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LES EXPOSITIONS PAS CONTENT

Ennuyeuses Rencontres Photographiques d’Arles.

Vous trouverez aux Rencontres Photographiques d’Arles une belle critique de la photographie : «le désir de photographier est le contraire du désir de signifier à tout prix, de témoigner ou d’informer. Il est de l’ordre de la sidération et de l’illusion. De l’ordre de la disparition aussi, car si quelque chose veut devenir image, ce n’est pas pour durer, c’est pour mieux disparaître» (Jean BaudrillardSommes-nous »- 2006.). Nous pourrions inclure la danse dans cette citation…

Avec un tel propos en tête, Arles déçoit. Rien n’est venu me sidérer, «m’illusionner». Tout au plus, ais-je ressenti les bouleversements d’une profession qui semble ne plus savoir comment s’intégrer dans un espace aux frontières élargies par les amateurs internautes  de la photographie. Le site des Ateliers consacre toute une zone «grillagée» à la toile (“From Here On“), avec un stand d’accueil perché, tel un mirador. On sourit face à tant de créativité même si rien n’étonne : ces images font déjà partie de notre “culture” photographique de l’internet. Ici, la photo est mise en espace jusqu’à se métamorphoser en installation (Viktoria Binschtok) ou en performance. L’ouverture est là : aux amateurs de photographier leurs prouesses, aux artistes la mise en perspectives !

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Dans l’idée d’une photographie participative, notons dans un autre espace deux belles séries : celle de Dulce Pinzon qui transforme des émigrants pourvoyeurs de richesse des États-Unis vers leur pays d’origine en super héros. Ce recadrage est un joli travail d’économiste. Puis vient «Supermarché», de Jean-Luc Cramatte et Jacob Nzudie  où sont photographiés à Yaoundé des consommateurs fiers d’en être arrivé là : faire son marché loin de ceux à ciel ouvert réservé aux peu fortunés. La pose est une posture.

 Toujours aux Ateliers, j’ai passé une heure dans l’espace «Tendance Floue» consacré à ce collectif de photographes basé à Montreuil qui autogèrent leur agence. L’installation immerge le visiteur dans ce groupe notamment à partir d’un film retraçant l’épopée d’un voyage en Chine. Cette « photo réalité» de l’envers du décor suggère que l’avenir des agences de photographie réside dans le collectif. Sacrée découverte, mais ne boudons pas notre plaisir: ces artistes sont drôles et talentueux.

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En dehors des Ateliers, j’ai erré d’espace en espace. On ne s’attardera pas sur les séries consacrées aux publications du New York Time Magazine, sorte de publi-reportage ennuyeux. Je n’ai pas été accueilli par les clichés de la Révolution Mexicaine : rarement un espace ne m’est apparu aussi mal agencé comme s’il était réservé à une approche didactique de la photographie.

Que penser de la fresque de Wang Qingsong, longue de 42 mètres de long, où 200 figurants restituent une vision sur les civilisations ? Le film retraçant la fabrication semble bien plus intéresser les visiteurs que l’oeuvre elle-même?

Je n’ai pas bien compris la finalité du lieu dédié au directeur de la photographie mexicain Gabriel Figuerda. Une mise en espace majestueuse (et probablement coûteuse) dans l’Église des Frères Prêcheurs pour des extraits de films bien difficiles à appréhender dans leur globalité à moins de butiner?

Les propositions de Chris Marker ont aussi déçu : outre un accrochage indigne, ses oeuvres sur les visages dans le métro parisien me laissent un peu indifférent. Sur ce registre, Vincent Debanne en 2006 avec «Station»nous avait présenté un travail bien plus puissant en associant la position d’attente des voyageurs en gare avec des paysages suburbains.

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À l’issue de cette journée, deux expositions m’ont surpris. Fernando Montiel Klint avec «Actes de foi» (photo de gauche) explore nos engagements par sa focale utopique. Graciela Iturbide immortalise portraits, objets et décor du Mexique comme si elle invitait Dali à la veille d’une fin du monde. Troublant.

Les Rencontres 2011 posent un espace vide entre le “bouillonnement” créatif  des Ateliers et une certaine photographie institutionnalisée ailleurs. Une frontière qui, loin d’être poreuse, fait barrage en délimitant des îlots là où nous aurions besoin d’archipels.

Pascal Bély, Le Tadorne.

Les Rencontres Photographiques d’Arles jusqu’au 18 septembre 2011.