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LE THEATRE BELGE!

Sommes-nous tous des Peeping Tom?

Vendredi 29 juin, 21h, Festival de Marseille.

La foule se presse pour assister à la nouvelle création du collectif Belge Peeping Tom.

C’est la salle Vallier qui accueille cette pièce (à l’origine… une salle de boxe). Il est vrai que ce fut le parcours du combattant pour arriver à obtenir ce ticket tant convoité ! Mais j’ai mon sésame. Je me dirige donc vers ma précieuse place, au premier rang central, détail qui a toute son importance dans ce lieu inadapté et suffocant. Je vais malgré tout passer quatre-vingts minutes avec l’une des compagnies que je suis avec grand intérêt depuis presque dix ans et que je retrouve avec joie, émotion et un peu de nostalgie. Entre Peeping Tom et moi, c’est déjà une vieille histoire, qui date du festival Uzès Danse.

En 2004, ils y présentaient le second volet de leur trilogie : «Le Salon». Je découvrais alors une gestuelle et des artistes hors-normes, une danse généreuse et touchante, un collectif soudé et chaleureux, empli d’une belle humanité. L’année d’après, nous programmions «Le Sous-sol» qui clôturait en beauté cette trilogie sur la famille, la vieillesse et les rapports humains. Quelques années après, et n’ayant pu voir «32 rue Vandenbranden», c’est donc avec un réel enthousiasme que je m’apprêtais à vivre cette nouvelle expérience.

«À louer», leur dernière création, est un thriller chorégraphique, à la fois surréaliste et inquiétant, une sorte de Cluedo dansé mêlant l’univers d’Hitchcock et de Buñuel.

Nous sommes dans le salon de réception d’une maison bourgeoise, un salon vieillissant, étouffant et intrigant. Un gigantesque rideau rouge en arc de cercle entoure cet espace et nous plonge immédiatement dans un huis clos dont nous serons acteurs malgré nous. Dans ce décor angoissant et imposant, une maitresse de maison sortie d’un film d’Almodovar s’entretient avec son valet. Leur relation est étrange. Qui sont-ils ? Un lourd secret semble les unir, voire un triste mensonge. Les autres habitants de cette demeure jouent à cache-cache, des visiteurs arrivent en masse, impossible de les discerner, ils prennent vie entre ces rideaux, dans des pièces invisibles que l’on imagine à perte de vue. On pourrait croire à un vaudeville, les portes claquent, les personnages s’immiscent et sortent par des entrées lumineuses dissimulées derrière ces imposants rideaux, mais il n’en est rien. Ce ballet incessant est comme le fil rouge de notre pensée. Le décor en est le cadre, il se reproduit à l’infini, comme autant de cases de notre cerveau, d’assertions, de distorsions qui modifient l’espace-temps et nous plongent dans un monde parallèle.

Peu à peu je deviens le voyeur qui observe avec empathie tout ce petit milieu, ces jeux de pouvoir, ces rites amoureux, ces déceptions… Je tente de percer les secrets de cette maison : qui est vraiment ce valet aux mouvements déstructurés, que cache ce couple, quelle est la place de cet enfant devenu grand, mais qui cherche encore le regard approbateur de sa mère trop occupée à revivre ses auditions ratées, qui est ce jeune homme sur ce tableau funéraire ? Et cette maîtresse de maison habitée par la tristesse et les souvenirs, que cherche-t-elle ?

Leur danse m’accompagne dans ce questionnement, elle est le lien, elle me porte, leurs mouvements me font voyager dans cette maison, découvrir les recoins cachés, les secrets inavoués, les miens peut-être aussi. Je n’ai plus de repères, le temps s’est arrêté. Je suis prisonnière de cette maison hantée, au bord de la folie. Les flash-back s’enchainent, la virtuosité de ces interprètes est à son apogée. Le souffle court je les observe toujours, ou bien est-ce eux, qui nous observent nous perdre dans ce labyrinthe mental et physique ?

Les figurants reviennent, le salon se peuple, le temps reprend son cours ; je suis perdue, au bord des larmes, le souffle coupé, enfermée dans cette attraction à taille humaine. Ils me regardent avec insistance, comme pour me demander: «Alors, où en es-tu de ta vie ?»

Qu’ai-je perdu, qu’ai-je retrouvé, qu’ai-je cédé ? Je ne le sais pas vraiment. J’ai ressenti le vide, celui avant le grand saut, celui de la vie qui défile et de cette angoisse qu’on ne peut maitriser. L’angoisse du temps qui passe, du temps perdu. Ce moment où la vie se transforme en rêve, parfois en cauchemar, cette ligne invisible et si fine entre ces deux mondes irréels.

Les Peeping Tom ont une nouvelle fois créé leur monde et merci à eux de m’y avoir à nouveau convié.

Alexandra Piaumier – Le Tadorne.  

 “A louer” – Peeping Tom au Festival de Marseille les 29 et 30 juin 2012.

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ACCUEIL DES LIEUX CULTURELS PAS CONTENT

À Uzès et Marseille, la danse a ses cases et son contingent.

La danse est un art si particulier qu’elle stimule mon désir d’échanges, de mouvement pour franchir les frontières. Dernièrement, j’ai fait le voyage d’Aix en Provence à Uzès Danse pour deux chorégraphes : Régine Chopinot et Xavier Le Roy. Pour la première, je veux prolonger la rencontre organisée par le Centre de Développement chorégraphique d’Avignon, relatée sur le blog par Laurent Bourbousson. Pour le deuxième, il nous propose trois oeuvres lors d’une soirée avant sa création «Low pieces» au prochain Festival d’Avignon. Ainsi, je pose mon contexte: Chopinot, Le Roy, Uzès-Avignon. Les passerelles sont là : je visualise une dynamique de territoire et je me ressens en mouvement.

Partir vers Uzès, c’est traverser une campagne maculée de panneaux publicitaires. Le chemin n’est pas tout droit. Il est obstrué par une multitude de ronds-points. Le site du Pont du Gard approche et le paysage porte les stigmates de l’activité touristique. Uzès ressemble à ces beaux villages de France où tout semble figé dans la pierre pour séduire le visiteur en quête de décor où rien ne dépasse. Mais je ne ressens pas la danse dans la ville. Quasiment pas une affiche et pas d’artistes dans les rues. Je peine à trouver le chemin du Jardin médiéval, là où Régine Chopinot nous donne rendez-vous à 17h dans la salle d’un château. L’entrée est payante (2 euros: imaginerait-on faire payer l’entrée du Palais des Papes lors des spectacles du Festival d’Avignon ?). Cette ville aime-t-elle la danse?

Il n’y a que quelques rues à parcourir pour nous rendre à la salle de l’Évêché où à 18h, Xavier Le Roy propose «Produit de circonstances». Sauf qu’il n’a pas attendu les spectateurs de Régine Chopinot. Fermé. Barrière. Défense d’entrer. Chacun sa case. Comment ce festival peut-il émietter le public avec si peu de journées et de représentations?  Sa fonction n’est-elle pas de permettre la traversée des oeuvres ? Programmer, remplir, exclut-il de créer les conditions du dialogue ? À Uzès, comme ailleurs, on additionne. Mais sait-on seulement multiplier ?

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À Marseille, le “Festival de danse et des arts multiples” est sur le même registre. En 2008, je m’étais ému de l’absence de projet: « Treize années après sa création, il n’a pas trouvé sa place sur la scène culturelle française et internationale. Il ne fédère pas sur la ville, car quasiment inconnu de la population. Son projet est faible au regard des courants artistiques émergents qui traversent le spectacle vivant. Plus proche d’une approche bourgeoise de l’art, il suit le mouvement plus qu’il ne le précède?». Depuis deux ans, le FDAM investit une ancienne salle de boxe (la salle Vallier). Lors de sa dernière campagne de communication, le public s’est vu affublé d’un qualificatif pour le moins douteux : nous sommes des « festi’vallier ». Me voilà donc étiqueté comme un produit. Mais je n’ai encore rien lu. Sur la page Facebook du Festival : «“Dernières minutes : Des contingents de places ont été mis aujourd’hui à la vente pour : Merce Cunningham (le 21 et 22 juin, 21h) et Akram Khan (le 24 et 25 juin, 21h). C’est le moment de réserver !

« Contingent : Quantité de soldats qui est fournie par un pays. »

Puis dans sa dernière newsletter : « Offre de dernière minute pour Mission : Bénéficiez d’une place offerte pour une place achetée ! »

Au Festival de Marseille, la relation de Merce Cunningham (l’un des plus grands chorégraphes du monde) avec son public est réduite à du chiffre, à un contingent. Plutôt que de penser une mobilisation joyeuse et créative, on préfère libérer du «quantitatif». Pour «Mission», on nous enferme dans un statut de consommateur à la recherche de la dernière promotion. 

Je pense aux artistes, quasiment insultés par des professionnels de la communication incultes et avides de cases bien remplies. Au Festival de Marseille, à défaut de multiplier, on soustrait, le public n’étant qu’une variable d’ajustement.

Il est temps de redéfinir la fonction des festivals sur les territoires. D’arrêter cette course à la programmation pour repenser un modèle ouvert de dialogue entre les oeuvres et les publics. Il créera de la ressource financière et orientera les projets artistiques vers une relation créative avec les publics.

Stop au Festi’Vallium

Pascal BélyLe Tadorne.

Festival Uzès Danse du 17 au 22 juin 2011.

Le FDAM à Marseille du 16 juin au 9 juillet 2011.

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LA VIE DU BLOG

Le “Nederlands Dans Theater”dans le vent

Départ d’Aix en Provence à 20h30 pour le Festival de Marseille. Le “Nederlands Dans Theater” est à l’affiche ce soir. Je décide de passer par la corniche…Le spectacle est merveilleux: la mer est déchaînée et les couleurs du coucher du soleil me font oublier cette journée marquée par les feux de forêt (2h pour faire Avignon – Aix!).

Arrivée au Parc Henri Fabre, une jeune femme m’informe que le spectacle est annulé à cause du mistral…”pour raison de sécurité”. Je suis un peu étonné…À cette heure précise, le mistral est en perte notable de vitesse, comme prévu par Météo France. Mais surtout, j’ai encore le souvenir de spectacles de danse dans la cour d’honneur en Avignon qui n’ont jamais été annulés pour cause de mistral!

Dimanche, voyage en Belgique avec Anne Teresa De Keersmaeker, toujours au festival de Marseille. Le mistral aura disparu pour se préparer sûrement à envahir la Cour d’Honneur dès le 8 juillet!

Je repars, frustré, voyant dans cette annulation un signe…Mais lequel? Je m’amuse à faire des liens: le Nederlands Dans Theater – Festival de Marseille; Pays – Bas – France; “non” – “non”…Le référendum laisse des traces…Je suis fatigué…

A dimanche..