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EN COURS DE REFORMATAGE

Au Festival d’Avignon, Thierry Bae vend son journal avec moins d’inquiétude.

J'ai vu «Journal d'inquiétude» de Thierry Baë lors de l'édition 2005 du Festival «Danse à Aix» disparu depuis. Dans un contexte de repli du festival sur lui-même, ce spectacle avait renforcé un sentiment d’entre soi, dynamique mortifère.  La suite des événements m'a donné raison. Avec un peu de recul et dans le contexte d'Avignon, je serais moins sévère même si le côté nombriliste de l'?uvre continuerait sûrement  à m'agacer. Ci-dessous, ma critique de l'époque?

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«Thierry Baë arrive sur la scène du 3bisF, lieu de création artistique attaché au Centre Hospitalier psychiatrique de Montperrin d’Aix en Provence. C'est un homme de 46 ans, au beau parcours de danseur (je l'avais remarqué dans «Les Philosophes» de Joseph Nadj en Avignon il y a quelques années). Il a un micro caché dans les cheveux (décidément, les artistes y succombent tous?). Sa voix dicte ses mouvements de danse. L'exercice dure (péniblement?) vingt minutes. On saura plus tard qu'il est atteint d'une maladie pulmonaire qui l'empêche de faire de gros efforts.
Un film est projeté durant trente minutes sur le processus de création de l’oeuvre présentée ce soir. Tout commence par une rencontre avec Patrice Poyet, Directeur du Festival «Danse à Aix», à qui Baë promet la présence de Mathilde Monnier et de Joseph Nadj dans ce prochain spectacle. Poyet succombe (le succès est assuré), prêt à signer le contrat. Il s'ensuit  des rencontres ratées avec Nadj, Monnier et d'autres danseurs. C'est le film d'un naufrage annoncé. A la fin de la projection du film, Joseph Nadj apparaît sur scène et reproduit, sous les indications de Baë, la chorégraphie du départ, la grâce et le talent en plus. Malaise? J'assiste en direct au suicide professionnel de Baë! (NDLR : La tournée du spectacle et sa présence au Festival d'Avignon me donneront tort !)
C'est un spectacle chorégraphique où l'on m'impose trente minutes de film ; où le directeur du Festival “Danse à Aix” est un des acteurs principaux ; où un danseur en fin de carrière se fait voler la vedette par son mentor, valeur sûre pour tout programmateur  (d’ailleurs, Nadj sera lui même directeur associé de la prochaine édition du Festival d'Avignon en 2006?La boucle est bouclée).
Il aurait été sûrement plus risqué pour Thierry Baë de transmettre à un jeune danseur; d'éviter dans la dernière partie d’accompagner le geste à la parole (ou inversement!); de nous montrer un processus de création par la danse (et non à partir d'un film). Au lieu de cela, j'ai l’étrange sensation de connivence, d'un monde fermé, impitoyable, qui se regarde fonctionner. Quant à moi, j’observe ce joli petit monde avec dépit et amusement en attendant d’autres propositions qui, je le sais, ne manquent pas d’audace dans l’univers de la danse”.

Pascal Bély – Le Tadorne