas, parce que Pippo Delbono ne l’aurait pas permit. Et puis parce qu’un fou, ça peut aussi déplaire et puer de la gueule.
Mensonge.
Ainsi, vous pensez à Pina Bausch. Moi aussi. Sa danse était virtuose.
La vôtre est en dehors du contexte.
Fin.

Pascal Bély – Le Tadorne

“Out of context for Pina” d’Alain Platel au Festival d’Avignon du 22 au 26 juillet 2010.

Crédit photo: Christophe Raynaud de Lage

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FESTIVAL D'AVIGNON THEATRE FRANCAIS CONTEMPORAIN

Au Festival d’Avignon Off : Travelling Hiroshima.

Aller revoir, dans une nouvelle version, ce bijou qu’est pour moi « Hiroshima mon amour » tient, comme à chaque fois, du désir et de la crainte de croiser un autre regard que celui de  Resnais…
J’entre dans la salle avec en tête le massacre orchestré sur ce texte par Éric Vignier au festival d’Avignon en 2006, pourtant amoureux spécialiste de Duras…Aie…Chasser ça pour créer l’espace ouvert?
Je décroche, l’espace scénique m’attire et je laisse le champ libre… « Tu n’as rien vu à Hiroshima. Rien?  J’ai tout vu. Tout ? », Les premiers mots m’emportent, comme à chaque fois…

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Julien Bouffier met tout à vue du processus de représentation, l’endroit et l’envers du décor, les techniciens. Il n’occulte pas que le texte est à l’origine fait pour le cinéma, il s’en sert pour nous faire naviguer entre le corps image et le corps chair. Il ose les chansons pop avec Dimoné en chorifé, elles servent le propos et l’invite à une nouvelle époque. Vanessa Liautey et Ramzi Choukair portent leurs personnages sans avoir à souffrir de la comparaison avec Emmanuelle Riva et Eiji Okada. La magnifique scénographie d’Emmanuelle Debeusscher et JB ouvre et éclaire le texte.
Une heure trente plus tard j’ai voyagé d’Hiroshima à Nevers en allers retours, j’ai entendu l’amour comme une bombe et Hiroshima comme la fin de tout amour humain. « Tu n’as rien vu à Hiroshima. Rien?  J’ai tout vu. Tout ? ». Autre regard, mais toujours le même trajet…Hiroshima Nevers, violence, perte, crime, châtiment, douleur? Comme un cri, comme une bombe? Une rencontre? pour revivre? pour tourner la page? pour se reconstruire? pour se construire? sur les ruines? pour l’amour? Hiroshima Nevers?, on n’en termine jamais de l’amour et de la mémoire.
Tu n’étais pas tout à fait mort.
J’ai raconté notre histoire.
Je t’ai trompé ce soir avec cet inconnu.
J’ai raconté notre histoire.
Elle était, vois-tu, racontable.
Quatorze ans que je n’avais pas retrouvé … le goût d’un amour impossible.
Depuis Nevers.
Regarde comme je t’oublie …Marguerite Duras.

Dans nos boîtes à souvenirs, toujours un peu de terre, un peu de sang, des larmes, des morts et des amours finis encore à recommencer.
Elle : “Je n’ai rien inventé.
Lui : Tu as tout inventé.
Elle : Rien. De même que dans l’amour cette illusion existe, cette illusion de pouvoir ne jamais oublier, de même j’ai eu l’illusion devant Hiroshima que jamais je n’oublierai. De même que dans l’amour“. Marguerite Duras.

Bernard Gaurier – www.festivalier.net

“Hiroshima mon amour” de Marguerite Duras , mise en scène de Jérôme Bouffier. A la Manufacture d’Avignon jusqu’au 27 juillet 2010.

Crédit photo: Marc Ginot.

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FESTIVAL D'AVIGNON LE THEATRE BELGE!

Au Festival Off d’Avignon, l’adolescence chagrine.

Belle tentative que d’essayer de mettre le doigt là où ça fait mal à l’adolescence. “Le chagrin des ogres”  de Fabrice Murgia s’appuie fortement (trop?) sur la technologie pour tenter de nous faire entendre (de nous rappeler) le bruit et la fureur de cet âge “cruel”.

Autopsie d’un passage où l’on doit lâcher hier pour aller vers un ailleurs dont on ne perçoit, à ce moment,  que le tonitruant bruit d’un renoncement de soi. L’enfance est là abîmée, ensanglantée, à l’image de cette poupée humaine qui arpente la scène et enjoint, câline ou vociférante, de ne pas céder. Le monde adolescent nous est montré comme enfermé dans la prison des espaces numériques, la relation à l’autre s’établissant via la caméra et internet à coup de « mensonges » scénarisés ou d’obsessions « infantiles ».

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Peut-être est-on avec «le chagrin des ogres» trop dans la métaphore archétypée,  tant dans les tableaux pathologiques des personnages que dans les rappels d’un réel de faits divers. Il me semble regrettable d’avoir raccroché ces portraits à des faits d’actualités trop marqués par les couvertures médiatiques dont ils ont fait l’objet. Le tableau me paraît trop tranché et pourrait renforcer l’idée que c’est par le « scoop » que l’on peut faire entendre sa souffrance. Cela bien sûr étant, je le crois, à l’encontre de ce que souhaite la troupe.
Ce travail pourrait être un excellent outil de prévention et permettrait d’ouvrir le dialogue avec ceux qui traversent ce bouleversement. En ce qui me concerne je n’ai pas retrouvé trace de mon histoire, je sais…, elle date du temps d’avant internet. Mais, en cela, cette proposition peut revendiquer une parole de son époque.
Je n’ai pu m’empêcher de penser à une autre pièce vue l’an dernier au Off : « Chatroom » qui traitait une problématique similaire, mais avec une mise en scène moins « spectaculaire » et un propos à mon sens plus fouillé.
Cette proposition me laisse donc sceptique, je ne peux m’inscrire dans un regard net, c’est peut-être là l’un des objectifs de ce chagrin que de donner à questionner ce que l’on voit et de ne pas trancher. Puissent, dans ce cas, les larmes des ogres ouvrir des espaces où percevoir et entendre que l’enfance n’a pas besoin d’être jetée comme un vieux « doudou » pour se lancer dans le monde des « grands».

Bernard Gaurier – www.festivalier.net

“Le chagrin des ogres” de Fabrice Murgia à la Manufacture (Avignon) jusqu’au 27 juillet 2010.

Crédit photo: Cici Olsson.

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FESTIVAL D'AVIGNON Vidéos

Au Festival d’Avignon, Cosima, Jean-Luc, Papa, maman, le festival, et moi. Sans moi.

« Le sujet à vif » m’ennuie. Nichée au coeur du Festival d’Avignon, cette programmation a longtemps étonné. Depuis trois années, elle déroute comme si le schéma de « commande passée à » produisait un « entre soi », des formes narcissiques où l’on se regarde à défaut d’ouvrir le regard vers un ailleurs.
Je ne m’attarderais pas trop sur le programme D où se succèdent les commandes passées à Christophe Fiat et Foofwa d’Imobolité. Dans le premier cas, Laurent Sauvage, guitare en bandoulière, nous conte l’histoire de Cosima de Flavigny (maitresse de Richard Wagner). C’est long, froid, immobile. Fiat transforme ce bel homme en glaçon qui peine à fondre. Pour la deuxième proposition, « Au contraire », le chorégraphe Foofwa d’Imobolité nous propose une danse à partir de Jean-Luc Godard. Je connais peu ce cinéaste. Je n’en saurais pas plus. Il y a de l’amusement sur le plateau, mais je me sens au dehors d’une chorégraphie pourtant érotique. Je deviens glaçon, qui ne fond pas.
Le programme C déçoit fortement d’autant plus que deux grands noms en ont pris les commandes : la chorégraphe Olivia Grandville et la comédienne Ariane Ascaride.

La première conte l’histoire du festival d’Avignon à partir de sa famille. En fond de plateau, un grand panneau (genre brainstorming né d’une réunion de managers d’entreprise), où l’on a jeté là les figures mythiques du Festival d’Avignon (Vilar, Bagouet, Bausch, Godard, Moreau,.. ;) et des dates clefs (1968, 1992, 2003, ?). Sur scène, Olivia Grandville, sa mère (Léone Nogarède) et la danseuse Catherine Legrand. Ainsi peut commencer le voyage comme un défilé de cartes postales. Cela ne me traverse jamais d’autant plus qu’Olivia Grandville fait peu de liens entre ce festival et les processus familiaux. Or, la relation au Festival d’Avignon est un rapport presque « charnel » que la danse met à distance. Olivia Grandville semble dépassée par l’ampleur de la tache d’où ce besoin de délimiter par des ronds et des traits qui ne veulent rien dire sauf à tracer sa propre traversée dont elle peine à donner de la substance.

Suffit-il qu’un nom soit posé pour qu’il soit incarné ? Suffit-il d’inviter sa mère sur le plateau (au demeurant fort sympathique, mais dont je ressens la fonction contrôlante du « témoin ») pour qu’un lien se noue entre l’histoire du théâtre, d’Avignon et celle des spectateurs ? La forme donne l’impression d’une déconstruction (en effet, rien n’est chronologique) mais la façon d’aborder l’histoire reste binaire tant la succession d’images et de sons finit par exclure le sens de l’Histoire. C’est un passage en revue, un diaporama, un texte à l’épaisseur d’une carte postale, là où j’aurais tant apprécié du relief, de l’écho. Seule l’évocation de la crise de l’intermittence de 2003 trouve une certaine résonance mais ici aussi, on survole à partir de bribes de discours et de lettres des ASSEDIC là où le silence aurait été plus approprié.

Avec Ariane Ascaride dans “proposition d’un jour d’été” l’histoire prend son temps. Pendant un long moment, elle nous explique le concept de « commande ». Elle s’excuserait presque d’être là. Enfermée elle aussi dans la carte postale, elle nous conte l’histoire du théâtre à partir de sa vie familiale à Marseille. En se plaignant d’être « la madone des ouvriers », elle ne peut s’empêcher d’y revenir même si l’habit ne fait pas le moine. Ariane Ascaride joue la petite fille de son père, là où j’aurais aimé approcher l’humilité de la grande comédienne face à l’histoire. Elle me perd définitivement dans le pittoresque et le dernier tableau où elle danse dans un costume de lumière ne me rattrape pas. Je suis déjà loin.

Au final, entre une “semaine » et « un jour d’été“, on effleure de peur d’être trop présent.
Pascal Bély – Le Tadorne

“Proposition d’un jour d’été” à partir d’un texte de Marie Desplechin; “Une semaine d’art en Avignon” d’Olivia Grandville au “Sujet à vif” du 19 au 25 juillet 2010.

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Big Bang au Festival d’Avignon.

Même le chien ne parlera pas…ou pas de blablabla“, ou “ padutoutpaperlapap »…ou peut-être “ une île pour quoi faire“.
Ça me change des éléments de langage…
Ça me change du prêt à voir et à entendre…
Ça me change…

Avec « Big Bang », Monsieur  Philippe Quesne est doué pour l’art du rien et du tout à la fois.
Monsieur Philippe Quesne est peu loquace, mais il arrive à dire beaucoup de choses avec juste un peu de rien qui nous remplit. La fin du festival d’Avignon approche. On m’a beaucoup dit, mais j’accueille. Il y a encore de la place pour qu’il m’aide à articuler tout ça…

Dans “La Mélancolie des Dragons“, spectacle présenté en 2008 au Festival d’Avignon, il y avait une histoire, du début à la fin, totalement insolente.
Il nous surprenait constamment, et on était ébahi, heureux, émus, déstabilisé, émerveillé comme des enfants. C’était un conte de nulle part, avec sa magie incongrue qui tombait, il faut dire, toujours à pic…
Big Bang“est autre chose.
C’est une proposition différente même si on retrouve ses points de repère. C’est  un concept plus abstrait, c’est une situation qui se veut être plus un état qu’un récit parlé. À vrai dire, ce  n’est pas une vraie histoire.
Et si on lâchait l’histoire? Comme ça, pour voir ce que ça nous fait. Sans histoire, que devient le spectateur ? ll est nu, il cherche à se rhabiller. Moi, j’enlève, j’enlève…Sans être à poil, «Big Bang» me met seulement à découvert…

Je vous livre un secret…le chien ne parlera pas, et en plus  n’attendez pas de long discours.
Décrire ce qui se passe serait réducteur.
Il y a l’éternelle neige chère à Philippe Quesne. Il y a la voiture toujours là, mais cette fois à l’envers…
Il ya le feu des hommes préhistoriques, des formes informes en fausse fourrure qui, comme des pachydermes, se meuvent en rampant; il y a comme des pingouins qui ressemblent à des Pénitents en goguette, il y la neige, la chaleur, il y aura l’eau, l’île, les bateaux, les arbres…
Il y de l’humanité. Celle que l’on ressent si peu à force d’être soumis tous les jours au flux des images, au flux RSS, au flot des mots…Ici, du mouvement, que du mouvement. Et du beau. Oui, du beau, car c’est le langage de l’humanité. Vous ne voulez tout de même pas qu’elle se mette à parler SMS traduit en Anglais ?
 
On prépare quoi ? Nous, on ne sait pas vraiment, mais le Script, lui, le sait. Il s’occupe de “ses ouvriers” de l’espace, des lumières, il bricole en coulisse et les comédiens obéissent docilement aux conseils prodigués.
On ouvre l’espace de la scène, et on comprend à ce moment-là que le Maître de cérémonie a dû être plasticien, ou graphiste. En tout cas, maître es-espace, maître es-insolite, peut-être maître es-absurde.
Ce maître de cérémonie remet délicatement du sens. Les «autres», sont hors du coup, hors champ. Ils ont explosé en vol, laissant derrière eux voiture retournée, barbecue d’été et une cargaison de bateaux gonflables. Du stock, il ne reste plus grand-chose. Le toujours plus, le travailler plus pour gagner plus n’est qu’une vieille inscription retrouvée sur les parois des trous à rats.
 
(Les Chemises hawaïennes rivalisent de couleur, les bateaux arrivent…il ne manque plus que le Youkoulélé…!)
Le script -metteur en scène est habile. Souvent présent sur le plateau, il dirige…Mais que dirige-t-il et qui dirige-t-il …? Des singes, des otaries, des scaphandriers, des astronautes ?
Il essaye de donner des indications minimales pour une éventuelle « Règle du Jeu ».
Il ressemble à un maitre de ballet qui donnerait des conseils sur scène, c’est un absurde directeur d’acteurs, c’est Tadeusz Kantor dirigeant des poissons dans un nébuleux Vivarium…
C’est le chorégraphe de nos âmes perdues entre crise interminable, chaos politique et  promesse d’une révolution verte qui développe peu à peu le langage de la norme, du contrôle du désir. Ici, entre l’eau, la terre et le feu, l’homme marche sur l’eau, plonge si c’est beau, seulement si c’est beau. Il est cosmonaute pour se prendre la tête et redécouvrir d’en haut ce que la fourmilière du bas lui cache…

 
Si sur scène on prépare quelque chose, c’est avec beaucoup de riens et ce sera juste vouloir bouger d’un centimètre l’objet du décor pour que ce soit parfait.
Un voyage  imaginaire ou plutôt dire le Big Bang ?
Pas d’importance,  car c’est un moment suspendu, un humour tellement tendre, une “caverne pour nos vieux jours”…c’était juste, c’était chaleureux, on aime, on se laisse aller au plaisir…
Au Big bang, le laisser aller est un art, là où ailleurs, il est la politique du pire…

Francis Braun en maître de cérémonie, Pascal Bély enpachydermerampant sous les couleurs du Big Bang!, tous les deux Tadornes..

“Big Bang” de Philippe Quesne au Festival d’Avignon du 19 au 26 juillet 2010.

Crédit photo: Christophe Raynaud de Lage.

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Le rock full sentimental de Pierre Rigal.

Micro” m’accueille avec ma fatigue de trois semaines de festival, avec mes doutes, mes enchantements, et mes barrières de défense. Mais elles s’écroulent dès la première minute, parce que sa générosité donne confiance. La dernière création du chorégraphe Pierre Rigal est un moment de pure jubilation, rassembleur sans être démagogique, populaire sans pour autant verser dans la facilité. “Micro” est une œuvre très soignée, où chaque «plan» (il y a des instants où l’on se croit au cinéma) est minutieusement réfléchi, où le lien entre les séquences évite d’emballer le vide, mais donne du souffle. «Micro» est drôle, très drôle. Le public rit. Beaucoup.

Car Pierre Rigal et ses quatre acteurs-danseurs-musiciens jouent avec le corps sans jamais tomber dans la caricature. Car « Micro » dégage une tendresse infinie, une empathie envers les groupes rock qui brûlent actuellement les planches des festivals de l’été. Après avoir créé la chorégraphie du football dans « Arrêts de jeu », Pierre Rigal s’attache aux rockers. Enfin. Qui plus est dans « la chapelle des Pénitents Blancs », sur cette scène minuscule, comme un hommage à la musique, à la danse seule capable de créer du sens dans un espace aussi réduit (pour ceux qui auraient vu « Press », on sait que cet homme pourrait danser avec son petit doigt dans une boîte d’allumettes).

Car qui n’a jamais été troublé par les déplacements des musiciens lors d’un concert, par la fascination qu’exerce leur corps sur les foules en délire, par la manipulation des instruments qui prolonge l’humain bien au-delà du biologique ? Pierre Rigal prend tout cela et nous embarque dans un concert d’une qualité exceptionnelle.

Lorsqu’il arrive pour incarner le rocker, je suis fasciné par la précision du geste et la dramaturgie qui s’en dégage : le rock est solitude, mise à nu. Il y a là un langage, des codes où la béquille du micro n’est pas sans rappeler la barre de la danseuse classique, où la posture verticale est celle du perchiste. La question de l’émancipation est tout autant posée : comment s’affranchir de ces verticalités, déjouer les codes, tout en sécurisant le groupe ? Parlons-en du groupe ! Au commencement, on pourrait imaginer Pierre Rigal dansant seul au
milieu des micros et des instruments pour nous proposer une chorégraphie « acrobatique » dont il a le secret. L’arrivée des chanteurs (dont la troublante Mélanie Chartreux en «danseuse malade» échappée du camion de Boris Charmatz !) est un tableau inouï où Pierre Rigal s’amuse de l’interaction entre la technologie et le corps. Les machines se métamorphosent pour créer le fluide du vivant (et inversement!). À partir de cet instant, Pierre Rigal et son groupe s’autorisent toutes les audaces, car ils savent que le rock est la musique du croisement des arts, de l’hybridité et qu’il est révolution. Pendant plus d’une heure quarante, les corps créent l’interaction, définissent les contours d’une « micro » société où les prises de pouvoir s’entremêlent avec les liens de solidarité qui finissent par électriser des corps en folie. Avec Pierre Rigal, tout est affaire de démesure, mais dans le beau. Seulement dans le beau. Et avec humour. Les postillons sont feux d’artifice, des baguettes créent l’univers de la marionnette, des cymbales posées sur des visages donnent l’illusion d’un tableau de Magritte…Ici, tout n’est que fluide. Le sens se propage à la vitesse de l’humain avec l’énergie du désir. Celui d’en découdre avec les frontières (ici, le chant se transmet de bouche en bouche,…magnifique), avec l’individualisme (ici on se porte, on se supporte), avec l’idée que le concert n’aurait aucune dramaturgie (alors qu’ici, le metteur en scène joué par Pierre Rigal est omniprésent).

Je suis venu pour de la danse, j’ai assisté à un concert chorégraphié.

Vous étiez venu pour de la musique, vous avez eu une performance dansée de rockers endiablés.

Vous vouliez du rock, ils vous ont offert un théâtre de corps musicaux textuels.

Nous étions au Festival d’Avignon ; en eaux troubles et tumultueuses. Ils se sont jetés dans la fosse aux lions pour nous faire rugir de plaisir.

Pascal Bély – Le Tadorne.

“Micro” de Pierre Rigal au Festival d’Avignon du 23 au 26 juillet 2010. 

Crédit photo: Christophe Raynaud de Lage