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LES EXPOSITIONS

Yang Fudong au KustenFestivalDesArts, un doux rêve pas forcément amer.

Yang Fudong, c’est comme Camille : c’est doux, on s’y installe.
Débuter le KunstenFestivalDesArts à Bruxelles avec cette installation vidéo est une étrange entrée en matière. Le sac gonflé de tickets pour les trois semaines de représentations à venir, on pénètre seul au Markten. Loin de la foule « Platelienne », on cherche entre deux étages l’une des installations vidéo de Yang Fudong, puis on s’y allonge. Je vous le dis, Fudong, c’est comme Camille, c’est doux et on s’y installe.
Le Tadorne s’endort au milieu d’une dizaine d’écrans qui projettent « The revival of the snake ». Les couleurs sont ternes, les sonorités lointaines. Un jeune chinois passe et repasse dans le rêve du Tadorne…sur un cheval blanc, les yeux bandés, les lèvres desséchées par la faim et la soif. Sa fuite se transforme en quête, une quête pour la survie, la quête d’un au-delà au paysage anonyme que Yang Fudong lui fait traverser. L’artiste chinois nous plonge dans un rêve et fait de «the Revival of the snake » une métaphore de l’espoir. Le malaise qui se dégage des premiers écrans cède la place à d’autres séquences, projetées quelques mètres plus loin, dans lesquelles le protagoniste commence à apprivoiser son environnement. Il creuse la glace, on le voit en gros plan près d’un feu de camp, jusqu’à ce soleil tamisé qui s’insinue dans le paysage froid de Yang Fudong. Plus loin encore, celui que l’on découvrait captif quelques instants plus tôt se dresse sur un arbre pour y scruter l’horizon, prémisse du monde libre.
Pour Yang Fudong, « quand tu mets ton cœur dans ton film, tu trouves des éléments qui provoquent l’esprit et le cœur, appelés flashs ou inspirations. Si tu essayes de les faire sortir consciemment, ils trouvent leur propre chemin dans ton film ». Pris dans ce rêve de liberté au goût doux-amer, on serait tenté de dire que « The revival of the snake », c’est un peu notre « ça qui nous chatouille ». Notre ça ou celui de Yang Fudong ?

P.C

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CONCERTS

Camille, à un fil du KustenFestivalDesArts de Bruxelles.

J'ai découvert Camille en 2003 alors qu'elle était choriste sur le DVD de Jean-Louis Murat « Parfum d'acacia au jardin ». En 2005, son deuxième album « Le fil » bouleversa la donne : jamais je n'avais entendu une telle inventivité dans la voix, une telle force créative dans les textes. Soudain, avec Camille, la voix devenait langage.
Ce soir, à Bruxelles, le cirque est comble, surchauffé. Le public attend le retour de Camille : son dernier concert remonte à l'automne dernier. Je suis curieux de la voir sur scène comme une première rencontre. Je me sens disponible alors que j'entame mon périple festivalier au KustenFestivalDesArts !
Elle arrive sur scène, emmitouflée, corsetée de vêtements blancs, à l'image d'une icône médiatique. Je sens rapidement que le concert va devenir un espace où tout sera possible, où les arts vont se croiser dans un joli chaos. Je ne vais pas être déçu? Un fil est tendu le long de la scène. Il permet à un voile de faire écran entre la « star » et nous, entre nos attentes et les siennes. Car Camille ne se contente pas de ses deux musiciens et de ce fil. Elle projette sur la scène des images vidéo de toute beauté, métaphore des mots et de la voix. Je me revois dans la pièce de Serge Valletti, « Psychiatrie / Déconniatrie » où la vidéo avait la même fonction.
Mais Camille va rapidement s'affranchir de ces distances, de ces cloisonnements, de ce rôle de femme emmurée. Le voile devient alors traîne de mariée, puis un espace où deux « ex » (recrutés parmi le public !) se retrouvent pour danser une salsa érotique. Ce voile finit par terre?et se dévoile ainsi une Camille libérée.
Le spectacle se fait alors avec le public qui donne de la voix ! Nous participons au ch?ur (comme elle, à ses débuts avec Murat) non par démagogie, mais pour nous inviter à devenir créatif, à vivre un autre lien avec l'artiste en dehors de l'hystérie collective souvent présente dans les concerts. Progressivement, le fil tendu sur scène, loin d'être une séparation, devient la délimitation entre inconscience et conscience, entre désordre et ordre, entre musique et paroles. La scène de Camille est un espace où nous construisons, déconstruisons nos rêves, nos désirs. Il est cet espace que nous pouvons tous créer, pour nous affranchir des contraintes, de nos aliénations. Bref, un espace libératoire ! Camille ne se prive pas tout au long du spectacle de l'habiter avec son corps, sa voix, sa force et ses fragilités. Mais c'est aussi un espace politique où sa vision féminine peut s'exprimer. Ainsi, elle invite les hommes à chanter « Je suis une fille » (« avec les couilles » dit-elle pour les encourager tant la clameur masculine est faible?Hilarant !). Avec force, elle chante « Bidonville » de Nougaro alors que le Parlement légifère sur les lois Sarkozy et où la pauvreté ne cesse d'augmenter. Contre toute attente, elle invite une femme à traduire en langage des signes une de ses chansons : les mains se mettent ainsi à danser. C'est magnifique et très émouvant. J'en frissonne de bonheur?Les rappels sont nombreux et la salle finit par danser. Le lien est créé et Camille peut calmement couper le fil sur scène avec des ciseaux, à l'image d'un cordon ombilical, d'une libération de l'espace. Camille est une artiste. Nous sommes son fil.
Camille vient enfin d'inventer une nouvelle façon de se produire sur scène. Avec elle, le chanteur peut s'autoriser à créer un nouvel espace capable de s'affranchir du CD comme seul support. À sa façon, Camille positionne la chanson comme pluridisciplinaire. Elle s'aventure dans le chaos pour faire naître de nouvelles formes artistiques. Programmée par « Les Nuits Botaniques », Camille aurait eu toute sa place au KustenFestivalDesArts. Parce qu'avec elle, la Scène Musicale Française se libère des cloisons et crée un nouveau lien avec le public. C'est un véritable manifeste artistique à l'heure où certains artistes s'accrochent à vouloir rester un produit de grande surface.

Pascal Bély – www.festivalier.net