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FESTIVAL MONTPELLIER DANSE PAS CONTENT THEATRE FRANCAIS CONTEMPORAIN

Pour un théâtre zombie à Marseille!

Ces deux pièces n’ont rien en commun, si ce n’est d’avoir été vu à quelques jours d’intervalle. Et pourtant, il me plait de les inclure dans un même article pour démontrer, une fois de plus, que le théâtre est histoire de corps et que décidément, les chorégraphes sont des infatigables chercheurs.

«4.48 Psychose» de Sarah Kane par Thomas Fourneau au Théâtre des Bernardines de Marseille, déçoit par son aridité. Comment un texte d’une telle force peut-il à ce point s’assécher pour se métamorphoser en «objet» plastique (et encore que, cette matière peut s’avérer d’une grande sensibilité!). Ici, l’espace mental est dépouillé à l’extrême (seules quelques incrustations vidéos peuvent aider à s’échapper pour y puiser l’énergie de rester là). Les deux comédiennes (Rachel Ceysson et Marion Duquenne) sont aussi raides que leurs robes et leurs cheveux plaqués. Les mouvements du corps s’effacent au profit de déplacements linéaires et de gestes maniérés. À aucun moment, la mise en scène ne réduit l’abyme entre un texte d’une extrême complexité et le spectateur confortablement assis. Les mots se ferment à l’image de ces deux corps contraints comme si les pulsions de vies et de mort pouvaient à ce point s’objectiver pour gommer le chaos qu’elles provoquent. Cela se regarde. C’est tout. C’est un théâtre profondément mortifère, sans âme, qui amplifie la distance : mettre en scène un tel texte suppose probablement d’avoir travaillé. Sur soi. Pour éviter d’infliger aux autres une peur déconnectée du propos que l’on est censé servir.

À l’opposé, «Zombie Aporia» du chorégraphe américain Daniel Linehan m’a positionné dans un dedans dehors intéressant et ouvert ma réflexion alors que j’étais plutôt mitigé à la sortie de la représentation. Entourés de Salka Ardal Rosengren et de Thibault Lac, nos trois danseurs au look d’adolescent s’exercent : faire entrer la chanson pop dans le mouvement. Dit autrement, ils chantent et dansent. J’ai encore en mémoire la performance du  «Nature Theater of Oklahoma» qui, dans « Life and times» retranscrivait la vie d’une jeune adolescente tirée d’un enregistrement téléphonique. Rien ne nous avait été épargné : ni les «hum», ni les «genre». La partition fut totale: chorégraphique, chantée et musicale. Jubilatoire. Ici, paroles et musiques sont écrites par Daniel Linehan et chantées a cappella. Les Américains ont ce talent incroyable d’évoquer la jeunesse par le «mouvement musical». Et c’est plutôt bien vu : le chant véhicule ces petits «riens» qui finissent par dessiner le portrait cubiste d’un trio en recherche de liens. Cette succession de six «mini concerts» est autant de clics sur une toile qui piège une jeunesse incapable de penser en dehors d’un lien consumériste. Les mouvements  traduisent le désarroi d’une génération qui peine à trouver sa place, à se faire entendre malgré un langage global : le corps et la tête sont liés et intègrent même les nouvelles technologies qui, en imposant leurs déplacements, dénaturent le contexte (jusqu’à transformer les gradins du Centre Chorégraphique National de Montpellier en espace de jeu vidéo).

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Cette chorégraphie de l’égarement est accentuée par cette succession de tableaux qui, à force d’accumuler, me perdent. Le chant épouse la forme si particulière des mouvements où la recherche de l’unité bute sur la relation empêchée. La rupture du sens est permanente : la globalisation des corps et de la pensée, renforcée par la société de consommation et l’internet, bloque la communication. L’aspect performatif de «Zombie Aporia» amplifie le spectaculaire à l’image d’une société où la forme prime sur le fond, où le geste s’assimile au slogan pour masquer le gouffre. À mesure que le spectacle avance, un nouveau langage émerge, jamais vu et entendu ailleurs. Il percute ma façon d’appréhender la danse et crée une brèche dans mon système de représentations. Comme dans tout processus de changement, je résiste jusqu’à repenser ce que j’ai vu. J’écris avec la sensation d’avoir découvert une jeunesse qui célèbre l’hybridité et que je ne vois plus tant son contexte m’est devenu illisible. «Zombie Aporia» me propose un langage pour me reconnecter à elle . Pour penser la relation autrement. C’est peut-être à cette condition que le théâtre se régénéra à l’image du spectacle de Vincent Macaigne au dernier Festival d’Avignon qui vit la jeunesse monter sur le plateau pour y fêter l’absurde et le pessimisme, ode à la créativité.

Pascal Bély, Le Tadorne.

“4.48 Psychose” de Sarah Kane par Thomas Fourneau au Théâtre des Bernardines de Marseille du 12 au 22 janvier 2012.

“Zombie Aporia” de Daniel Linehan à Montpellier Danse le 23 janvier 2012.

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LE GROUPE EN DANSE THEATRE FRANCAIS CONTEMPORAIN THEATRE MODERNE

Une jeune danse pour un pays de vieux.

« Les fauves » de Michel Schweizer sont à l’affiche du Théâtre de la Cité Internationnale à Paris (du 26 au 31 janvier 2012). Je recommande fortement ce spectacle vu à Lyon au printemps dernier.

Ils sont dix jeunes et un accompagnateur. On ne sait d’ailleurs pas très bien quelle est sa fonction: habillé d’un t-shirt siglé dont il ignore le sens, le metteur en scène Michel Schweizer lui a demandé d’être lui-même. Alors, Gianfranco Poddighe chante pour nous accueillir puis passe derrière les platines tel un DJ de l’âme. Il fait jeune. Comme moi. La jeunesse n’est donc pas un statut. Elle est.

Des tables avec des micros entourent le plateau (métaphore de la nouvelle Agora ?) tandis que deux horloges digitales pendent du plafond. Elles ne donnent pas la même heure et le décalage ne cessera de grandir au cours de l’heure quarante-cinq minutes du spectacle. Le temps est suspendu, mais aussi décalé comme une invitation à lâcher prise nos repères habituels et nos visions normées. Les voilà donc face à nous (Robin, Elsa, Pierre, Clément, Aurélien, Pauline, Zhara, Lucie, Elisa, Davy), habillés de leur t-shirt où est écrit «endurci» accompagné d’un numéro indiquant leur degré de dureté ! Comme l’eau calcaire de nos machines. Façon élégante de nous renvoyer leur sensibilité, là où nous les aurions probablement enfermés dans des cases inamovibles.

Leur regard ne trompe pas : nous ne saurons rien de leurs origines sociales, de leur statut, de leur vécu familial. Rien pour nous accrocher, mais ils vont tout donner pour nous relier : ils sont ma contemporanéité et mon avenir. Très vite, ils refusent l’abécédaire de la jeunesse écrit par le philosophe Bruce Bégout que leur tend Gianfranco. Ils veulent d’abord évoquer leur ressenti d’être ici, face à nous : et c’est du corps dont ils nous parlent. Cette parole crue et drôle autorise alors toutes les audaces chorégraphiques, plus proches  d’une danse de l’enchevêtrement que du ballet: elle ne cesse de les habiter même quand ils chantent. Ici, la danse a de la voix.

Peu à peu, ils dessinent le changement de civilisation qui se profile : ce groupe incarne un schéma totalement inversé. C’est en partant du bas vers le haut qu’il  propose de  co-construire notre société au-delà des savoirs d’experts. La créativité et l’écoute sont le moteur du progrès (gare à celui qui n’entend pas?), le sensible en est la matière.

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Le groupe semble s’inscrire dans un «ici et maintenant» qui le  mène à refuser un débat vain sur le lien entre jeunesse et immortalité. Leur identité est complexe car leur avatar doit cohabiter avec leur rôle social : c’est leur recherche du mouvement qui les engage loin des dogmes qui rigidifient «le corps social». En un instant, ce groupe est capable de se mobiliser si les valeurs de respect et d’écoute sont menacées. Car le «je» est en «nous». Individualisme ? Sûrement pas. Plutôt un désir de tribu (chère au sociologue Michel Maffesoli) où l’harmonie conflictuelle définit le vivre ensemble, où  l’unicité est une conjonction des contraires, où une tolérance infinie empêche que leur vie sociale se tisse sur un pathos enfermant.

À mesure que «Fauves» avance, je me sens flotter  et me laisse porter quitte à m’autoriser l’ennui quand leur interpellation me sature (à l’image de certains d’entre eux qui s’isolent avec leur casque, leur guitare ou se lovent dans le canapé du fond). Avec eux, je ne cherche rien à savoir, mais je ressens, calmement.

Leur espace artistique est une toile où  les mots se prolongent dans le mouvement, où se réinvente une démocratie, où aujourd’hui est le premier jour du reste de notre vie?

Pascal Bély – Le Tadorne.

“Fauves” de Michel Michel Schweizer au Festival Anticodes du 31 mars au 3 avril 2011.

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ETRE SPECTATEUR LA VIE DU BLOG

Le blog en 2011 : les moments clefs, audience et budget.

«J’ai le sentiment que tu écris beaucoup moins que l’an dernier, non ?» me faisait remarquer un agent d’accueil d’un théâtre en novembre 2011. Pas faux. Presque moitié moins.

L’offre de spectacle vivant dans ma région (Aix-Marseille) ne correspond  plus de tout à mes attentes: j’y retrouve les mêmes esthétiques et des artistes qui finissent par tourner en boucle. Les propositions chorégraphiques se sont littéralement effondrées malgré la présence du Pavillon Noir d’Aix en Provence et d’un Ballet National à Marseille. Ces institutions assèchent plus qu’elles n’irriguent. Du côté des scènes nationales (Le Merlan à Marseille, Théâtre des Salins à Martigues), on répète à défaut d’innover. La fonction de programmateur ne sert finalement qu’à programmer. La visée sur le rôle des arts vivants dans une société en perte de valeurs se réduit à assurer la billetterie ou à soigner l’image «branchouille» du lieu. On (ré)conforte le spectateur plutôt que de mobiliser ses possibilités de penser autrement. Tandis que des grands noms du théâtre et de la danse ou des artistes émergents traversent Lyon, Nîmes, Montpellier, Toulouse, ils font l’impasse sur Marseille et sa région. Tout semble statufié. Le Festival de Marseille programme pour séduire (voir l’article que j’écrivais en 2008, toujours d’actualité); Actoral s’est perdu à force de vagabonder; Montevidéo a fermé (pour combien de temps ?) alors que le Théâtre des  Bernardines soigne sa chapelle.

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En 2011, je n’ai quasiment pas chroniqué sur les spectacles vus dans ma région. Je rêve d’un ailleurs même si un paysage nouveau semble se dessiner :

1) Klap, Maison pour la Danse de Michel Kelemenis a ouvert en octobre dernier. Le projet d’en faire un lieu exclusivement dédié à la création laisse espérer la venue de chorégraphes à Marseille. À noter qu’en deux mois, le lieu a tenu ses promesses malgré des horaires de diffusion (19h) décourageants (voir l’article Bloc-notes / A Marseille, théâtres et festivals me découragent.)

2) L’arrivée de Macha Makeïeff à la Criée et son projet de dépoussiérer l’institution suscite ma confiance. Attendons la saison 2012-2013…

3) La Friche Belle de Mai est en chantier ; un directeur vient de prendre ses fonctions. Espérons qu’il puisse ouvrir le lieu vers la ville pour un nouvel accueil, une mise en lien des disciplines et des différents opérateurs culturels qui composent la Friche.

Concernant le blog, le premier semestre a vu son audience chuter peu à peu. Faute d’articles, le lectorat a déserté (à peine 100 visiteurs par jour). À la fin du mois de février, j’envisage d’arrêter l’aventure. Découragé de ne pouvoir écrire, je publie en avril un article sur l’absence de propositions théâtrales de qualité dans ma région. Malgré tout, je vais à la rencontre d’artistes à Bastia, Nantes, Bruxelles, Gap. Je m’émeus des  propos racistes de Raphaël de Gubernatis du Nouvel Observateur, de l’inculture des communicants dans les théâtres, de la nomination d’Olivier Py au Festival d’Avignon. Je retrouve le plaisir d’écrire et pars serein au Festival Montpellier Danse après le rendez-vous manqué d’Uzès Danse. L’audience du blog augmente et explose au cours du Festival d’Avignon (plus de 1000 par jour).  Le Tadorne est identifié par les artistes et certains spectateurs m’encouragent dans ma démarche notamment lors des rencontres que j’anime avec le Festival Off d’Avignon.

Si les Rencontres Photographiques d’Arles furent particulièrement ennuyeuses, la Biennale d’Art Contemporain de Lyon m’a profondément stimulé (quatre articles qui seront lus par plus de 3000 visiteurs uniques), tandis que le Printemps de Septembre de Toulouse s’est avéré plus sensible et moins spectaculaire que les années précédentes. Le Festival d’Automne m’a permis de retrouver Claude Régy et Daniel Veronese avant de retomber dans la léthargie régionale (et la dénonciation de l’étrange positionnement du directeur adjoint du Festival de Marseille). Rien ne fait événement ici alors que la polémique autour de la pièce de Roméo Castellucci à Paris par les fondamentalistes religieux m’oblige à me positionner pour défendre cette oeuvre remarquable.

Au final, l’année 2011 voit l’audience se stabiliser à 90 000 visiteurs uniques (+ 1,21% par rapport à 2010. La plus faible progression du blog depuis son ouverture en 2005) tandis que la page Facebook s’est affichée 1 001848 fois. Animée par Sylvie, Francis, Elisabeth, Clémence (1 et 2 !), Alexandra, Sylvain, Pierre-Jérôme et Robin, c’est un espace d’échanges autour des arts vivants. Merci à ces Tadornes qui ont été un soutien précieux en 2011. Merci à Laurent Bourbousson et Bernard Gaurier pour leurs fidèles contributions.

Pour finir ce bilan,

Les 10 articles les plus lus :

1- Pour Roméo Castellucci, contre la censure des malades de Dieu.

2-Extra-terrestre Biennale de Lyon

3-L’article inacceptable de Raphaël de Gubernatis dans le Nouvel Observateur 

4-Patrice Chéreau fait naufrage.

5-Le Prince Vincent Macaigne vous attend.

6-Bertrand Cantat, «le condamné» d’Avignon.

7-Au Festival d’Avignon, Boris Charmatz enfante d’un chaos enthousiasmant, d’une humanité à la dérive.

8-Au Festival d’Avignon, la danse de Xavier Le Roy fait la conversation.

9-Une Maison pour la Danse à Marseille : Klap ! Klap !

10-Qui est Pascal Bély? 

Le Budget du blog.

Les dépenses liées au Tadorne en 2011 (billetterie, hébergement, déplacement) se sont élevées à 5900 euros (en hausse de 10% par rapport à 2010). Faut-il le rappeler, mais Le Tadorne ne rapporte aucun revenu ! Je m’interroge sur la nécessité de lancer une souscription pour financer une nouvelle ergonomie du site.

L’aventure se poursuit donc en 2012 pour la septième année.

Je vous remercie chaleureusement pour votre fidélité.

Pascal Bély, Le Tadorne.

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PAS CONTENT

Maguy Marin, «may be» not.

La chorégraphe Maguy Marin est en tournée dans toute la France jusqu’en juin. La critique est unanime sur «Salves», spectacle jugé majeur. J’ai rediffusé dernièrement l’article élogieux que j’avais publié en septembre 2010 lors de la Biennale de Lyon. Depuis quelques jours, des amis m’envoient des retours plus mesurés.  Francis Braun, contributeur pour le Tadorne, m’a transmis son regard. À la lecture de son article, je m’interroge. Serions-nous saturés de propos dénonciateurs ? Peut-on aujourd’hui penser une nouvelle société à partir de nos décombres ? N’avons-nous pas besoin d’un bordel poétique pour reconstruire sur d’autres bases (d’où le récent succès de Vincent Macaigne avec «  Au moins j’aurai laissé un beau cadavre »)?

Pascal Bély

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RECOLLER LES MORCEAUX et REMETTRE LE COUVERT?…Par Francis Braun

 On va courir, couvrir, se transformer, se travestir, se dénuder, s’illuminer, s’éteindre, s’asperger, se ridiculiser….À force de tout expliquer, on va se faire chier….et ceci dès les premières quinze minutes. On nous mâche le travail avec ces images convenues et évidentes. Si bien qu’on n’imagine plus. On est à l’école, et à force de nous démontrer, on ne rêve plus. On va finir par s’ennuyer avec ces répétitions qui n’en finissent plus de se répéter. On ne va pas danser, non, on va seulement bouger, courir, sauter, faire du mouvement, gesticuler…On va écouter des bandes-sons hachées….On va regarder à la condition absolue de pas nommer le nom de danse, ni de celui de longue performance.

La description sera facile, mais Maguy Marin nous ment: on tend un fil de part en part de la salle. On fait semblant de choisir des gens au hasard pour le dérouler.

Premier mensonge : ce ne sont pas des anonymes que l’on sélectionne,  mais des danseurs.

Deuxième mensonge: ce sera un fil (est-il imaginaire ?) qu’ils vont se repasser.

À ce moment-là, on réalise la supercherie :….ce fil sera le fil de l’histoire que l’on va dérouler sous vos yeux !

Ouah!!! En voilà une belle prouesse métaphorique (au point où nous en sommes, imaginons une danseuse déguisée en Araignée!)

Maintenant que le spectacle a commencé, sachez  qu’il fait a moitié nuit dans le Pavillon Noir d’Aix-en-Provence…un noir parfois éclairé, éteint à nouveau…ré allumé puis ré éteint…ce n’est pas involontaire, c’est voulu…ce sont des clairs-obscurs, des contrastes….des épisodes, des instants , des impromptus…Mon oeil a du mal à s’habituer à cette lumière séquentielle, utile, mais pas indispensable, surtout fatigante pour ne pas dire lassante.

Aix-en-Provence transformée en “Sons et Lumières” par Maguy Marin.

Maintenant, examinons le contenu…plutôt le contenant…Il va falloir “recoller les morceaux” et “remettre le couvert”…puis entre-temps, faire défiler les strates de la Mémoire.

Tout y passe…tout y trépasse. La Religion, les Papes, les Curés, les Artistes, la Peinture, la Sculpture, les Monuments, la Statue de la Liberté, la Venus de Milo, le Vase de Soissons…

Les évènements tragiques et populaires se succèdent,  le racisme bien sûr, la parodie peut-être, le cynisme certainement…Tout s’éclate, se brise et se sépare. Le désarroi gicle sur les murs; la catastrophe nous tombe dessus.

Elvis se multiplie, Marco Ferreri s’annonce, Fellini s’approche…C’est alors qu’un tout petit Christ rédempteur arrive après la bataille…J’aurais aimé entendre Bashung et son saut à l’élastique…imaginer la figurine se fracasser sur la Table dressée,…

Un effet terrible sur  tragico-burlesque banquet ridicule.

Tragédie ou Comédie? Ce simulacre pseudo fellinien….Nature morte grotesque déguisée….À force de trop dire, on perd toute la poésie. À force d’expliquer, on dilue le contenu.

Avec un peu d’humour et beaucoup de dérision…voilà l’amertume et le regret de ma détestation.

Que j’ai aimé Maguy Marin et son “May B“. Universel.

Je ne digère pas ma déception.

Francis Braun – Le Tadorne

“Salves” de Maguy Marin au Pavillon Noir d’Aix en Provence du 11 au 13 janvier 2012.

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ETRE SPECTATEUR LA VIE DU BLOG

Le Tadorne: spectateur volatile, mais pas que…

En 2011, «je me suis relié».

Entre mon métier de consultant et de formateur, ma passion pour les arts et ma vie sociale, j’ai le sentiment d’avoir créé un tout lisible et cohérent. Mes premières définitions du spectateur «Tadorne» (nom du blog et d’un canard migrateur!) se sont enrichies grâce à la dynamique d’un projet global qui nourrit ma quête de sens.

Pour reprendre l’expression chère à Jacques Rancière, être un «spectateur émancipé» suppose de tâtonner dans la recherche de nouvelles articulations. J’ai très vite compris que ce positionnement était un processus (substituer à la consommation de spectacles, une relation à l’art au centre de tout) : il véhicule suffisamment de résistances et de peurs pour être vecteur de changement. J’ai donc poussé mes propres frontières et assumé : peu à peu, l’art s’est immiscé dans mon métier. À Martigues, j’ai accompagné la fusion de l’école de Musique et de Danse en créant une dynamique de projet global. À Vénissieux, au cours d’une formation sur l’approche systémique, j’ai posé des livres d’art sur la table pour que chacun s’en saisisse et évoque son positionnement professionnel. À la CAF des Bouches-du-Rhône, j’ai proposé l’intervention du chorégraphe Philippe Lafeuille auprès d’un public de travailleurs sociaux : lui seul pouvait les aider à relier le corps et la tête ! À Marseille, j’ai réuni (avec Graziella Végis et Nathalie Dalmaso du Théâtre Massalia) dans un cursus de formation, des professionnels de la petite enfance de deux collectivités (Martigues, Fuveau) et de la Maison de la Famille. Ils se sont formés pendant huit jours sur la question de «l’art et les tout-petits». Comme pour le Tadorne, il s’agissait de s’éloigner d’une consommation de spectacles calqués sur le calendrier (Noël, Mardi gras,…) pour vivre la relation à l’art comme vecteur de valeurs et de communication vers le tout-petit et sa famille. Cette formation a bouleversé des représentations et mis en mouvement bien des postures. En 2012, des artistes seront en résidences dans les crèches ; des ateliers incluant les familles seront proposés. Ces professionnels sont venus au Festival Off d’Avignon, à une table ronde que j’animais. Avec les artistes, ils ont échangé sur les spectacles et bien au-delà : pour quoi l’art et les tout-petits? Ainsi, nous avons inauguré un cadre propice à un lien transversal entre spectateurs «émancipés» et artistes en quête d’un nouveau dialogue.

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(Ulla Von Brandenburg – Biennale de Lyon 2011)

C’est donc à partir de porosités (consultant-spectateur / petite enfance- théâtre / social – danse) que j’ai ouvert des espaces. Ils ne peuvent être à l’initiative d’institutions culturelles: elles sont trop verticalisées pour questionner leur fonctionnement et accueillir des modes transversaux de communication (passer du haut vers le bas au côte à côte). A partir de notre relation à l’art, il faut créer les conditions de la mise en réseau des spectateurs, des artistes et des professionnels pour nous aider à relier ce que nous cloisonnons. Je suis d’ailleurs troublé de constater que les spectateurs qui se reconnaissent dans ma démarche (notamment à partir de la page Facebook du Tadorne) font ce même travail de décloisonnement. Être Tadorne, c’est vouloir devenir un spectateur global  et entraîner les autres!

La question de la médiation culturelle m’a bien sûr traversé d’autant plus qu’elle se relie à ma fonction de formateur. La médiation est un processus: elle est une composante de bien des métiers. Dans le secteur  social et éducatif, on ne compte plus les initiatives locales qui permettent la rencontre entre artistes et habitants. Mais ces innovations ne s’écrivent pas et ne font pas patrimoine par manque d’espaces appropriés qui puissent les recevoir et les inscrire. «La maison de théâtre» à Marseille organisera la Biennale des Écritures du Réel en mars 2012. C’est dans cette espace que j’ai proposé une  formation. À suivre…

2011 signe aussi mon positionnement institutionnalisé en articulation avec les dynamiques transversales que j’initie. J’ai accepté d’être président d’une compagnie de danse et de siéger à la commission des experts danse de la Direction Régionale des Affaires Culturelles (régions PACA et Languedoc Roussillon). Ces expériences enrichiront ma relation aux artistes tout en m’inscrivant dans un nouveau processus, sachant que mon métier de consultant m’aidera à interroger le sens du projet.

Être Tadorne, c’est toute une vie.

Pascal Bély, Le Tadorne.

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LA VIE DU BLOG OEUVRES MAJEURES

En 2011, 20 mises en scène essentielles.

1- «Sur le concept du visage du fils de dieu» – Roméo Castellucci – Festival d’Avignon.

2- «Au moins, j’aurais laissé un beau cadavre» – Vincent Macaigne – Festival d’Avignon.

3-«Jan Karski (mon nom est une fiction)» – Arthur Nauzyciel – Festival d’Avignon.

4-“Brume de Dieu Claude Régy – Festival d’Automne – Paris.

5-«On ne sait comment» – Marie-José Malis – Théâtre des Bernardines (Marseille).

6- «Les rêves» – François Bergoin – Théâtre Alibi, Bastia.

7- «Tartuffe» – Gwenaël Morin-  Théâtre d’Arles.

8- «Habit(u)ation» – Anne Cecile Vandalen – KunstenFestivalDesArts – Bruxelles.

9- «Christine, d’après Mademoiselle Julie»- Katie Mitchell et Leo Warner– Festival d’Avignon.

10-«Life : Reset / chronique d’une ville épuisée» – Fabrice Murgia – KunstenFestivalDesArts – Bruxelles.

11- «Les enfants se sont endormis» – Daniel Veronese – Festival d’Automne- Paris.

12- «La Omisión de la familia Coleman»- Claudio Tolcachir – La Criée, Marseille.

13- «Choeur de femmes» – Marta Gornicka- Festival « Sens Interdits » – Lyon

14- «Il n’y a pas de coeur étanche»- Julie Rey / Arnaud Cathrine– La Criée, Marseille.

15- «Insultes au public»- Compagnie Akté –  Le Volcan, Le Havre.

16-«Yahia Yaïch, Amnesia»- Jalila Baccar et Fadhel Jaïbi– Festival d’Avignon.

17-«Scratching on things I could disavow: a history of art in the arab world» – Walid Raad – KunstenFestivalDesArts, Bruxelles.

18-«Sometimes I think, I can see you» – Mariano Pensotti – KunstenFestivalDesArts, Bruxelles

19- «Bramborry» – De Spiegel – Festival «Petits et grands», Nantes.

20-«The Indian Queen» – Jan Decorte – KunstenFestivalDesArts, Bruxelles.

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En 2011, j’ai beaucoup voyagé. Au total, plus d’une centaine de pièces de théâtre dont la grande majorité n’a pas soulevé mon enthousiasme. Beaucoup d’ennui et pour tout dire, pas mal de découragement (notamment dans ma région, mais j’y reviendrai dans un prochain article). Reste vingt mises en scène, essentielles, parce qu’elles m’ont perturbé, immergé dans un ailleurs pas toujours reluisant, mais où je me suis senti profondément «sujet». C’est-à-dire en devenir…

Pour commencer, il y a ce théâtre des limites. Avec «Sur le concept du visage du fils de Dieu», Roméo Castellucci m’a totalement sidéré à vouloir interroger ma manière de regarder le monde. Je me souviens d’avoir tremblé d’effroi et de froid. Son oeuvre a mis nos corps à corps en jeu. Il y aurait presque une filiation avec le jeune Vincent Macaigne qui a fait vibrer le cloître des Carmes d’Avignon. Avec «Au moins j’aurais laissé un beau cadavre», j’ai eu l’impression de co-inventer un théâtre de corps et de sang, à la limite de la performance et des arts visuels. Macaigne est le metteur en scène d’un art total.  De son côté, Arthur Nauzyciel n’a pas hésité à nous pousser dans nos retranchements pour entendre la parole de Jan Karsky, résistant polonais qui fut le témoin de la plus grande tragédie de l’humanité. Il nous a lentement guidés vers son corps, interprété par le magistral Laurent Poitrenaux. Ce fut un moment théâtral parfois éprouvant pour réveiller le sempiternel «devoir de mémoire» qui finit par nous infantiliser.Sur un tout autre registre, la compagnie Akté a revisité «Insultes au public» de Peter Handke. Cette oeuvre qui date de 1967 n’a rien perdu de son actualité dans un contexte où la place du public s’est peu à peu marchandisé grâce à un marketing truffé de slogans imaginatifs, mais creux. Or, être spectateur est un positionnement complexe où la quest
ion du «sujet» est centrale, génialement traitée par cette compagnie qui devrait faire parler d’elle dans les années qui viennent.

À côté de ce théâtre engagé et engageant reviennent quatre noms, souvent évoqués sur ce blog : Claude Régy, Marie-José Malis, Gwenaël Morin, François Bergoin. À quatre, ils sont mes balises pour naviguer en eaux troubles, amarré à leur navire d’artisan bâtisseur.

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Plus prés de nous, je me souviens d’un théâtre sur la crise. Il m’a aidé à ressentir les effets dévastateurs d’une société consumériste en perte de valeurs. Les metteurs en scène français sont plutôt absents sur ce registre tandis que les belges Anne-Cécile Vandalen, Fabrice Murgia m’ont sidéré par leur façon de théâtraliser la solitude et le chaos qui traversent la famille. Ce dernier thème faisant les beaux jours des Argentins Daniel Veronese et Claudio Tolcachir. Je n’ai pas oublié les prémices de la révolution tunisienne, magnifiquement théâtralisé par les chorégraphies de Jalila Baccar et Fadhel Jaïbi.

Mais au-delà de la crise, il y a des thèmes universels abordés de front, avec force et courage, où la forme épouse le fond. Les voix des femmes orchestrées par la Polonaise Marta Gornicka résonnent encore pour dénoncer la domination masculine qui ne connaît décidément aucun répit. Tout comme le sort que nous réservons aux fous, délicatement traité par Julie Rey et Arnaud Cathrine.

Et puis, il y a ces formes théâtrales hybrides, objet de bien des rencontres mémorables. Walid Raad et sa déambulation dans les chemins de traverse de l’art. L’opéra d’Henry Purcell par Jan Decorte a enthousiasmé parce qu’il a ouvert le théâtre vers une discipline peu réceptive à la pluridisciplinarité tandis que Mariano Pensotti convoquait le public dans le métro de Bruxelles pour le socialiser en créant des dialogues poétiques. «Christine, d’après Mademoiselle Julie» librement adapté d’August Strindberg par Katie Mitchell et Leo Warner de la Schaubüne de Berlin fut d’une telle virtuosité qu’elle m’a entraîné aux frontières du cinéma, du théâtre et de la danse. Et puis il y eut «Bramborry» de la compagnie «De Spiegel», moment théâtral sublime où tout-petits et grands plongèrent dans un univers onirique fait de sons, de sable et d’eau…

Vingt mises en scène essentielles, pour traverser la crise sans perdre pied vers nos corps mouvementés.

Pascal Bély – Le Tadorne.

A lire aussi:

En 2011, 20 oeuvres chorégraphiques essentielles.

Mes trois chefs d’oeuvre de l’année 2011.

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OEUVRES MAJEURES

Fracassante Maguy Marin.

« Salves» de Maguy Marin fut l’événement de la Biennale de la Danse de Lyon en 2010. Dès janvier 2012, sa compagnie part en tournée dans toute la France. Je publie à nouveau l’article que j’avais écrit en 2010 et les dates de ce long voyage qu’entreprennent Maguy Marin et ses danseurs. Ils vont passer près de chez vous.

Sonné. Immobilisé. Traumatisé. Elle ne nous a pas lâchés un instant. Même pas une seconde. Car ce n’est plus le moment de se divertir à partir des ficelles du marketing spectaculaire et faire semblant. Il est temps de recoller les morceaux d’une époque fracassante qui, à force de tordre le sens de l’Histoire, fait de nous des êtres «décivilisés», capables parfois de se laisser séduire par des visions réductrices au mépris de tous ceux qui ont oeuvré pour notre émancipation. La chorégraphe Maguy Marin n’a donc plus rien à perdre. Avec “Salves” sa dernière création présentée à la Biennale de la danse de Lyon, elle trace, car il faut l’énergie du chaos pour continuer sa quête de sens au coeur d’une société où poser LA question vous catalogue rapidement dans le clan des intransigeants. Maguy Marin ne transige pas. Elle occupe le terrain en préférant une scène en travaux aux plateaux dorés qui ensommeillent.

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Dès les premiers instants, les interprètes viennent délicatement nous chercher, comme si nous étions terrés, apeurés, ayant perdu le fil de l’Histoire. Cinq minutes d’une poésie à vous couper le souffle. Avec un fil transparent, ils nous relient et permettent à Maguy Marin de poser son paradigme (une bonne fois pour toute ?): tout est lié, l’art est total et il est grand temps de résister contre celles et ceux qui séparent au nom d’une rationalité abrutissante qui fait mal à l’humanité. Sur le fil, elle provoque le chaos le plus sublime qu’il m’ait été donné de voir afin de (tout) remettre à plat, en hauteur, en diagonale. En nous? Pour cela, elle transforme la scène en territoire pour chorégraphier le théâtre, nous inclure dans la danse, réveiller notre sens de l’Histoire qu’elle projette, comme une cinéaste d’une Nouvelle Vague, sur la toile de nos parois  cérébrales devenues soudainement amovibles! Aux traumatismes provoqués par la folie du monde, Maguy Marin répond en créant un langage «traumatique artistique» qui se passe des mots pour susciter un choc « psychologique ». Pour cela, le son s’approche du vacarme entêtant d’un « cauchemar de folie » ; pour cela, la lumière n’éclaire plus, elle projette.

Les danseurs arpentent donc, torche à la main, ce que nous avons fait là…C’est pire que ce que nous pensions. Mais ne croyez pas à une dénonciation, une de plus, auxquelles nous sommes habitués sur bien des plateaux. Ici, Maguy Marin inclut le spectateur dans la folie du monde. Par touches successives, elle réveille nos peurs enfouies qui font qu’aujourd’hui nous laissons faire, parce qu’enfant, nous avons découvert ce qu’il ne fallait pas voir. Elle va chercher ce qui fait Histoire dans notre histoire. Inutile de préciser que c’est saisissant. Elle interpelle notre lien à la culture qui, censé nous «civiliser», nous assujetti aux modes et fait de nous des consommateurs clonés qui empilent les oeuvres d’art comme nous rangeons la vaisselle dans le placard.

La force de « Salves» est bien là : elle métamorphose notre lien à la scène, seul ressort qu’elle peut actionner pour changer notre rapport au monde et nous montrer ce que notre société du spectacle, plongée dans le consumérisme le plus abject, nous empêche de voir. L’époque est folle parce que nous ne sommes reliés à rien. Même pas à l’art dont nous baladons les symboles, détournons les oeuvres à des fins marchandes où la vitesse de consommation des biens culturels prime au-delà du sens qu’ils incarnent. Pendant ce temps, les corps souffrent, les victimes disparaissent de notre champ de vision. Pendant ce temps, l’événementiel chasse l’Histoire et nous voilà immergés dans le groupe anonyme prêt à nous foutre sur la gueule en attendant qu’un dieu suprême vienne nous sortir de ce merdier.

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Alors Maguy Marin repart au combat et nous enrôle en repassant la bande-son et les images d’un vieux film, connues de tous, celui de la Résistance ; celui de ces petits gestes intimes du quotidien dont la portée politique est immense. N’attendez pas un bouquet final heureux. On n’est pas au spectacle ici ! Bombez le torse, accueillez ces salves. Elles vont vous transpercer et vous donner la force de tendre le fil qui vous relie à l’Histoire et «civiliser»votre regard posé sur le corps.

Car le corps est politique. Il est notre statue de la liberté.

La torche vivante de la fraternité.

Pascal Bély – Le Tadorne.

“Salves” de Maguy Marin à Biennale de la Danse de Lyon du 13 au 19 septembre 2010.

Crédit photo: Christian Ganet.

 

Les dates de la tournée:  

6 janvier 2012 au Théâtre la Passerelle – Gap
10 janvier 2012 au Théâtre de l’Archipel – Perpignan
12, 13 et 14 janvier 2012 au CCN de Aix-en-Provence / Ballet Preljocaj – Aix-en-Provence
17 janvier 2012 au Cratère, scène nationale – Alès
20 et 21 jan
vier 2012 au Merlan scène nationale – Marseille

24 janvier 2012 à La scène nationale de Cavaillon – Cavaillon
31 janvier 2012 au Théâtres en Dracénie – Draguignan

3 et 4 février 2012 au CNCDC de Châteauvallon – Ollioules 

7 février 2012 au Centre Culturel Agora – Boulazac
9, 10 et 11 février 2012 au Théâtre de l’Union – Limoges
14 février 2012 au Théâtre Le Liburnia – Libourne
17 et 18 février 2012 au Manège de Reims, scène nationale – Reims
21 et 22 février 2012 au Théâtre d’Orléans, scène nationale – Orléans
24 février 2012 à La Faïencerie, scène conventionnée – Creil

2 mars 2012 à La Passerelle, scène nationale – Saint Brieuc
6, 7 et 8 mars 2012 au Lieu unique, scène nationale – Nantes
14 mars 2012 à L’Arsenal – Metz
16 et 17 mars 2012 au Maillon / Théâtre de Strasbourg,scène européenne – Strasbourg

21, 22 et 23 mars 2012 au Théâtre National de Bretagne – Rennes
27 mars 2012 à l’Hippodrome, scène nationale – Douai
30-31 mars et 1er avril 2012 à l’Opéra de Lille – Lille

3, 4 et 5 avril 2012 Le Toboggan en partenariat avec la Maison de la danse de Lyon – Décines
10 avril 2012 à L’apostrophe scène nationale de Cergy-Pontoise et du Val-d’Oise – Cergy
13 et 14 avril 2012 au Théâtre Auditorium de Poitiers, dans le cadre du Festival [à corps] – Poitiers
17 et 18 avril 2012 à la Scène nationale Petit-Quevilly/Mont-Saint-Aignan – Le Petit-Quevilly
20 avril 2012 à Dieppe, scène nationale – Dieppe
24, 25 et 26 avril 2012 à La Comédie de Valence, centre dramatique national Drôme-Ardèche – Valence
30 avril 2012 à L’estive, scène nationale de Foix et de l’Ariège – Foix

6, 7, 8 et 9 juin 2012 au Théâtre Garonne – Toulouse

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PETITE ENFANCE

«Voyages en villes invisibles» d’Hervé Lelardoux : Rendez-vous à l’enfant!

Le froid vient de tomber, il est encore tôt, la ville se voile tout juste à peine de pénombre, les «lampions de Noël» s’allument pour conduire mes pas vers les retrouvailles avec «L’Arpenteur»*.

Par petites «grappes», nous entrons dans la salle. Les «vrais enfants» ont une enveloppe à la main où ils ont inscrit leurs noms et adresses; ils la déposeront «à la boite» avant de prendre place. Auparavant, nous emprunterons tous, qu’on soit petits ou un peu plus grands, la même rue, miniature de lumières, pour arriver au plateau boite à lettres.

J’éprouvais le besoin d’être entouré d’enfance pour rencontrer ces «Villes Invisibles». D’un côté une petite fille remuante et toussante,  de l’autre, une «grande vraie jeune fille» appariée, ce soir là, à une «petite fille sage». Je pouvais donc me «lover» dans mon enfant à moi, bonbons compris.

Levée de la boite à lettres, les prénoms s’égrainent. Et, les mots de Louis-Basile, qui a voyagé «toute sa vie» avant que de «revenir» dans «sa» ville, se donnent à l’adresse des petits spectateurs.

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Ben, Aicha, François, Nouna, Karl, Helena, Kevin…Ensemble, ils commencent à tisser la toile de nos galaxies espérées. Nos fenêtres espaces se font ciels étoilés et notre «village» se fait Monde par les souvenirs du «Voyageur».

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La nuit se fait jours…comme dans nos «imageries désirs» d’un aujourd’hui vers un demain en fenêtres touchées/aperçues.

Une heure quinze durant, le «vieux» baroudeur arpenteur souffle toujours tendrement, quand bien même quelques maladresses, une Belle vie à l’Enfance et à ses Fenêtres promesses. Unique, en singulier pluriel, un ciel aux étoiles se dessine. La petite fille a cessé de remuer, je me suis « invité/oublié » vers l’enfant que j’étais, que je suis. Mes «Villes Invisibles» se sont (r)allumées? !

Il fait encore un peu plus froid. Mes pas du soir vont me conduire vers ma Maison. Aujourd’hui, ma tête voyage, au gré de mes fenêtres d’Hier. Une ritournelle m’approche….«J’ai une maison pleine de Fenêtres?»… Hervé Lelardoux m’a «reconduit» à la part douce de mon enfance vitalisée en Aujourd’hui…

Rentré dans mon chez moi, la lecture de la feuille de salle me «rassure». Les «petits» aux enveloppes recevront bien une lettre de Louis-Basile, ils n’auront pas «figurés» pour rien !

Les villes existent dedans/dehors, visibles ou invisibles; explorons-nous «simplement», en corps vitraux, pour les allumer et les vivre en pluriel. Par les nuits étoilées ou voilées, nos enfants à la fenêtre nous guident, quelques étroites soient parfois les ouvertures et faibles les lumières. Il y a toujours, quelque part, une boite à lettres.

Bernard Gaurier, Le Tadorne

« Voyages en villes invisibles » d’Hervé Lelardoux au TNB Rennes du 6 au 16 décembre 2011.

*Hervé Lelardoux dirige depuis 1985 le Théâtre de l’Arpenteur avec Chantal Gresset, ils nous ont plusieurs fois invités à marcher dans la ville?

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LA VIE DU BLOG OEUVRES MAJEURES

En 2011, 20 oeuvres chorégraphiques essentielles.

1- “This situation” –  Tino Sehgal – Festival d’Avignon.

2- «Low pieces» – Xavier Le Roy – Festival d’Avignon.

3- «Cesena» – Anne Teresa de Keersmaeker – Festival d’Avignon.

4-«Cendrillon, ballet recyclable» – Philippe Lafeuille– Maison de la Danse de Lyon.

5-«Asphalte» – Pierre Rigal – Théâtre de la Passerelle, Gap.

6-“Enfant”- Boris Charmatz – Festival d’Avignon.

7-«Du Printemps» – Thierry Thieû Niang – Festival d’Avignon.

8-«L’après-midi d’un Foëhn» – Phia Menard – Festival Montpellier Danse.

9-«Parades and changes» – Anne Collot– Montpellier Danse.

10-«Pudique Acide  – Extasis» – Mathilde Monnier / Jean-François Duroure – Théâtre de l’Olivier, Istres.

11-«Fase, four mouvements» – Anne Teresa de Keersmaeker – Festival d’Avignon.

12-«Uprising» et «The Art of not looking back» – Hofesh Shechter– Théâtre des Salins de Martigues.

13-«Le baiser de la fée» – Michel Kelemenis- Opéra National du Rhin, Strasbourg.

14-«Fauves» – Michel Scchweizer – Les Subsistances, Lyon.

15-«Life and times» –Nature Theater of Oklahoma,  Festival d’Avignon.

16-«Ce que nous sommes» – Radhouane El Medeb, Festival les Hivernales, Avignon.

17-«Pléiades» – Alban Richard– Festival Montpellier Danse.

18-«Les 20 ans de la compagnie Grenade» – Josette Baïz – Grand Théâtre de Provence, Aix en Provence.

19-«Je cherchai dans mes poches» – Thierry Baë -Théâtre Durance, Château-Arnoux.

20-«Violet» – Meg Stuart– Festival d’Avignon.

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En 2011, la danse s’est largement ouverte à d’autres langages: s’est-elle pour autant régénérée? Incontestablement, elle s’interroge. Elle a puisé dans sa riche histoire pour y chercher la force de nous interpeller sur la place du corps dans la société. Mathilde Monnier et Jean-François Duroure, Anne Teresa de Keersmaeker, Josette Baïz, Anne Collot ont fait salle comble avec des oeuvres mythiques qui ont joué leur fonction: celle de nous transmettre l’énergie d’avancer et de ne pas renoncer.

Trente ans après, c’est une performance interprétée dans un festival de théâtre (Avignon), qui a créé l’événement. Avec un langage chorégraphique inattendu, Tino Sehgal a osé pendant trois semaines, mettre en mouvement la pensée de huit jeunes chercheurs et doctorants. Dans «This situation», rarement le «corps» et la «tête» ne me sont apparus aussi connectés pour interroger la place du spectateur, metteur en scène «involontaire» d’une oeuvre dynamique et bienfaitrice. Ce processus s’est prolongé avec «Low Pieces» de Xavier Leroy qui a intégré et questionné le lien entre public, danseurs et chorégraphe pour déstabiliser notre regard et ouvrir nos perceptions. Expérience inoubliable. D’autant plus que le mouvement est aussi et surtout dans nos têtes comme dans «Cendrillon, ballet recyclable» de Philippe Lafeuille. Il a recyclé un ballet pour chorégraphier le plastique, matière de la métamorphose. Ce soir-là, mon imaginaire a pris le pouvoir. Le plastique fut décidément présent en 2011: Phia Menard créa un ballet époustouflant à partir de six petits sacs pour que le fragile soit vecteur de sens. Un grand moment de danse.

Les musiciens ont occupé une place importante pour régénérer le langage chorégraphique jusqu’à parfois les confondre avec les danseurs. Au Palais des Papes d’Avignon, au petit matin, le groupe «Graindelavoix» a accompagné les mouvements majestueux d’Anne Teresa de Keersmaeker pour des corps musicaux franchissant les frontières imposées par les disciplines. «Cesena» restera pour longtemps un moment inoubliable. Sur un autre registre, Alban Richard et les percussions de Strasbourg ont avec «Pléiades», crées la tresse entre la musique contemporaine de Iannis Xénakis et la danse pour des corps instruments. Jouissif. Dans «Asphalte» de Pierre Rigal, la musique de Julien Lepreux orchestra des corps dansant dans la ville pour imaginaires engagés dans la métamorphose. Explosif ! Dans «Violet» de Meg Stuart, la musique jouée en direct par Brendan Dougherty impulsa l’énergie de la transe. Percutant. Dans «Uprising» et «The Art of not looking back», Hofesh Shechter propulsa le groupe dans les entrailles de la musique pour y puiser la force de combattre et d’imposer le sens.

Dans «Le baiser de la fée», Michel Kelemenis osa le ballet contemporain sur une musique de Stravinsky, lui-même inspiré par Tchaïkovski. Quand la narration soutient cet exploit, la danse est une partition! Majestueux. Dans «Ce que nous sommes», Radhouane El Medeb chorégraphia le lien sur la musique engageante de Sir Alice pour ne plus se perdre dans le regard de l’autre. Fascinant. Dans «Je cherchai dans mes poches», Thierry Baë orchestra des trajectoires de vie, pensées comme une musique en quête de sens et de vérité.

Décidément, la musique fut omniprésente sur les plateaux de danse, même pour évoquer les âges de la vie! «Enfant de Boris Charmatz au Palais des Papes répondait à “Du Printemps» de Thierry Thieû Niang qui vit des séniors rajeunir notre regard porté sur la vieillesse. L’adolescence vue par le Nature Theater of Oklahoma dans «Life and times» fut plus sage que les «Fauves» de Michel Scchweizer. Mais pour ces quatre oeuvres, un même fil conducteur : la danse par la musique, théâtralise les métamorphoses d’un corps biologique, vues comme politiques.

En 2011, la danse fut l’une de mes plus belles partitions. C’est un art total, en résonance avec mes désirs de frontières étanches. Pour que s’ouvre mon imaginaire trop longtemps formaté par des savoirs casaniers.

Pascal Bély – Le Tadorne.

A lire aussi:

En 2011, 20 mises en scène essentielles.

Mes trois chefs d’oeuvre de l’année 2011.