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LECTURE

Patrice Chéreau et Philippe Calvario pensent à Hervé Guibert.

Sur le programme distribué à l’entrée du Théâtre des Salins de Martigues, on peut lire une citation de l’écrivain Hervé Guibert, mort en 1991 : «Tant de gens pensent à moi que je n’ai presque plus besoin d’exister maintenant». Patrice Chéreau et Philippe Calvario ont pensés à cet écrivain dont le SIDA a marqué, vers la fin de sa vie, l’œuvre littéraire.
La lecture – spectacle «Le mausolée des amants» qui nous est proposée ce soir est un bel hommage. Sur la scène, un grand bureau avec deux chaises à leur extrémité. L’éloignement entre les deux artistes métaphorise leur distance affective à l’égard d’Hervé Guibert. Si Chéreau l’a connu personnellement, Calvario s’approche de l’écrivain en tant que lecteur,  engagé dans la lutte contre le Sida. Cet éloignement n’est qu’apparent tant la complicité est évidente entre ces deux metteurs en scène: ils habitent à tour de rôles Hervé Guibert. C’est troublant et parfois très émouvant lors de la lecture d’extraits de «Cytomégalovirus». A travers ce passage, c’est toute une génération des années 1985 – 1995 qui revit l’enfer du Sida, l’exclusion qu’il provoquait et le manque d’humanité du système hospitalier. Je pense à Thierry.

Le ton se veut plus léger quand Chéreau (le maître) et Calvario (le valet) lisent «Mon Valet et moi». C’est toute la force tragi-comique de l’écriture d’Hervé Guibert qui se trouve alors merveilleusement interprétée. Troublant…

Mais le moment le plus émouvant, le plus beau est sans aucun doute un extrait de «La mausolée des amants» lu par Calvario : dans un train, deux hommes se regardent et s’aiment déjà, alors qu’à l’arrêt, l’un descend, l’autre pas. Je frissonne en écoutant ce concentré d’amour, d’érotisme, et de mort. C’est à ce moment précis que la lecture – spectacle trouve toute sa force pour nous faire (re)découvrir le talent de cet écrivain. Troublant…
La lecture se termine
sur «Les secrets», comme elle avait commencée, par le duo Chéreau – Calvario . Nous sommes mis dans la confidence et la transmission s’opère. Hervé Guibert fait partie maintenant de mon univers littéraire. Il fallait ce duo complémentaire pour que le lien s’opère entre Guibert et le public à l’image d’une transmission, d’une génération à l’autre. La salle (à moitié vide) applaudit et les lycéens, d’habitude présents à chaque représentation théâtrale, sont absents. L’homosexualité de l’auteur doit encore effaroucher nombre d’enseignants, toujours prompts à dénoncer les injustices. Cette absence en est une.
Pour cette transmission là, il faudra attendre…Le VIH, lui, continue.

Troublant…

Pascal Bély- Le Tadorne