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FESTIVAL D'AVIGNON OEUVRES MAJEURES

Au Festival d’Avignon, s’abandonner pour la danse.

Le Festival d’Avignon aurait-il de la suite dans les idées? Après une édition 2009 où la danse cherchait sa place et avant celle de 2011 où le chorégraphe Boris Charmatz sera l’artiste associé, 2010 est l’année charnière où se poursuit l’accompagnement du public vers l’idée qu’au-delà des classifications, tout est question de langage. Cindy Van Acker nous propose son parcours comme s’il reposait sur ses épaules de tracer un chemin de danse entre les stars Anne Teresa de Keersmaeker , Alain Platel  et les formes plus radicales de Julie André T. et Angelica Liddell .

Débuté très timidement lors du « Sujet à vif » avec « Rosa, seulement» (sorte de work in progress avec de jeunes acteurs de théâtre immergés dans une série de mouvements sans surprise), Cindy Van Acker s’est déplacé au lycée Mistral pour quatre solos (“Lanx”/”Obvie”/”Nixe”/”Obtus”) où le spectateur vit un moment d’écoute particulier, accompagné par une musique minimaliste et vrombissante! C’est dans ce paradoxe que je trouve le chemin pour mobiliser mes ressources, mon histoire de danse et vivre l’une des expériences les plus stimulantes qu’il m’est était donné de partager dans le cadre du festival.

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« Lanx » est une entrée en « matière », interprété par Cindy Van Acker. Au sol, elle invite à lâcher prise, où la ligne du corps se fond, où la courbe contient, où un bras tendu prolonge au-delà des limites. Il devient inutile de vouloir appréhender une vision rationnelle du corps (la tête et les jambes!). Inutile. Mais un fléchage au sol aide à ne pas se perdre, tout en donnant une douce impression de démultiplication de l’espace; je le ressens comme un filet sécurisant entre elle et nous. Pourtant, Cindy Van Acker nous fait confiance: elle sait que nous sommes capables de nous appuyer sur ses gestes minimalistes pour comprendre qu’un mouvement c’est aussi la dynamique de notre regard. Et qu’avec quelques mouvements verticaux, elle vous perd dans sa matière pour vous reprendre alors que le corps roule au sol. Magnifique.

Le deuxième solo, « Obvie » dansé par Tamara Bacci, m’a englouti jusqu’à me faire perdre pied et provoquer un blanc, un  rêve éveillé. Alors que le volume de la musique atteint des sommets, que les murs du plateau de « Lanx » ont été abolis, le noir est le sol du vide, l’abîme. Je perds mes sens, mes perceptions sont embrouillées. Je tombe. Plus aucune image ne me vient. Seuls les applaudissements me ramènent au réel. Je quitte le lycée hagard en me trompant de direction.

Un jour plus tard, « Nixe » m’éclaire. Du « noir terre », je suis propulsé vers l’éblouissement. Perrine Valli s’approche d’une rangée de néons pour y fluidifier la lumière. Elle la traverse du bas vers le haut (à moins que cela ne soit le contraire…), la rend liquide tandis que le plus petit mouvement change radicalement la perception : ce n’est plus un corps qui danse, mais la danse qui fait corps!  À partir de mes sensations, j’investis pleinement l’espace horizontal  crée par Cindy Van Acker: l’important n’est pas ce que je vois, mais ce que je ressens pour voir. Bouleversant. Mais je n’ai encore rien vu.

Le quatrième solo est une apothéose. A la lumière matière du corps de « Nixe », « Obtus » fait du noir une matière où le corps se fond. Debout, Marthe Krummenacher apparaît puis disparaît. Ces apparitions fulgurantes me tétanisent par leur beauté. L’émotion me submerge quand deux bras deviennent deux jambes, qu’une tête fait le dos, lorsque le mouvement crée l’illusion d’un tableau de William Turner. Le noir ne s’oppose plus à la blancheur des néons posés au sol, mais forme avec elle une profondeur sans limites dans laquelle la danseuse se perd. Je transpire parce que le beau procure un bonheur physique, que la danse creuse des galeries dans l’imaginaire où apparaissent des tableaux qui vous précipitent dans un abyme de beauté.
Écrire sur la danse de Cindy Van Acker, c’est plonger au coeur d’une langue de quatre mots.

Lanx Obvie Nixe Obtus, le Nouveau Monde.

Pascal Bély – www.festivalier.net

“Lanx” “Obvie” “Nixe” “Obtus” de Cindy Van Acker au festival d’Avignon du 14 au 18 juillet 2010.

Crédit photo: Christophe Raynaud de Lage.

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FESTIVAL D'AVIGNON

Au Sujet à Vif, certes…proposez.

Cette année et pour la troisième édition la SACD propose Sujets à vif. « Rencontres incongrues au jardin de la Vierge entre interprétation et écriture ». Certes, proposez.

 Programme A.  Première demi-heure. On s’assoit en ce lieu exigu et insolite. On écoute “Rosa seulement” où la chorégraphe Cindy Van Acker passe à côté d’un propos où le corps ne soutient absolument pas la parole de   Mathieu Bertholet. Nous disposons alors d’un ennui notoire, certes chic et poli, car chacun résiste comme il peut. La chaleur accable dans cette cour. Seuls des courageux se lèvent et sortent.

Deuxième demi-heure. Proposez, s’il vous plaît, nous sommes venus pour cela.

Et nous émergeons porté par le caractère d’une voix qui fait envoler les mots  d’un texte efficace d’Arno BertinaAgnès Sourdillon nous décline avec assurance cette femme égarée dans une société qui attend, du moins le suppose-t-elle, qu’elle enfile une position sociale. Mais en est-elle vraiment sûre ? Elle se perd, doute, se noie aux pieds de la Vierge, là, à droite sur scène.

Le burlesque est perché sur des chaussures chinées d’un autre temps, déclamant les dérives d’une société. Et je souris sincèrement victime des mots. Elle,  elle prêche sa bonne volonté à être celle que l’on souhaiterait ; et deux temps un mouvement, le merveilleux frappe. Le point crucial est de croire. Rapproche-toi spectateur du vrai qui vrille la pensée de l’intime. La poésie de l’être. Et c’est autour d’un numéro de cirque imaginaire, supposé imaginable par le spectateur, et fortement imprégné de l’imaginaire de chacun, que Marcus Brisson nous impressionne. Dompte le risque,  avance dans l’invisible de la croyance et démontre à celui qui t’écoute la véritable histoire de l’existence.

Allez croire le monde au travers de légendes comme autrefois. Une belle proposition qui l’espace de 30 minutes réveille en vous l’âme des croyants.
Diane Fonsegrive. www.festivalier.net

“Rosa, seulement” commande passée à Mathieu Bertholet  / “La relève des dieux par les pitres” commande passée à Agnès Sourdillon dans le cadre du “Sujetà vif” du 8 au 14 juillet 2010.

Crédit photo: Pascal Gély.