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LES EXPOSITIONS

Cézanne en Provence, Cézanne en business.

Comme beaucoup d’Aixois, j’attendais depuis longtemps cet événement : « Cézanne en Provence » au Musée Granet. Pour éviter une foule prévisible, j’avais réservé en nocturne à partir de 21h. Le contexte autour de cet exposition est loin d’être léger. Le concert de musique classique prévu au pied de la Sainte Victoire le 5 juillet en hommage à Cézanne affiche complet alors que les places pour les Aixois sont réduites à la portion congrue. La colère dans la population est perceptible, reprise par l’opposition municipale qui n’en attendait pas tant pour décrier la gestion pour le moins hasardeuse de cette manifestation. Les premiers jours de l’exposition furent chaotiques (absence de signalisation dans les salles, visiteurs perdus, manque de matériel audio, …). Pour ma part, j’ai eu quelques difficultés avec le site internet de « Cézanne 2006 » (allez-y faire un tour, c’est un labyrinthe sans nom et sans visibilité). Un mail envoyé à la responsable de la communication n’a pas suffi pour y voir plus clair. Sa réponse m’a néanmoins interpellé sur son niveau de compétences (« je ne suis pas là pour faire plaisir à tout le monde » m’écrit-elle alors que je m’étonne de la difficulté à naviguer sur le site. Il me semble pourtant que son métier, est justement de faire plaisir !).
J’arrive donc au musée Granet où pléthore de personnel nous attend. La culture créée donc des emplois dans le Pays d’Aix. Je m’étonne toutefois de la tenue vestimentaire des salariés vacataires. Elle  tranche avec la portée internationale de l’évènement. Si la tenancière de la ville est loin d’être un modèle d’élégance, je suis surpris de retrouver dans un musée des habits d’un si mauvais goût (jupe courte, ceinture dorée sur les fesses, tongues, tee-shirt moulant,…). Je n’ose évoquer le comportement pour le moins troublant de certains gardiens dans les salles à l’égard des femmes et d’un groupe d’Américaines en particulier. Bref, sans vouloir passer pour un ringard, je pense que Cézanne et le Musée Granet méritent des professionnels de l’accueil. Cela dit, les Aixois n’ont jamais reconnu ce peintre de génie. Un siècle plus tard, rien n’a vraiment changé tant les conditions de visite de l’exposition sont exécrables ! Les groupes se succèdent à un rythme qui faiblit seulement vers 22h. Il fait chaud, le parquet sous les pas des visiteurs fait un bruit insupportable. Ces derniers n’hésitent d’ailleurs pas à téléphoner avec leur portable.
Que dire du choix de réduire Cézanne à la Provence ? Il est sûrement justifié par le désir de faire un joli coup marketing ; l’affluence des visiteurs le confirme. Au sein même du thème, les commissaires de l’exposition ont encore réduit en créant une salle dédiée à La Sainte Victoire ! Toutes ces cases provoquent une lourdeur que seule la salle dédiée aux aquarelles sauve.

Cézanne n’est pas respecté. Le public encore moins. Le tout donne une image peu glorieuse d’Aix en Provence et de la culture en Région. Nul doute que les chiffres de fréquentation battront des records. Je ne suis pas sûr que « Cézanne en Provence » soit un modèle d’exception culturelle à la française. Tout juste un excellent mariage entre la culture Dysney et l’absence de projet politique culturel global.


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EN COURS DE REFORMATAGE

À Montpellier Danse, le corps nous dit tant…

Montpellier Danse est une manifestation culturelle unique. Pour s’en convaincre, il fallait voir mercredi dernier, les visages rayonnants des chorégraphes venus de Turquie et d’Israël, heureux d’être produit par ce festival. J’étais content d’être français et européen au moment où les lois Sarkosy font honte  « au pays des droits de l’homme ».
Au théâtre du Hangar, il fait une chaleur étouffante (« notre mission n’est pas de payer la climatisation de ce théâtre » dixit la Surveillante Générale de Montpellier Danse…consternant). Ces mauvaises conditions ne facilitent pas la concentration du spectateur alors que Filiz Sizanli et Mustapha Kaplan venus d’Istanbul, nous présentent une œuvre exigeante (« Graf »). Ils sont deux, architecte et ingénieur de formation, à vouloir conceptualiser un « espace machine » qui « transforme l’énergie du corps en énergie électrique…le corps est ainsi travaillé soit comme une statue en mouvement, soit comme un objet plastique ». Vous l’aurez compris, ce duo nous propose une danse expérimentale où le corps sert de matériau vivant pour se métamorphoser dans un espace lui aussi en mouvement. Pour cela, le dispositif scénique fait avec trois fois rien est tout simplement majestueux : une ficelle avec des poulies permet de créer des espaces où les danseurs évoluent ; une caisse en plexiglas facilite le jeu avec la lumière et donne au corps des formes différentes ; des néons permettent aux danseurs de s’y balancer comme un trapéziste. Il y a dans ce travail un désir de créer du sens (quel corps pour quelle société ?), de rechercher l’énergie pour la traduire en chorégraphie. Je n’ai pas perçu de réponse toute faite, mais plutôt une mise en scène qui permet au spectateur d’élaborer sa vision. À la robotisation du corps dicté par les lois du commerce mondial, Filiz Sizanli et Mustapha Kaplan, répondent par la nécessité de se réapproprier des espaces, d’en créer d’autres afin que le corps devienne source d’énergie créative au moment où certains fondamentalistes religieux voudraient l’enfermer. Cet engagement, dans un contexte turc pour le moins défavorable à la danse, est tout à la fois une prouesse artistique et un acte politique. Chapeau bas.

Après la Turquie, rendez-vous est donné à 22h30 au Théâtre de Grammont par la chorégraphe israélienne Tal Beit-Halachmi pour son « Dahlia bleu ». Ils sont cinq sur scène dont une chanteuse pour évoquer Modelet, le pays natal de la chorégraphe. De cet infiniment petit sur la carte, Tal Beit-Halachmi nous propose pendant plus d’une heure vingt un voyage global ! Ces quatre danseurs, tous magnifiques, me font ressentir la complexité du lien entre territoire (au sens de terroir), l’histoire intime et le destin national d’un pays dans un monde globalisé. Tal Beit-Halachmi provoque d’incessants allers – retours entre l’intime et le global qui parfois nous perdent lors de quelques scènes très conceptuelles. Mais l’ensemble a de la hauteur, une tenue. Les corps expriment tout à la fois Moledet, territoire de montagne, l’histoire douloureuse d’Israël, et le contexte actuel. Je suis ému par ce quatuor qui métaphorise à ce point cette triple articulation. Comme beaucoup de français, je connais Israël à travers le prisme du conflit avec les Palestiniens. Je quitte le Théâtre avec un autre regard, plus humain, plus proche. Je pars avec l’émotion de Tal Beit-Halachmi pour qui jouer le « Dalhia Bleu » à Montpellier Danse semble être plus qu’un acte créatif, comme un devoir de mémoire pour repenser l’avenir. Chapeau bas.

 

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