Catégories
FESTIVAL D'AVIGNON OEUVRES MAJEURES

Joseph Nadj rend plumes le Festival d’Avignon.

Il existe une danse démocratique, ouverte à tous, qui pousse délicatement les portes de l’imaginaire, sans brutaliser, mais avec la force du propos. Ce soir, au Festival d’Avignon, « Les corbeaux » du chorégraphe Joseph Nadj et du musicien Akosh Szelevényi ont ébloui, sans effraction, pour nous inviter à découvrir l’atelier du «peintre danseur» et du «musicien pinceau».

Tout est en place pour que nous puissions suivre avec délicatesse, loin du brouhaha des crises, cette métamorphose de l’homme-oiseau. Tel un médiateur, Nadj accompagne. Derrière une toile défilante, il se cache pour dessiner ce qui lui passe par la tête au carré...Le papier déroule et je m’enroule dans cette carte de l’imaginaire, celle tracée par les oiseaux migrateurs qui volent au dessus de nos têtes alors que nous empruntons les chemins de traverse.

nadj2.jpg

Puis, il apparaît. Avec son costume noir, il est nuit et ses cheveux gris se font lune. Tandis qu’une poudre noire descend du ciel, Nadj et Akosh jouent une musique d’étoiles filantes à partir de cylindres. Est-ce des bombes déterrées? Ce rituel funéraire prépare une renaissance. Ma vue se trouble.

Je le suis, j’ai confiance. La musique étonne, détonne, m’enveloppe. Joseph Nadj poursuit son voyage et le corbeau pointe le bout de son nez pour se faire pinceau. La danse remplume, le mouvement dessine le squelette de l’oiseau, et le corps vole. Le corbeau accueille le pinceau volatile de cet homme devenu le Michel Ange de nos parois nocturnes. La musique amplifie le battement d’ailes tandis qu’il plonge dans un liquide amniotique noir pour renaître de ses cendres.

nadj3.jpg

Nous y sommes. Il scintille comme si les étoiles s’étaient collées à lui pour l’éclairer. Il se pose sur la toile, sur le bord de nos fenêtres d’où nous contemplons son envolée qui provoque la tempête du sublime. Notre souffle coupé le fait fuir. Il ne crie pas et la musique silence. Cet oiseau de bel augure a rejoint les rapaces de nuit dans la forêt de Gisèle Vienne.

Je le suis, car le Festival est le territoire des humains migrateurs qui se perdent dans la forêt pour voler de leurs propres ailes.

Pascal Bély – www.festivalier.net

« Les corbeaux » de Joseph Nadj et Akosh Szelevényi. Au Festival d’Avignon du 18 au 26 juillet 2010.

Photo: Christophe Raynaud de Lage.