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EN COURS DE REFORMATAGE

Héla Fattoumi et Eric Lamoureux homosensualisent.

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Le Théâtre d'Arles aime les chorégraphes Hélà Fattoumi et Eric Lamoureux. Après nous avoir présentés en novembre dernier « Walsa » et « Entrelacs », ils reviennent avec « La danse de Pieze », duo dansé par Moustapha Ziane et Hafiz Dhaou. Comment traduire la relation entre deux hommes sans tomber dans les clichés de nos sociétés occidentales qui la réduisent à deux extrêmes : la lutte de pouvoir et l'homosexualité ? Comment donner à voir le lien entre deux « même » sans le caricaturer, le copier, le coller ? La note d'intention du spectacle nous informe que les deux chorégraphes se sont inspirés des écrits de l'anthropologue Malek Chebel autour de la notion d'Homosensualité, « une attitude des Orientaux en général et des Arabes en particulier, qui consiste en l'absence de partenaire de l'autre sexe, à reporter sur leurs pairs l'excédent de sensualité qu'ils n'arrivent pas à écouler autrement ». À la sortie du Théâtre, Elsa et moi-même débordons de bonheur d'avoir assisté à cette chorégraphie où le spectateur est respecté, touché, surpris, guidé et en même temps lâché pour laisser divaguer son imaginaire débarrassé d'un voyeurisme malsain.
Ils sont là à se chercher, à s'épier, à se toucher, à vouloir se mesurer, à se porter pour se déporter. Tour à tour enfants, féminins, virils, faibles, forts, ils dessinent à deux une fresque de leurs relations capable d'englober leur identité mouvante et stable à la fois. Si l'espace social donne l'opportunité aux hommes de faire transparaître leur féminité sans risque (la danse disco mimée est un pur moment de bonheur), l'homosensualité a besoin de champs inexplorés que Fatoumi et Lamoureux créent pour eux, pour nous. Pendant cinquante minutes, les surfaces sont explorées (le corps, la lumière, le sol) pour permettre à leur relation de vivre de nouveaux sens au croisement permanent de l'intime, du social et du sociétal. C'est ainsi que leurs corps se dissimulent sous le tapis de sol pour en sortir métamorphosés par notre changement de regard. C'est alors que leur ventre gonfle pour perdre leur musculature et devenir espace de jeu ou grossesse désirée ! Tout est imbriqué dans ce duo qui ne laisse jamais le public en dehors de cette recherche. Si bien que je me surprends de vouloir entendre et voir ce qui se joue dans la salle !
Ce spectacle est beau, profondément sensuel comme si son intensité relationnelle arrivait jusqu'à nous. C'est peut-être pour cette raison que ces « deux même » nous rendent heureux. Avec eux, nous avons cherché et trouvé ses nouveaux espaces . Presque fiers de les avoir explorés, nous quittons le Théâtre avec la joie indescriptible de se sentir humain.

Pascal Bély
www.festivalier.net

 

Ps: en commentaire, retrouvez le regard d’Elsa qui ose la comparaison avec “Double Deux” de Gilles Jobin vu au Théâtre de la Ville à Paris en février 2007.

 

Photo : Philippe Chamaux

?????? La danse de Pieze” d’Hélà Fattoumi et Eric Lamoureux a été joué au Théâtre d’Arles le 12 ami 2007.

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