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EN COURS DE REFORMATAGE

Les forces motrices de Jeanne Balibar et Boris Charmatz.



Bouleversé. Transpercé. Bousculé. J’applaudis alors qu’une bonne partie du public se lève, sans un regard pour les artistes, maugréant des analyses incompréhensibles. Bienvenue au Théâtre de la Ville, sanctuaire de la danse parisienne, un lieu aussi inamical qu’un congrès du Parti Socialiste.
Avec « la danseuse malade », Jeanne Balibar et Boris Charmatz démontrent ce que l’on omet trop souvent: la danse est un art difficile, engageant, qui déforme, tord, essore, décolle, plie. Distancié de deux rangs seulement, je suis ébloui au sens propre, comme au figuré : rarement la danse ne m’a été évoqué de cette façon, avec autant de sincérité, de fragilité, d’humilité. Sans faire scandale, « la danseuse malade » fait rupture dans le consensus mou actuel qui entoure les spectacles chorégraphiques, où le “public consommateur” se questionne peu sur le processus oubliant que cet art se régénère à partir de sa transdisciplinarité.

Tout commence par une explosion sur la tête. Le corps disparaît presque dans la fumée.
Ça tousse dans la salle.
Déjà.
Un camion blanc avance, téléguidé du plafond par un cordon ombilical. Boris Charmatz et Jeanne Balibard sont au sol, qu’ils décollent comme un plasma ; ils fusionnent puis se séparent. Je ressens une naissance, celle d’une nouvelle représentation du butô, l’une des danses les plus caricaturées qu’il soit. J’y suis. Ils ne me lâcheront jamais : du plasma à mes tripes. Les corps explosent, se liquéfient ; se fluidifient. C’est beau. Impressionnant. Elle se dégage, monte dans le camion. Elle a pris froid ; tout ceci finit par la fragiliser ; elle est enrhumée. Parle du nez. Le corps parle toujours.
Nous voilà partis pour une conférence, où les mots de Tatsumi Hijikata « co-père » du buto, loin du bavardage, traversent le corps de Jeanne, prêt à se briser contre la vitre. Le camion véhicule le corps, mais peut à tout moment l’écraser, nous foncer dessus. Je le suis des yeux alors qu’il arpente la scène, avance, recule, tourne sur lui-même. Il nous éblouit et se fait danse. Les mots buttent, déchirent et le corps se cogne, à se prendre la tête.
Le butô vient du dedans, comprenez-vous ? C’est la danse des mots qui se heurtent au corps. Voyez-vous ?

Ce spectacle me ronge de l’intérieur : il me révèle des émotions nouvelles.
Mes mots butent.
Ces deux-là m’ont trimbalé dans le chaos.
Boris Charmatz a fait danser le théâtre.


Pascal Bély
www.festivalier.net


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????? “La Danseuse malade”, de et par Jeanne Balibar et Boris Charmatz, a été donné au Théâtre de la Ville du 12 au 15 novembre 2008.
La blogosphére est inspirée: à lire deux regards sur “Un soir ou un autre” et sur “Images de danse
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