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FESTIVAL D'AVIGNON THEATRE MODERNE

Au Festival d’Avignon, un Kafka comme jamais !

S’il est des textes dits « classiques » qui à certains moments ont la portée d’être d’actualité, « Le procès »  de Franz Kafka est de ceux-là. Le metteur en scène allemand Andreas Kriegenburg nous en offre une démonstration magnifique.
Au-delà de l’absurde et de la noirceur du texte, nous sommes invités à en percevoir le côté « burlesque ». La mise en scène convoque l’esprit du cinéma muet et nous renvoi vers ces héros des temps modernes qu’enfant nous avions du mal à comprendre plus loin que le premier degré. C’est une proposition qui nous emmène inévitablement l’esprit à l’Est et l’on pense au chorégraphe  Joseph Nadj. Le dispositif scénique qui évoque un oeil, un puits, une focale, éveille les images et l’imaginaire avec une grande richesse: toujours à l’Est, Pabst et  à l’ouest Buster Keaton, Lloyd, Chaplin? La scénographie magnifique éclaire l’écran de nos nuits blanches, mais peut, parfois, nous faire perdre le fil tant elle ouvre vers d’autres univers. C’est peut-être là le défaut d’être trop tenté de créer de l’image sur scène.

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Ici le théâtre intègre la danse pour alléger un rêve cauchemar ; elle le porte vers un réveil au sourire moqueur de qui saurait que la vie se joue avec la lumière. L’espace du drame, comme « un manège » qui tourne et ondule, mais dont il est nécessaire de descendre pour en palper l’épaisseur, n’est pas sans évoquer ces boîtes à musique où la danseuse en tutu continue sa ronde bien qu’on vérifie les lois de la gravité en la remuant de bas en haut. La portée politique et actuelle de la pièce laisse entendre toute sa mesure, elle éveille une potentielle conscience à ouvrir l’oreille et les yeux. Ce, pas seulement sur notre voisin, de droite ou de gauche, mais sur la facilité avec laqueCommentaires 0lle les systèmes se créent et nous dévorent.

Pour mieux souligner l’universalité de K, ici il est unique et multiple. Un, trois, cinq, sept c’est par l’impair qu’il s’illustre.

Il finira un, chemise éclaboussée de sang sur la roue du temps, délaissé par ses pairs, un seul suffira pour la survie temporaire des autres.

Bernard Gaurier – www.festivalier.net

“Der Prozess” de Franz Kafka mis en scène par Andreas Kriegenburg au Festival d’Avignon les 16, 17 et 18 juillet 2010.

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Au Théâtre des Halles, notre survie adviendra.

Les liens entre notre humanité et de nos modèles de (sur)vie tissés par « Simples mortels », roman de Philippe de la Genardière et titre de la dernière création d’Alain Timar, n’est pas un simple catalogue des catastrophes, mais un constat sur nos histoires intimes et collectives dans un monde globalisé.

Des années 80 à nos jours, Alain Timar brosse des portraits féroces de capitalistes consuméristes hédonistes (hédoniste au sens contemporain, à savoir le plaisir égoïste). Dans le no man’s land où se trouvent nos cinq formidables interprètes (Paul Camus en jeune homme sorti de l’adolescence, Yaël Elhadad onirique femme fatale, Nicolas Gèmy en trader, Roland Pichaud en costume pour poursuivre la fête (sic), Claire Ruppli en bourgeoise proche de la crise de nerfs), tout est chaos, poussière et délabrement à l’image de leurs pensées et de leurs corps. Bien qu’en façade, tous soient proprets, la montée du consumérisme et du capitalisme sauvage en a fait des êtres avides du néant.

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Ici, la complaisance se réduit au décor apocalyptique. Seul dans un même et unique paysage, chacun trouve sa force pour continuer à avancer. Il faut du courage pour tomber amoureux de la femme en rouge malgré les années SIDA, pour échapper de son bureau et voir s’effondrer les tours du World Trade Center, pour s’apercevoir du vide de son existence et se frayer un chemin dans ce monde globalisant.
Adoptant des postures tragédiennes, le jeu des comédiens déroute et nous met en touche. Il paraît dépassé, voire « ampoulé », mais illustre notre tragédie contemporaine, celle de ne plus savoir donner de sens aux actes et d’être perdus en chemin. La perpétuelle gestuelle finit par étinceler et éclairer la mise en scène. Elle accompagne les mots à leur juste valeur.
Depuis, je ne cesse de penser à ces belles images offertes. Me voilà coquelicot à l’image de l’affiche du spectacle : un être fragile au milieu des décombres de notre société, mais prêt à créer un monde nouveau.

Laurent Bourbousson – www.festivalier.net
« Simples mortels » création 2010 – Alain TIMAR a été joué au Théâtre des Halles, du 8 au 27 juillet, à 14h00.

Crédit photo: Manuel Pascual